Quand Magcentre suggérait de “suivre l’exemple de Mons, Capitale européenne de la culture 2015”

[Archives] Alors que cette année 2024 fut marquée par la retentissante et néanmoins méritée victoire de la ville de Bourges promue Capitale européenne de la culture 2028, notre journaliste Françoise Cariès* suggérait, dans un article prémonitoire de 2015, aux villes de la Région pourquoi elles avaient dix ans pour préparer leur candidature..

Publié le mardi 10 février 2015

“Suivre l’exemple de Mons, capitale européenne de la culture 2015”

Il y a trente ans, Jack Lang et Mélina Mercouri, le premier, ministre de la culture français, la seconde, ministre de la culture grec, lançaient l’idée des capitales européennes de la culture. Ils voyaient là un excellent moyen de rapprocher les populations de l’Union Européenne. Ce titre est  attribué pour un an à  deux villes européennes, l’une  représentant  des premiers pays associés dans l’Europe, l’autre symbole d’un pays qui l’a rejointe par la suite. Cette année cet honneur revient  à  Mons en Belgique et  Plzen en Tchéquie.

Capitale européenne de la culture est un titre prestigieux, très  recherché, attribué par un jury européen   en fonction  de critères rigoureux et précis. Une fois nommée capitale européenne de la culture sur la base d’un programme culturel, la ville est responsable de la mise en œuvre de la manifestation sur toute l’année.

Pourquoi  pas  Mons ?

Lille  fut  capitale européenne de la culture en 2004,  Marseille  en 2013, de grosses métropoles. Devant la réussite lilloise, un bel exemple à 75km d’elle,  Mons en Belgique, ancienne capitale du Hainaut en Wallonie, s’est dit : « Pourquoi pas moi ? ». Certes, elle ne comptait alors comme aujourd’hui que 90 000 habitants,  mais appartenait à une agglomération de 250 000 habitants  composée de  bourgs amis.

Elio Di Rupo, son maire socialiste, son bourgmestre, dit-on en Belgique, a franchi le pas. «  Nous avions envie de démontrer qu’une ville de taille moyenne peut accueillir un événement comme celui-là. Sinon tout se passerait à Bruxelles ou à Paris. Il faut aussi que des villes de taille plus modeste puissent exister », expliquait-t-il, le 24 janvier, après avoir  présidé la grande fête inaugurale

Une volonté politique et une équipe

« Je suis parti du principe que, quelle que soit la fonction qu’on occupe, on doit voir dix ans en avance. On a posé notre candidature et on a commencé à capitaliser des budgets. 250 000 euros par an, soit 2,6 euros par an et par Montois », précise-t-i. Afin de préparer  sa ville et  le dossier à mettre sur pied, il s’entoure d’une équipe de choc qui va travailler avec lui à ce projet pendant une décennie. La crise et la dépression le poussent à aller de l’avant. « Je savais qu’en nous donnant cet objectif, je tirais tout vers le haut. On créait une dynamique », dit-il rétrospectivement très satisfait.

MonsElio Di Rupo bâtit sa démarche sur une idée directrice : que la culture rencontre les technologies et qu’elles  marchent  ensemble. Aussi, confie-t-il  la direction artistique  de Mons 2015  à Yves Vasseur, un Montois, ancien journaliste, ancien gestionnaire du Manège à Maubeuge et talentueux scénariste de BD pour le dessinateur Claude Renard. Il attribue le numérique à Pascal Keiser, également Montois proche d’Olivier Py en Avignon, un informaticien très impliqué dans le théâtre. Celui-ci est porteur d’un projet numérique  propre à développer des initiatives culturelles. « Il faut dépasser la notion de culture telle qu’on l’entend traditionnellement pour atteindre la pédagogie dans l’enseignement secondaire et professionnel.  Pour cela le numérique est fondamental. Il désenclave la  culture, particulièrement auprès des  15-30 ans », n’a-t-il de cesse de marteler.

Métamorphose

L’équipe ainsi constituée  met en place « Technocité » une structure  qui forme au numérique à plusieurs niveaux, 5 000 personnes par an  et vient en complément de la Digital Innovation Valley, un quartier tout neuf à l’extérieur de la ville qui propose des centaines d’emplois dans les filières numériques. Alertés Google, Microsoft, Hewlett Packard et d’autres entreprises de haute technologie s’y  sont installés. Ville d’universités, Mons offre désormais des débouchés sur place à ses jeunes diplômés. Ils s’installent et songent moins  à partir faire carrière à Bruxelles à 40 mn de train. Ils reviennent après des séjours à l’étranger.

La ville fédère autour de son projet  des partenaires, villes proches et 780 entreprises sponsors. Elle  dispose d’un budget de 40 millions d’euros. Elle obtient de l’Europe l’autorisation d’être capitale européenne de la culture 2015. Peu à peu elle s’équipe d’infrastructures nouvelles à sa taille. Rien de pharaonique mais une vraie métamorphose de qualité.  Elle se dote d’un Centre des Congrès, le seul de Wallonie, dont l’architecte est Daniel Libeskind, à qui a été également commandé à New-York le nouveau World Trade Center. Elle transforme et agrandit sa gare qui devient un lien entre le centre historique bien conservé et le nouveau quartier d’affaires. L’architecte  en est Santiago  Calatrava qui a réalisé  le pont de l’Europe à Orléans.

 La culture pour tous

Encore restait-il à   faire participer la population à  cette entreprise et la  rendre fière  de l’aventure,  , de son passé et de son patrimoine, de ses coutumes  et de ses traditions. 300 événements  culturels  sont répartis sur toute l’année, souvent correspondant aux grands  rendez-vous qui rythment  traditionnellement le calendrier local. « Sur une année, il faut du souffle. Il faut en permanence deux à trois grandes expositions à Mons et dans les environs Il faut répartir les sujets d’intérêt de mois en mois. Il faut occuper la ville. Ce fut la leçon de Lille 2004,  ce qui n’avait pas été refait depuis, surtout pas à Marseille. Notre ville est donc acteur de programme », dit Yves Vasseur, le maître d’œuvre avec son équipe

 Van Gogh super star

Impossible de tout citer tant le spectre est large et varié. On ne peut cependant   passer sous silence la rétrospective Van Gogh. Elle  est la vedette du musée des Beaux-Arts (BAM). Il abrite une exposition inédite consacrée au séjour de l’immense artiste dans le Borinage, la campagne minière autour de Mons, de 1878 à 1880,  période où  il s’affirme comme  peintre  et produit ses premières œuvres. 

La fête inaugurale, le 24 janvier, entièrement gratuite s’est déroulée de 18 heures à 4heures du matin avec une vingtaine d’interventions artistiques et festives dans les rues et sur les place. Des lumières, des feux, des musiques et des danses. 100 000 personnes s’y sont retrouvées sans le moindre incident. 250 journalistes du monde entier  (Chinois, Californiens,  Canadiens, Japonais  et toute l’Europe) s’y sont déplacés. La Belgique n’avait d’yeux que pour la cité wallone.

2015 sera une année fabuleuse pour Mons, pour son tourisme, pour l’ensemble de son économie.  L’effet de Mons 2015 ne devrait pas s’arrêter au 31 décembre mais se prolonger bien au de-là.  « J’en suis convaincu », dit Elio Di Rupo, « J’en veux Lille pour exemple. Il y a vingt ans, personne, en dehors des Lillois n’allait à Lille. Aujourd’hui, il y a 40 000 à 50 000 personnes dans les commerces. Si nous n’avions rien fait nous serions oubliés ». 

Bourges,  Chartres,  Orléans, Tours, Blois, n’auraient-elles pas envie de suivre l’exemple de Mons?  Elles sont des villes moyennes qui souffrent de la proximité et de l’attractivité de Paris.  Capitale de la culture, pourquoi pas ? L’une ou l’autre de ces villes moyennes pourrait y réfléchir. Cette idée pourrait commencer à faire son chemin. Rien ne presse. Les pays peuvent avancer  des villes candidates à tour de rôle et suivant un calendrier  déjà connu. Les villes françaises seront autorisées à candidater en 2028. Or, Mons a préparé sa très belle réussite qui s’apparente à une renaissance  pendant  dix ans….

 Françoise  Cariès*

*Françoise Cariès est décédée le 14 mai 2022

A lire aussi : Bourges capitale européenne de la culture 2028 : une évolution, non, une révolution !

Commentaires

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  1. Orléans, objectif 2028 : parmi d’autres atouts de cette ville d’art et d’histoire, pourquoi pas, après Van Gogh à Mons en 2015, “Gauguin super star” à Orléans, lui qui a passé près de neuf années de sa jeunesse dans la cité johannique, fut élève du petit séminaire de La Chapelle, puis du lycée de la rue Jeanne-d’Arc où il eut notamment Charles Pensée pour professeur de dessin ?

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