En 2017 s’ouvraient les premières Micro-Folies en France. La région Centre-Val de Loire en compte à ce jour 24. Conçus pour tenir dans de petits espaces, ces musées numériques sont autant de portes ouvertes sur la culture, pour se distraire et apprendre, gratuitement. Deux types de territoires sont particulièrement concernés par leur implantation : les quartiers prioritaires (QPV) et les territoires ruraux.
Par Izabel Tognarelli.
Vous souvenez-vous des « folies », ces maisons de campagne très prisées des bourgeois et aristocrates du XVIIIᵉ siècle ? Elles étaient entourées de jardins parsemés de « fabriques » – autrement dit de petits édifices, pagodes, naumachies, la liste est baroque – qui faisaient de ces jardins de véritables cabinets de curiosité en plein air. En dotant le parc de La Villette de 26 édifices rouges, qui abritent pour certains des lieux de culture ou de loisirs, l’architecte Bernard Tschumi faisait directement écho aux « folies » du siècle des Lumières. En devenant président de l’Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette en 2015, Didier Fusillier lança le projet des Micro-Folies, destinées à déborder du parc, investir les quartiers de la Seine-Saint-Denis toute proche, avant de gagner toute la France. La première Micro-Folie a ouvert ses portes en 2017, à Sevran. En région Centre-Val de Loire, la ville de Dreux fut pionnière en 2018, suivie de Pithiviers et Courtenay en 2019, puis de Vierzon en 2020.
Micro-Folie ? Quésaco ?
Avec l’essor des Micro-Folies ces derniers mois, cette question n’en sera bientôt plus une, car la méconnaissance du grand public est en train de se combler. Pour faire simple, il s’agit d’un musée numérique, qui met la culture à portée de tout un chacun. Suzanne Brunel, responsable opérationnelle pour le déploiement des Micro-Folies en région Centre-Val de Loire, est notre interlocutrice : « Il s’agit d’une part de mettre en avant des chefs-d’œuvre nationaux partout en France, avec de grands établissements comme le Louvre, le musée Pompidou, l’Opéra de Paris, mais aussi de mettre à disposition des contenus de collections régionales et internationales, ce qui permet de faire circuler la culture ». Seize collections sont actuellement disponibles, celle de Notre-Dame de Paris, la 17ᵉ, va être inaugurée le 23 janvier, tandis que la collection de la région Centre-Val de Loire a été inaugurée en octobre 2023.
Les Micro-Folies peuvent s’implanter partout. À Dreux, elle est installée dans un quartier. Celle de Pithiviers est en centre-ville, dans un musée jusque-là fermé. Celle de Montargis, qui vient d’ouvrir ses portes, a trouvé sa place à l’arrière du musée Girodet et fait partie de ces Micro-Folies capables d’embarquer le matériel, tout comme celle de Nogent-sur-Vernisson, encore en gestation. Celle de Montargis se rendra en itinérance dans les quartiers prioritaires de la ville, tandis que celle de Nogent-sur-Vernisson ira au plus près des habitants des communes du canton de Châtillon-Coligny, avec l’ambition d’aller jusqu’à Lorris, territoires ruraux fragiles classés en ZRR. Car parmi les grands objectifs des Micro-Folies, il y a la proximité.
D’accès gratuit, les Micro-Folies rapprochent l’art et la culture des publics qui, pour des raisons diverses et variées, peuvent se retrouver empêchés. Elles peuvent aussi constituer un premier pas, avant d’ouvrir vers d’autres espaces culturels.
Quid des publics ?
Suzanne Brunel continue : « Les publics sont très différents en fonction de l’emplacement de la Micro-Folie : cœur de ville, ruralité, espaces où il y a du passage. On note une grande part de groupes scolaires, d’associations, de périscolaires, mais aussi des EHPAD et des IME. Les adolescents constituent toujours un public difficile à capter dans la culture, mais ils peuvent être amenés à entrer par le biais de la réalité virtuelle ».
Pour ceux qui se sentiraient démunis face aux tablettes ou aux masques de réalité virtuelle, une personne chargée de la médiation est toujours présente. Elle accueille les visiteurs, les aide à s’habituer au matériel et les guide sur les contenus.
Pecunia regit mundum (l’argent gouverne le monde)
Il faut bien parler argent, puisque la question est sempiternellement d’actualité. Suzanne Brunel poursuit à ce sujet : « Après la période Covid, il y a eu la volonté de rouvrir des espaces de culture, mais il y a eu aussi un accompagnement très fort de l’État : nous sommes passés en politique prioritaire du gouvernement, jusqu’en 2026, avec notamment des subventions de la préfecture de région pour accompagner les collectivités afin d’acquérir le dispositif. Cela a permis un véritable essor du déploiement ». Cela signifie-t-il que les investissements seront maintenus, que le budget 2025 soit voté ou non, puisque c’est la grande question d’actualité en France en ce moment ? « Notre ministère de tutelle nous a assuré que rien ne serait changé du point de vue du déploiement des Micro-Folies car il s’agit d’une politique prioritaire du gouvernement jusqu’en 2026 : rien ne changera jusque-là ».
D’autres projets sont prévus en région Centre-Val de Loire, notamment à Aubigny-sur-Nère (Cher) et à Descartes (Indre-et-Loire).
Des œuvres d’art, mais aussi des films et des documentaires
Les Micro-Folies présentent deux pôles principaux : les tablettes d’un côté ; la réalité virtuelle de l’autre (et parfois une ludothèque et un FabLab). Concernant la réalité virtuelle, la prise en mains des manettes s’effectue par le biais d’un jeu qui permet d’interagir avec des objets virtuels : jongler avec une balle de ping-pong et une raquette, lancer un avion de papier, etc. Cette prise en main se fait en position assise, et de façon progressive : pas plus de 15 minutes au départ, les sessions peuvent être plus longues par la suite. Une tablette en mode miroir permet à la personne médiatrice de voir ce qui est montré par le biais du masque, afin de guider. Une fois prêt, on peut visionner des extraits de 2 à 3 minutes, mais aussi des documentaires entiers de 1h30. Alors vient le moment d’embarquer, par exemple, pour une promenade entre les glaciers de l’Arctique – avec un son si exact que l’on entend la glace craquer – ou bien revenir au 5 février de l’an 62, quand le nuage de soufre s’est abattu sur Pompéi, date marquante de l’Antiquité.
Plus d’infos autrement sur Magcentre :
L’action culturelle dans les quartiers prioritaires du Montargois