Le Loiret ne manque pas de jeunes talents féminins. Ainsi, Armelle Mercat-Junot, créatrice de films d’animation jeunesse dont certains comme « Colocation sauvage » ont été primés. Alors qu’elle prépare son premier long-métrage, rencontre chez elle à Saint-Jean-de-Braye près d’Orléans.
Par Sophie Deschamps.
Du plus loin qu’elle s’en souvienne Armelle Mercat-Junot a toujours aimé dessiner et raconter des histoires. Car cette jeune Clermontoise de 39 ans a réussi à intégrer le petit cercle du film d’animation grâce à un parcours maîtrisé.
De l’IAV à Baltimore
C’est tout d’abord l’IAV (l’école des Beaux-Arts d’Orléans devenue aujourd’hui l‘ESAD) en 2005. En plus du cursus classique de cinq ans, elle passe six mois en 2008 au prestigieux Maryland Institute College of Art de Baltimore aux USA grâce à un partenariat entre les deux écoles. « Là-bas, je n’ai fait que du dessin animé. Nous avions bien sûr quelques cours techniques mais nous faisions surtout des exercices nous permettant de travailler en 2D et en volume. J’ai énormément appris là-bas car il fallait être très polyvalent », souligne Armelle.
De retour en France, elle réalise un premier film d’animation de huit minutes en papier découpé intitulé « Deux sous » et adapté d’un conte zen. Ceci afin d’obtenir son diplôme de fin d’études de l’IAV, même si, explique-t-elle, « ça ne se faisait encore pas trop à l’époque. Mais si j’avais à le refaire aujourd’hui, j’en couperais la moitié car le rythme n’était pas très bon ! (rires) ».
L’expérience décisive de La Poudrière
Cette première réalisation si imparfaite soit-elle lui permet néanmoins d’intégrer en 2010 l’école du film d’animation La Poudrière à Bourg-lès-Valence, dans la Drôme : « Ce lieu s’adresse à des personnes qui ont déjà un petit bagage dans l’animation. Car le but est d’apprendre à devenir réalisateur : savoir écrire des scénarios, conduire une équipe… C’était très formateur ».
De plus l’école fonctionne avec des petits effectifs, neuf élèves par classe donc seulement 18 personnes venues de partout, France, Espagne, Russie… : « On se connaissait tous et nous étions très solidaires. De plus, les classes sont constituées en fonction des compétences de chacun. Et les intervenants sont des professionnels. C’était donc très formateur et très stimulant ». De quoi se constituer un réseau et un solide carnet d’adresses pour la suite.
« Tête d’Olive », premier court-métrage pro
Diplômée en 2012, Armelle Mercat-Junot reste à Valence et écrit son premier court-métrage Tête d’Olive de 11 minutes 30. Pour la réalisation elle rejoint Vendôme dans la résidence Ciclic qui lui octroie une bourse conséquente à condition de réaliser le film localement. Elle se tourne alors vers les productions orléanaises Girelle.
Tête d’Olive (inspiré de la calvitie de son père) raconte avec tendresse et humour l’histoire d’un homme qui veut cacher sa calvitie à sa femme alors que cette dernière s’en moque. Avec aussi la présence d’un chat très poilu qui lui va y perdre quelques poils !
Le film est réalisé au stylo fin et à l’aquarelle, image par image avec plusieurs couches de papier calque qui permettent d’intégrer directement les personnages dans le décor. « Je préfère travailler manuellement avec une méthode qui me permet de garder l’expressivité du trait du dessin sans avoir trop recours à l’ordinateur », précise la réalisatrice. Ce film a bien tourné dans les festivals et a obtenu des prix internationaux dont le Grand Prix de Cracovie et un autre à Londres.
« Colocation sauvage », confirmation d’une réussite
Ce deuxième court-métrage est une adaptation d’un conte d’Afrique de l’Ouest, La chèvre et le tigre, entendu sur France Culture : « J’ai adouci la version d’origine un peu brutale mais le message reste que pour survivre dans la jungle, une chèvre doit être futée ! ».
Pour ce film Armelle Mercat-Junot travaille en équipe. Avec le réalisateur Pierre-Luc Granjon rencontré à La Poudrière, avec Coline Cochet à qui elle confie la colorisation et l’intégration des dessins dans les décors et à nouveau avec Girelle pour la production.
Cette fois, Colocation sauvage est diffusé en salles partout en France l’été dernier (dont les Carmes à Orléans) pour un public enfants et scolaires car sélectionné par les Films du Préau dans la collection Contes de Printemps. « Ça m’a permis de pouvoir présenter le film auprès du jeune public avec notamment une tournée en Auvergne et ici en Centre-Val de Loire. Et ce grâce à Ciclic qui me sollicitait et me rétribuait pour mes déplacements. Car il faut bien avouer que le court-métrage, ce n’est pas très lucratif ! » avoue-t-elle.
Un long-métrage en préparation
Armelle Mercat-Junot ne compte pas pour autant se cantonner au film d’animation jeunesse. Ainsi, elle planche actuellement sur un premier long-métrage en collaboration avec le romancier Thierry-Frantz Dislaire dont elle souhaite adapter Passim, le voyageur des sables : « Cette fois, je m’adresse plutôt à des ados et de jeunes adultes. En le lisant j’ai vu tout de suite comment le mettre en images et je me suis dit que nous pourrions marier nos compétences : lui va à l’essentiel avec des messages très clairs tandis que moi j’ai mille idées à la seconde et je m’éparpille un peu. Mais avec une trame claire, je pense pouvoir concevoir une mise en scène harmonieuse et subtile. Mais cela va me prendre plusieurs années ».
Transmission et pédagogie
Armelle Mercat-Junot donne également des cours de dessins auprès de l’association Art Plus à Saint-Jean-de-Braye les mercredis après-midi pour les 7-10 ans et les 12-13 ans.
Elle propose notamment un atelier Anime ton personnage les 12, 13 et 14 février prochains de 14h à 17h. Renseignements via contact.artplus@gmail.com
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