Bénarès, la ville où la mort est belle

Capitale spirituelle de l’Inde, Varanasi attire des millions de pèlerins hindous qui viennent se baigner dans les eaux sacrées du Gange, s’adonner à des rituels funéraires et pour certains à la crémation. Plongée au cœur d’une cité millénaire.

Corps en cours de crémation sur Manikarnika Ghât, le ghât le plus sacré de Bénarès. Crédit photo Jean-Luc Vezon.



Par Jean-Luc Vezon.



Séjourner à Varanasi, c’est poser ses valises dans l’une des plus anciennes villes du monde toujours habitées puisque Kashi, son ancien nom, faisait partie d’un royaume vieux de 2 500 ans. Ville sacrée pour les Hindous, les rues sinueuses de la ville aux 84 ghats sont ainsi jalonnées de quelque 23 000 temples dont le célèbre Kashi Vishwanath, le « temple d’or », dédié au dieu Shiva.

Avec près de 4 millions d’habitants, la cité, rattachée à la région de l’Uttar Pradesh, attire ainsi près de 10 millions de pèlerins et touristes sur ses ghats, digues construites en marches de dalles de pierre le long de la rive occidentale du fleuve ; situées au pied des palais des maharajas, on y croise sadhus récitant leurs mantras, vendeurs de masala chaï (thé) ou de beignets frits, jeunes jouant au cerf-volant et curieux venant du monde entier découvrir la culture indienne.

Les pèlerins y effectuent prières (puja), ablutions rituelles et offrent cadeaux et fleurs aux divinités hindoues : Brahmâ, Vichnou, Shiva (ces trois constituant la trinité), leurs femmes (Sarasvati, Lakshmi et Parvati) mais aussi Ganesh, Durga, Hanuman ou Kali. Il en existe plus de 5 000 au total au panthéon hindou prenant formes humaines ou animales (on parle alors de véhicules).

Mais, à Bénarès, dans les rues encombrées de touk-touks, vélos, motos Hero et taxis où règne un bruit d’enfer de klaxons et de musique indienne, c’est bien Shiva qui est plébiscité. Dans « ce chaos organisé » et exubérant, on le prie chaque jour au moins une fois dans l’un des temples publics ou chez soi. Nombreux sont en effet les Hindous à posséder leur propre autel.

Crémation et libération

La ville est aussi connue pour ses crémations publiques sur les ghats de Harishchandra et de Manikarnika, le principal site de crémations hindoues de la ville (300 à 500 par jour). Offrant un salut instantané (moksha), l’incinération obéit à une procédure séculaire. Le corps du défunt (revêtu d’un linceul rouge, jaune ou blanc selon qu’il s’agit d’une femme, d’un homme ou d’un vieillard) est d’abord placé sur un cercueil en bambou puis immergé cinq fois dans le Gange pour le purifier.

Peu de larmes pour cette libération de l’âme à laquelle assistent seulement les hommes. Supervisé par le plus proche du défunt qui se fait raser la tête pour l’occasion, le bûcher est constitué de 360 kg de bois. Après avoir tourné cinq fois autour du corps, il enflammera le corps en premier. Après environ trois heures de flamme, les cendres seront ensuite plongées dans le Gange tandis que le proche jettera de l’eau du fleuve par-dessus son épaule. Treize jours de prières, plus tard, la famille organisera une grande fête en l’honneur du défunt.

« Venir à Varanasi est le but suprême pour un Hindou, un Bouddhiste, un Sikh ou un Jain. Nombreux viennent y mourir (1) et bénéficier d’une crémation. (2) Ils se libèrent alors du cycle des réincarnations. Cette délivrance permet d’accéder au nirvana » explique Shivendra Dubey, guide professionnel dans la cité de Shiva.

Selon le dicton, « on ne vient pas à Varanasi, c’est Shiva qui vous appelle », quelle que soit votre condition, que vous soyez riche ou pauvre. On rappellera que les castes n’existent plus en Inde depuis l’indépendance en 1947. Brahmanes, kshatriyas, vaishyas et Shudras (Intouchables) ont disparu d’une société indienne composée à 80 % d’Hindous. Mais, selon l’endroit et la hauteur où ont lieu les crémations, on devine encore l’origine sociale de la famille.

(1) Il existe des Ashrams où l’on vient finir ses jours.
(2) La crémation se pratique dans tout le pays. En sont exclus les bébés, femmes enceintes ou mortes en couche, sâdhus et certains morts de maladies particulières. Les corps sont alors lestés au milieu du fleuve avec une pierre ou un sac de sable.

Sādhu ou saint homme ayant renoncé à la société pour se consacrer à la moksha ou l’arrêt du cycle des renaissances. Crédit photo Jean-Luc Vezon.

L’Inde, la puissance économique qui monte

Membre des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Inde est en train de s’imposer comme une grande puissance industrielle. 5e puissance économique mondiale, cet État fédéraliste connait une forte croissance depuis plusieurs décennies (8 à 12 %) et pourrait rapidement devenir la 3e économie mondiale.

Elle s’appuie sur des ressources humaines inépuisables (avec une population d’1,4 milliard d’habitants dont 60% de moins que 40 ans) avec des millions d’Indiens qui quittent leur village pour travailler dans les mégalopoles. Cette main-d’œuvre non qualifiée et mal payée est essentielle dans l’économie indienne.

Plusieurs secteurs portent cette expansion : industrie automobile, électronique, minière sans oublier l’informatique, les services ou le tourisme. Des villes gigantesques comme Mumbaï, Calcutta, Chennaï, Hyderabad, Delhi ou Bengalore, « la Silicon Valley indienne » en sont le symbole.

Au quotidien, le numérique est partout avec une utilisation vertigineuse des smartphones par les Indiens, y compris les moins aisés. Les abonnements Internet (JIO, Airtel …) augmentent de façon exponentielle, le paiement sans contact se généralise, y compris dans les petites échoppes de quartiers, les policiers scannent les contrevenants tandis que startups et services en ligne fleurissent.

Mais le pays du très nationaliste Premier ministre Narendra Modi doit affronter de très nombreux défis : éradiquer pauvreté (50 % de la population) et malnutrition (un tiers des enfants), réduire les inégalités de revenus, faire reculer la corruption et contrôler des naissances qui ne cessent de croître avec 1,6 milliard d’habitants à l’horizon 2050.

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