La loi sur l’aide active à mourir est-elle devenue une nouvelle victime collatérale de la dissolution de l’Assemblée nationale ? C’est la crainte de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) suite à la récente suggestion du Premier ministre François Bayrou de diviser la proposition de loi sur la fin de vie en deux textes distincts.
Le Premier ministre lors de son discours de politique générale du 14/01/2025
Par Jean-Paul Briand.
Dans un communiqué du 22 janvier 2025, l’ADMD dénonce cette déclaration du nouveau Premier ministre. Alors que François Bayrou, dans son discours de politique générale, avait initialement promis de renvoyer le débat sur la fin de vie à l’initiative du Parlement, il propose désormais de scinder le texte en deux lois.
Des compteurs remis à zéro
Cette proposition déçoit les militants de l’ADMD, qui militent pour la dépénalisation de l’euthanasie depuis de nombreuses années. Ils expriment leur désaccord : « Il n’est pas question de scinder le texte sur la fin de vie ! »
La proposition de loi (PPL) sur l’aide active à mourir est en préparation depuis plusieurs mois. Elle a été précédée de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique en 2022 et du rapport de la Convention citoyenne en 2023. Présentée en Conseil des ministres au printemps 2024, la PPL « visant à affirmer le libre choix de la fin de vie et à assurer un accès universel aux soins palliatifs en France » a été examinée en première lecture à l’Assemblée nationale en avril 2024. Elle prévoyait l’aide active à mourir tout en renforçant les soins d’accompagnement, les droits des patients et des aidants. L’examen du texte, interrompu par la calamiteuse dissolution de l’Assemblée nationale, devait reprendre le 27 janvier 2025, avec un vote final initialement prévu le 18 juin 2025. L’ADMD déplore que les compteurs soient remis à zéro, « alors même qu’il existe déjà un texte unique qui a déjà, pour une première partie, reçu la validation des députés ».
La nécessité d’une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti
L’ADMD y voit une manœuvre dilatoire, estimant que « les soins palliatifs comme l’aide active à mourir sont les deux aspects de la même prise en charge des situations de fin de vie ». Cette vision n’est pas partagée par tous les professionnels des soins palliatifs, dont les structures ne sont pas encore présentes sur l’ensemble du territoire national. L’Ordre des médecins, consulté, a souligné la nécessité d’une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti et de moyens pour la rendre pleinement effective.
La présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a rappelé que cette division du texte sur la fin de vie était une demande de longue date de son organisation qui affirme que « donner la mort n’est pas un soin », contrairement à l’argument du « soin ultime » avancé par les partisans de l’euthanasie.
Une question qui interpelle la conscience de chacun et la société toute entière
Les opposants à la proposition de François Bayrou l’accusent de vouloir « donner des garanties à l’aile droite de son Gouvernement, en particulier à Bruno Retailleau, son actuel ministre de l’Intérieur ». « Il cherche aussi à s’attirer les faveurs des députés de droite et d’extrême droite » dénonce l’ADMD. Le député RN, Laurent Jacobelli, a d’ailleurs salué les propos de François Bayrou, appréciant que « le bon signal est que le Premier ministre a identifié qu’il y a un vrai problème sur les soins palliatifs. D’abord régler ce problème permettra d’avoir une vision sereine de la fin de vie ».
Autoriser une aide active à mourir est une question morale majeure qui interpelle la conscience de chacun et la société toute entière. On peut comprendre les interrogations de François Bayrou compte tenu de ses convictions personnelles. L’accuser de manœuvre dilatoire ou de diversion fallacieuse est sans doute excessif.
« Tout ce qui est excessif est insignifiant » Talleyrand.
Image : source Pixabay
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