Un nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (Evars) refait surface. Cette version, édulcorée, passée au crible du Conseil supérieur de l’éducation, suscite encore des oppositions houleuses. Parviendra-t-elle à surmonter toutes les résistances et à être enfin enseignée dans les écoles, collèges et lycées ?
Matériel de contraception (cliché Pixabay).
Par Jean-Paul Briand.
Sollicité par Élisabeth Borne, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) a émis un avis favorable, jeudi 30 janvier, pour le futur programme Evars après avoir réintégré des éléments supprimés sous la pression de l’extrême droite et des conservateurs. Cette étape marque normalement l’avant-dernière phase avant sa publication au bulletin officiel en vue d’une mise en œuvre à la prochaine rentrée de septembre. Ce programme doit se décliner en deux volets : un premier consacré à l’éducation à la vie affective et relationnelle en maternelle et en élémentaire, et un second axé sur la sexualité au collège et au lycée.
Un enseignement indispensable
La loi prévoit que « l’information et l’éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène ». Or, à peine 85 % des élèves en bénéficient aujourd’hui. Comme le rappelait la ministre, cet enseignement est pourtant indispensable pour inculquer le respect de soi et des autres, prévenir les discriminations, promouvoir l’égalité entre les sexes et lutter contre les stéréotypes, les violences et le harcèlement. Malgré ces objectifs louables, le programme se heurte à une opposition farouche.
Une éducation sexuelle limitée à la fonction reproductive
Les résistances ne datent pas d’hier. En 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, 80 députés de sa majorité avaient demandé le retrait d’un chapitre du manuel de sciences de la vie et de la Terre (SVT) de première, édité par Hachette. Ils jugeaient dangereux le passage abordant l’identité sexuelle, affirmant que « le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin », et que l’identité sexuelle est « construite tout au long de notre vie, dans une interaction constante entre le biologique et le contexte socioculturel ». Pour ces détracteurs, l’éducation sexuelle doit se limiter à un cours de biologie centré sur la fonction reproductive.
Un combat idéologique déguisé en projet éducatif
Les polémiques se sont poursuivies avec l’expérimentation des « ABCD de l’égalité » en 2013, un programme visant à promouvoir l’égalité filles-garçons dès la maternelle. Ses opposants y ont vu une tentative d’enseigner la « théorie du genre », et empêchèrent sa généralisation. Plus récemment, en novembre 2024, l’ébauche d’un programme national réinventé a de nouveau provoqué l’indignation des milieux conservateurs radicaux. Ces derniers estiment que l’école n’a pas à s’immiscer dans les choix éducatifs des familles, malgré les risques pour les enfants mis en lumière par le dernier rapport de la CIIVISE. Pour eux, l’égalité entre les sexes ne serait qu’un combat idéologique déguisé en projet éducatif.
Le mythe de la « théorie du genre »
Les méthodes employées pour rejeter cet enseignement restent inchangées : désinformation, caricature et mensonge. Les opposants brandissent régulièrement l’épouvantail de la « théorie du genre », accusant ses promoteurs de vouloir imposer une idéologie néfaste. Pourtant, il n’existe pas de « théorie du genre ». En revanche les études de genre, elles, sont bien réelles. Issu des sciences médicales, le concept de genre a été repris par les sciences sociales pour analyser les rapports entre hommes et femmes. Ces recherches explorent la construction sociale et culturelle des rôles attribués aux sexes biologiques et examinent les obstacles à une véritable égalité.
En qualifiant ces travaux de « théorie du genre », la frange la plus conservatrice de la droite française cherche à les discréditer et à saboter toute initiative d’Evars. Ce rejet irresponsable est porté par ceux qu’une égalité authentique entre les femmes et les hommes dérange ou effraie. Préfèrent-ils que l’éducation sexuelle se fasse sur Internet, à travers la pornographie ?
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