Clause de conscience ou clause anti IVG ?

Le 17 janvier 1975 la « loi Veil » autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) était votée. Enfin l’avortement n’était plus un crime. Les professionnels de santé peuvent invoquer une « clause de conscience » pour refuser de pratiquer une IVG. Est-ce bien un réel obstacle à cette liberté inscrite dans la Constitution française depuis 2024 ?

Manifestation à Orléans défendant le droit à l’avortement (cliché Magcentre)


Par Jean-Paul Briand.


« La conscience morale n’existe pas » Vladimir Jankélévitch 

La « clause de conscience » est inscrite dans une loi votée en même temps que la loi Veil de 1975 autorisant l’IVG. Elle introduit dans le Code de la santé publique une disposition spécifique pour cet acte. Cette loi stipule qu’un médecin ou une sage-femme n’est jamais tenu de pratiquer une IVG mais également « aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse ». De même « un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux ».

Une disposition superflue et inutile

Pourquoi avoir ajouté cette « clause de conscience » spécifique à l’IVG ? C’était probablement une concession pour calmer les ardeurs de tous les opposants au droit à l’avortement. Dans la législation française cette clause existe aussi pour la stérilisation à visée contraceptive et la recherche sur les embryons (médecins ou auxiliaires médicaux peuvent refuser de travailler sur ce type d’études). Or, dans le Code de déontologie médicale une « clause de conscience » est déjà applicable par tous les médecins pour l’ensemble des actes médicaux. Il est énoncé « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles » mais « s’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins ». Cette « clause de conscience » stigmatisante, ajoutée avec la « loi Veil », est donc une disposition superflue et inutile.

Un droit constitutionnel pour tout citoyen français

Par ailleurs il ne faut pas oublier que la « clause de conscience » est rattachée à un principe à valeur constitutionnelle. Dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté de conscience est énoncée clairement : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Ce droit fondamental et inaliénable de liberté de conscience existe pour les médecins comme pour tout citoyen français.

La clause de conscience ne doit pas être une entrave

La Loi protège la liberté de conscience de plusieurs métiers spécifiques (avocat, journaliste, dirigeant salarié, professionnel de santé) comme celle de tout citoyen, rien de plus normal dans une authentique démocratie. Une femme enceinte en difficulté a besoin d’une aide bienveillante et efficiente si elle souhaite interrompre sa grossesse. Les intimes convictions d’un praticien ne doivent pas s’opposer à l’intérêt d’une patiente dans cette situation. La « clause de conscience » ne doit pas être une entrave à la liberté des femmes de disposer de leur corps. Mais désigner cette « clause de conscience » comme le principal frein dans le parcours de soins pour la réalisation d’une IVG est dérisoire, contre-productif et stupide. Les chiffres de la Drees montrent que si le nombre d’IVG augmente, l’offre de prise en charge n’est pas assurée pour un accès de qualité à l’IVG en tout point du territoire français. Les déserts médicaux, le manque de moyens matériels et de personnels formés en sont les véritables causes.

La disparition de la redondante « clause de conscience » spécifique à l’IVG ne permettra pas de supprimer les inégalités territoriales d’accès aux soins, ni d’apaiser l’impact psychologique subi par nombre de nos concitoyennes souhaitant interrompre une grossesse non désirée. A contrario, elle risque de réactiver la furia culpabilisante des activistes anti-IVG…

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Commentaires

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  1. Quand on croit avoir gagné des acquis et que par détournements on nous les reprend.
    La grande bourgeoisie estime que la femme des milieux populaires n’est qu’un centre de reproductions qui doit se tenir à disposition du capital.
    Nos luttes étaient liberté, égalité, fraternité entre les femmes et les hommes dans les années 60/70/80, on est au vingt-et-unième et on en est encore loin.
    La révolution ne se fait pas dans la concurrence, ni dans la compétition mais uni contre les dogmes réactionnaires qui préfèrent eux la division au service de l’asservissement.

  2. Simone Veil soutenue par Jacques Chirac était politiquement à droite, donc ce que l’on appelle aussi les conservateurs et cette grande Dame a fait voter la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
    Donc, s’il y a danger pour cette loi et je n’y crois pas, ce seront les extrêmes qui seront à la manoeuvre et certainement plus l’extrême gauche que l’extrême droite qui ne va pas risquer de perdre des voix sur sa lancée actuelle !
    Surprenante mon analyse ?

  3. Visiblement vous avez d’énormes lacunes, celles-ci sont-elles dues à votre jeunesse ? Sinon c’est que vous vous êtes absenté trop longtemps sur Mars.

  4. Etant donné le nombre d’IVG record en france, ne devrait-on pas déjà sensibiliser les jeunes ou moins jeunes à la contraception ? L’inscrire dans la constitution ?

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