Les films de reconstitution historique dans leur diversité interrogent toujours sur la liberté du réalisateur quant à son interprétation des faits et leur mise en scène contemporaine. Le Déluge, film franco-italien sorti cette semaine, avec dans le rôle titre Guillaume Canet en Louis XVI vivant ses derniers jours en famille à la prison du Temple, n’échappe pas à ce questionnement.
Mélanie Laurent et Guillaume Canet. ©StefanoDelia
Par Gérard Poitou.
Tout part de la dernière scène du film : dans une ambiance crépusculaire Louis XVI s’avance de dos vers son destin fatal alors que s’abat sur Paris une pluie torrentielle et gronde l’orage. Dans une sorte de téléologie météorologique, le film, qui emprunte son titre à une phrase attribuée à Madame de Pompadour alors amante de Louis XV après une défaite militaire, institue le déluge comme métaphore finale de la royauté. Curieuse image qui interroge les historiens comme les royalistes qui commémorent la mort du roi, lorsque l’on se souvient que ce dernier fut guillotiné le 21 janvier, date peu probable pour un orage au petit matin sur Paris…
Certes il existe d’autres exemples de mises en scène d’événements historiques prenant quelques libertés avec les faits. La plus célèbre pour les cinéphiles est sans doute l’exécution des marins du cuirassé Potemkine par un peloton fidèle au Tsar, mise en scène par le réalisateur soviétique Sergueï Eisenstein : alors que les mutinés vont être fusillés, une bâche s’abat sur eux avant le coup de feu final. En fait Eisenstein, respectueux des faits, savait qu’en réalité, on étendait une bâche sur le pont pour éviter de le salir avec le sang des condamnés. Mais dans une logique de cinéma de propagande (le film fut interdit en France jusque dans les années 50), il fait le choix d’une bâche enveloppante, métaphore de la force collective du peuple. Choix de mise en scène justifié par une certaine vision de l’histoire, mais Le Déluge de Gianluca Jodice n’est-il pas marqué lui aussi de ces choix historiques reposant sur des présupposés plus ou moins triviaux, comme ce roi débonnaire et mollasson et la reine en amoureuse déçue. À tout le moins, le film se contente d’une psychologie surchargée pour traiter ce qu’il décrit, au-delà de l’Histoire, comme un drame humain.
Le Déluge
1h 41min Drame, Historique
De Gianluca Jodice
Avec Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Aurore Broutin
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