Après les attaques, la filière bio cherche à rebondir

Malgré ses bienfaits pour la planète, la santé et l’emploi, la part de l’agriculture bio reste modeste dans notre pays. Mais les acteurs de la filière se mobilisent à l’image du GABLEC 41 ou de Bio Centre.

David Peschard agriculteur bio "La ferme des 4 vents"
David Peschard, agriculteur bio de La ferme des 4 vents


Par Jean-Luc Vezon
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Menacée par un amendement sénatorial, finalement non repris dans la loi de Finances, l’agence Bio a sauvé sa peau. « La mobilisation des acteurs du bio a porté ses fruits face à ce projet surréaliste de fusionner l’agence. Celle-ci, dont le budget est faible (2,7 M€ avec 20 salariés(1)), joue un rôle très important pour soutenir notre filière », souligne David Peschard, agriculteur bio à La Chapelle-Saint-Martin-en-Plaine et administrateur de Bio Centre.

Observatoire du secteur, gestion du fonds d’avenir Bio et communication vers le public, les missions de l’agence viennent en soutien aux 61 160 fermes bio (2), représentant 215 000 emplois directs, que compte notre pays. « Même si le bio ne représente que 10 % de la SAU, le nombre de producteurs ne baisse pas. Ce n’est pas un marché de niche comme le prétendent certains », insiste David Peschard.

La présence de cette agence est d’autant plus utile que le marché du bio s’est stabilisé après avoir subi la crise de 2022 (12 Mrds d’€ de CA en 2023). Représentant 6 % des dépenses alimentaires des Français, il se répartit entre la grande distribution (50 %), les magasins spécialisés (35 %) et la vente directe (marché). Si ces deux segments retrouvent des couleurs, les grandes et moyennes surfaces ne jouent pas forcément le jeu.

« Ils surmargent souvent et on constate aussi beaucoup de déréférencements. Ce n’est pas acceptable », constate ainsi David Peschard qui est aussi co-président du Groupement des Agriculteurs Biologiques du Loir-et-Cher (GABLEC), association fédérant les 100 producteurs bio, sur les 300, en Loir-et-Cher.

Pourtant le bio possède bien des vertus. « L’agriculture biologique, c’est une agriculture d’intérêt général qui respecte les sols et la biodiversité. Elle crée aussi de l’emploi, + 30 % en moyenne », plaide le céréalier bio en pointant du doigt les dépenses de restauration de la ressource en eau que doivent financer les collectivités comme récemment Agglopolys.

L’agriculture biologique respectueuse des sols et des milieux est l’alliée de la biodiversité. Crédit photo Jean-Luc Vezon.


David Peschard veut aussi casser l’idée reçue que le conventionnel serait plus rentable. Entre l’explosion du coût des intrants, les investissements élevés ou la concurrence, les agriculteurs conventionnels peinent, ce qu’illustre le mouvement des bonnets jaunes. De son côté, sans pesticides, ni engrais chimiques mais avec une rotation des cultures respectant les principes agronomiques, le bio « travaille non pas contre la nature mais avec elle ».

Si cultiver en bio offre des rendements moindres (entre 25 et 30 % en moyenne), les agriculteurs bio sont aussi moins dépendants aux fluctuations des marchés mondiaux. « Les cours sont plus stables et les circuits courts nous permettent de maîtriser nos prix de vente », insiste David.

Ces derniers mois, le marché semble repartir. Après avoir atteint un palier et régressé légèrement, la consommation remonte, portée par la prise de conscience des citoyens mais aussi les effets positifs de la loi Egalim. « Les consommateurs commencent à comprendre que leur alimentation a un prix. Les denrées à bas coût issues de l’agro-industrie ou de l’importation comme le poulet ukrainien ou le blé russe confortent un modèle à bout de souffle », avance David Peschard.

Le bio accessible à tous

Le projet Parmentier qui associe en partenariat le Pays des Châteaux, Agglopolys, le programme gouvernemental « Mieux Manger pour tous » et une quinzaine de producteurs bio entend justement démocratiser les produits bio. Des bénéficiaires d’associations locales (Secours Populaire, Secours Catholique…) ont ainsi accès à des paniers bio et à des cours de cuisine depuis deux ans. À la clef : moins de précarité alimentaire, alimentation de qualité et dignité, le résultat est positif.

« L’agriculture française a des progrès à faire pour un monde supportable. Nous sommes encore loin de l’objectif des 28 % de bio en 2027. C’est la raison pour laquelle nous demandons une hausse de l’éco-régime actuellement de 90 €/ha à hauteur de 145 €. Cette aide pour service environnemental est une forme de paiement pour services environnementaux », développe David Peschard.

Le fermier bio s’avoue un peu inquiet par la montée en puissance de la Coordination Rurale qui est arrivée en tête dans 14 départements (dont le Loir-et-Cher, le Cher et l’Indre-et-Loire) lors des dernières élections aux Chambres d’agriculture. « Nous ne serons pas forcément défendus par le syndicat qui promeut le modèle productiviste. Nous comptons d’abord sur nos instances (GABLEC, Bio Centre, FNAB) pour développer la filière », conclut-il en gardant espoir.

(1) L’une des plus petites parmi les 1 200 agences publiques.
(2) Potentiellement, 40 000 candidats sur les 100 000 agriculteurs, qui partiront à la retraite dans les 10 ans, pourraient choisir le bio.
(3) En région, on compte 2 000 producteurs bio soit 110 000 ha, 5 % de la surface agricole utile et 10 % des fermes.



La Ferme des 4 vents

Un modèle de réussite en région Centre Val de Loire

Fils d’agriculteur, David Peschard a repris la ferme des 4 vents, l’exploitation familiale en 2005, et a décidé de la convertir en bio cinq ans plus tard. Un choix gagnant puisque ce militant du bio concède gagner sa vie correctement. Au côté de sa compagne Marie-Pierre Boutin, il a même recruté trois salariés.

Sur les 215 ha de l’exploitation céréalière, le fermier est passé d’une production de céréales classiques (colza, blé, orge, tournesol) à une polyculture plus étendue avec « 20 espèces différentes ». Outre les céréales bio, il cultive des légumineuses (lentilles, pois, haricots), des graines à haute valeur nutritionnelle (chanvre, quinoa, lin, chia) et prépare des semences. Dans son atelier, il produit également des huiles vierges de première pression à froid (colza, tournesol, caméline, chanvre).

David commercialise ses productions à 50 % en circuits courts (magasins de producteurs, BIOCOOP, AMAP, marchés, salons) et 50 % en circuits longs auprès de transformateurs bio comme Yves de Rochefort meunier à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin. Soucieux de biodiversité, il vient ainsi de planter 3,5 km de haies. Membre du réseau Bienvenue à la ferme, il est aussi l’un des portes drapeaux du secteur en Loir-et-Cher et dans la région en tant que co-président GABLEC.

David Peschard produit des huiles vierges biologiques utilisées par exemple pour faire des savons artisanaux. Crédit photo Jean-Luc Vezon.

Commentaires

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  1. Bravo à David et Marie Pierre qui font un travail remarquable et des produits de grandes qualités. Ce sont à mon avis ce que l’on peut appeler de vrai paysan qui connaisse la nature, la respecte et savent en tirer le meilleur.

  2. Malgré ma petite retraite, je ne consomme que BIO… Je consomme moins et je fais des choix… Je ne prends que ce qui n’est pas cher, mais BIO et dans une épicerie participative, je travaille un peu, pour pouvoir consommer moins cher et plus éthique ! et c’est très sympathique ! on est motivés ! on aime notre planète, la nature, l’environnement et on les respecte autant que possible !
    Merci à BIOCOOP et à la COOPERETTE !

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