Fin juin 2023, tout l’Hexagone a été secoué par des émeutes qui faisaient suite à la mort de Nahel Merzouk. À Montargis, 15 000 habitants, ces émeutes urbaines furent particulièrement violentes. Que faire, au-delà de la réponse sécuritaire ? État et collectivités locales tentent d’apporter des réponses avec « Engagement Attracti’cités 2030 ». La culture constitue l’un des aspects de ce contrat de ville.
Par Izabel Tognarelli.
Au-delà des scènes de saccages et de pillages, les émeutes de la fin du mois de juin 2023 ont mis en évidence – si toutefois il y en avait besoin – un malaise profond. Dans le Montargois, les réponses sécuritaires – nécessaires – ont été visibles : recrutements au commissariat ; opérations « places nettes » ; création d’une nouvelle brigade de gendarmerie à Pannes ; évacuation de la tour Xaintrailles et relogement de ses habitants font partie du contrat de ville baptisé « Engagement Attracti’cités 2030 ». Ce contrat comporte aussi des volets sociaux, éducatifs et d’amélioration du cadre de vie. La culture est une autre tentative de réponse, face au sentiment d’exclusion. Magcentre a assisté au séminaire Culture et Quartiers, qui s’est tenu au centre d’art contemporain des Tanneries à Amilly. Représentants du tissu associatif montargois, bailleurs sociaux, chef d’établissement scolaire et autres professionnels impliqués dans le tissu local ont réfléchi ensemble et émis des propositions afin de créer les conditions pour une coopération efficace entre acteurs culturels, institutions publiques et habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Comment attirer et favoriser la mixité de ces publics dans les actions culturelles ?
Remettre l’humain au centre
Dans les restitutions, il fut plusieurs fois question de Montargis Plage, qui ne relève pas de la culture mais du sport, facteur majeur d’inclusion. On remarqua aussi les propositions réitérées d’animations de quartiers et de démonstrations aux pieds des immeubles. Il fut également question de création de cabanes éphémères, toujours au pied des immeubles, afin d’abriter des espaces de culture éphémères ; lieux d’échanges, de réunions et débats autour de thèmes choisis par les habitants. Furent évoquées la mise en œuvre de chantiers solidaires – tant il est vrai que l’on sera moins prompt à détruire ce que l’on a co-construit – et la nécessité de créer des événements communs qui impliquent les habitants, au travers d’ateliers d’écriture et du théâtre, mais aussi de concours et de challenges.
De la nécessité de se connaître
Serge Catanese était de l’assemblée, en tant que directeur du Tivoli Théâtre. Il est par ailleurs coprésident de « Gâtinais en transition ». À ses yeux, ce séminaire est une initiative essentielle : « L’attente est énorme. On a de belles initiatives, tout le monde est sur le terrain, mais on ne se connaît pas forcément entre associations. De ce fait, ce genre de journée nous fait avancer énormément dans le sens de la connaissance des autres projets et des mutualisations possibles ».
Pour certains, c’était la première fois qu’ils se voyaient. « À mon niveau, je travaille avec plusieurs associations, qui se préoccupent de culture. Je m’aperçois de la présence d’autres associations qui, à mes yeux, s’occupent plutôt d’emploi et d’insertion, pour lesquelles la culture est importante. Pour moi, la culture remet l’humain au centre. Avant de parler d’expression culturelle, il y a l’individu, qui se trouve forcément à la base de l’idée même de culture. Je travaille dans ce sens-là. Et je m’aperçois que beaucoup de gens sont dans cette préoccupation, y compris dans l’insertion professionnelle ».
On ne fera pas l’impasse sur la nécessité de remettre l’humain au centre de ces quartiers, par la présence d’adultes relais et de jeunes gens en service civique, mais aussi par la mise en valeur de paroles d’habitants, de leurs parcours de vie, et de témoignages.
Étendre vers la ruralité
« J’ai la conviction, intime et profonde, que la culture peut changer le monde », disait Sophie Brocas, préfète de la région Centre-Val de Loire et du Loiret, dans sa conclusion à cette journée de réflexion. Et d’ajouter que « les quartiers populaires ont, au fond, les mêmes difficultés que la ruralité : ce sentiment d’éloignement, de déclassement, d’invisibilité, avec tous les maux qui vont avec (la colère, la tentation de la sécession) ». Ce serait effectivement un prolongement logique du plan Attracti’cités 2030. Le déploiement des micro-folies partout en régions pourrait contribuer au désenclavement des quartiers et des territoires ruraux les plus fragiles. Celle de Montargis – dont l’ouverture est prévue le 7 janvier – fait justement partie des actions prévues dans le cadre d’Attracticité. Or des zones dites de « Revitalisation rurale » (ZRR) sont à proximité immédiate de Montargis, dans les cantons de Lorris, Bellegarde et Châtillon-Coligny.
Visite du centre d’art contemporain d’Amilly, en compagnie de responsables d’associations du Montargois – photo Izabel Tognarelli
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