L’auteur de polars originaire de l’Indre avait sorti en octobre « Captagonia », un thriller consacré au captagon, la drogue bon marché qui a fait la fortune de la famille Assad.
Par Pierre Belsoeur.
Pierre Pouchairet allait atterrir à Brazzaville, où est désormais en poste sa compagne, lorsque Abou Mohammed al-Jolani et ses djihadistes ont pris le pouvoir en Syrie. « Lors de mes premières dédicaces, en octobre, je faisais de la vulgarisation, personne ne semblait connaître le captagon. Désormais à chaque sortie, je croise des spécialistes », s’amuse l’auteur. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’il a visé juste en écrivant Captagonia, quelques semaines avant la chute d’Assad, il répond, désolé, que l’actualité vient de le rattraper et que l’effet de surprise disparaît. Captagonia constitue cependant un de ses meilleurs romans. Un polar nerveux dans lequel l’action rebondit à chaque chapitre. Une histoire de sang, de sexe et de drogue qui nous embarque dans le monde des voyous russes, des militaires syriens impitoyables et des policiers jordaniens plus ou moins corrompus… Le captagon est aussi synonyme d’addiction à l’argent facile. Pierre Pouchairet a placé Maïssa, la flic palestinienne de « À l’ombre des patriarches » (2015), que l’on avait retrouvée en 2018 dans « Mort en eaux grises » au centre de cette nouvelle enquête.
Une documentation solide
Captagonia est une fiction bien entendu et l’auteur prend un malin plaisir à nous perdre dans les rebondissements de son récit. Pourtant, si tout est faux, on vient de vérifier que la production de drogue constituait le revenu essentiel du régime syrien. D’autre part, la carrière de flic de Pierre Pouchairet l’a conduit à Beyrouth et à Ankara comme officier de liaison de l’office des stups. Il a aussi exercé la mission d’attaché de sécurité intérieure, à l’ambassade de France d’Afghanistan. Enfin, lorsqu’a sonné l’heure de la retraite, il est allé passer quelques mois près de sa compagne, qui occupait un poste de coopération culturelle en Cisjordanie. Autant dire qu’il connait le terrain dangereux sur lequel il lance Maïssa. Elle utilise cette fois sa nationalité française pour combattre Zerninsky, le mafieux russe qui lui doit une revanche. L’auteur connaît également parfaitement les us et coutumes régionaux, mais aussi la violence qui règne dans le monde des dealers de haut vol. Cerise sur le gâteau, il a dans ses relations un expert financier installé, tiens tiens, à Dubaï.
Son polar nous introduit par ailleurs dans le monde des services secrets : DGSE, DGSI, ce qui a valu à son auteur le Prix du roman d’espionnage, décerné par l’amicale des anciens des services spéciaux. Captagonia est donc revêtu d’un superbe bandeau rouge qui attire l’attention dans les rayons polars des librairies où Pouchairet prend désormais ses aises.
La chasse aux éditeurs
Même lorsque l’on a derrière soi une trentaine de romans et une adaptation cinématographique d’un ouvrage (Mortels Trafics, prix Quai des Orfèvres 2017, réalisé par Olivier Marchal sous le titre Overdose), la vie d’auteur n’est pas un long fleuve tranquille. « Ce nouveau grand format est publié à La Manufacture de Livres dans la collection Konfident noir, car Dargaud, éditeur de quatre de mes romans, a arrêté la collection Alibi et Filatures. Pierre Fourniaud m’a fait confiance. Un grand format, dans cette période de diminution des ventes, se diffuse à un millier d’exemplaires. Avec son bandeau rouge, Captagonia peut atteindre les cinq mille exemplaires et on verra ce qu’atteint la version poche ».
Des chiffres loin de ses polars bretons édités par Palémon, la maison d’édition du Quimpérois Jean Failler, qui inondent la Bretagne. Pour Captagonia, Pierre Pouchairet fait faire une « pige » à Léanne Vallauri, l’héroïne de ses romans bretons, dont il avait créé le personnage dans « Mortels trafics » à Nice avant de la muter à Brest. C’est cela aussi la magie de l’écriture, l’auteur a droit de vie et de mort sur ses personnages. Et Pouchairet a l’art de leur faire frôler le pire…
Pratique : « Captagonia » collection Konfident noir, La Manufacture de livres
365 pages – 20,90€
A lire aussi sur Magcentre: « Le barman du Ritz » s’est invité au Cercil