La Nuit de David, bordée par les rives du Loing

Avec son deuxième roman, à nouveau publié par les éditions Gallimard, Abigail Assor nous livre un texte sur la famille, une histoire vue à hauteur d’yeux d’enfants. Il y est question de la figure maternelle, de la limite (ténue) entre défaillance parentale et maltraitance, du mince feuillet entre profils « neuroatypiques » et psychose.

Avec « La Nuit de David », Abigail Assor livre un roman sur une mère et un enfant qui déraillent – photo F. Mantovani Éditions Gallimard


Par Izabel Tognarelli.


Qui n’a pas rêvé, enfant, d’un double imaginaire, d’une jumelle ou d’un jumeau, voire d’un sosie ? Abigail Assor nous présente son roman comme une fraternité intense, fusionnelle, entre un frère et une sœur, deux jumeaux ; une enfance dans laquelle l’imaginaire occupe une large place – c’est normal – mais qui va voler en éclats, par une « Nuit » planifiée de longue date.

Un livre qui aurait pu s’intituler « Moi, mon frère »

« La Nuit de David » est un roman aux accents autobiographiques : on croit en l’existence de ce jumeau sacrifié ; les mots transpirent leur vérité. Et puis tout est remis en question, en écoutant Clara Dupont-Monod, un dimanche matin sur France Inter. La chroniqueuse résume ainsi ce que lui a confié la romancière : « Tout le monde croit qu’Olivia, c’est moi. En réalité, je suis David : j’ai été une enfant compliquée et violente ; je n’ai pas de sœur, donc j’en ai inventé une qui veille sur David pour apprendre à aimer l’enfant que j’ai été ».

Alors, on relit le texte en prenant en compte cette nouvelle donne.

L’histoire d’une enfant et d’une mère qui déraillent

On ressent la difficulté de vivre de cet enfant aux pleurs frénétiques et douloureux ; cet enfant rageur qui hurle, se roule par terre, se cogne volontairement la tête. On voit ses joues rougies, ses cernes profonds, « ses yeux comme des toupies déchaînées ». On mesure à quel point sa mère est démunie ; on devine aussi son mal-être, son désir illusoire de perfection – éternel miroir aux alouettes –, son oppression face à sa propre mère, la grand-mère, tout aussi omniprésente et omnipotente. À l’image de la route qui mène tout droit de la maison haute de ce coin du Gâtinais à la gare et aux trains qui y passent – l’obsession de cet enfant –, la pente douce mène tout droit à la maltraitance. La machine s’emballe, l’enfant devient de plus en plus fou et tente – en toute innocence – de tuer la mère, de tuer la grand-mère ; tandis que la mère devient maltraitante et que le père assiste à cette longue dérive, impuissant.

Tout ceci se passe à l’ombre parfois menaçante du tilleul qui domine la maison bourgeoise, cette maison qui elle-même menace d’engloutir mère et enfant(s), à deux pas des rives du Loing, tranquille et bienveillant. On retient l’image des matriochkas, ces poupées russes qui s’emboîtent l’une dans l’autre, image interprétée ici comme celle de mères qui s’étouffent mutuellement. Le couvercle se fait de plus en plus oppressant, jusqu’à ce qu’il saute.

Mais alors à présent, Abigail ; à présent que vous avez à peu près l’âge qu’avait votre mère à l’époque que vous décrivez dans ce roman ; au moment où, vous aussi, vous pourriez être en âge de devenir mère – c’est juste une possibilité, rien n’est obligé –, comprenez-vous mieux la vôtre, ses lacunes, ses défaillances, ses imperfections ? Comprenez-vous qu’elle ait pu se sentir dépassée par cet enfant au tempérament très difficile ? Et elle, de son côté, a-t-elle réussi à faire un pas vers la personne que vous êtes en renonçant à l’enfant parfait dont elle avait rêvé ?


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