« Oh, Canada », démystifier sa vie de star avant de mourir

Paul Schrader filme l’interview d’un célèbre documentariste qui se meurt. Avec des flash-back qui forment le récit, mais pas tout le temps. Le scénariste-réalisateur mène son histoire par boucles narratives pour tenter de démystifier la célébrité de son personnage. Un jeu complexe, un retour sur le passé qui se veut salvateur.

Leonard (Richard Gere) au chevet de sa première femme enceinte Caroline Dhavernas). Pto Kino Lorber.



Par Bernard Cassat.


Paul Schrader a 78 ans et plus de 25 films à son actif. Russell Banks est décédé il y a presque 2 ans à 82 ans. Richard Gere a 75 ans et a été révélé comme star internationale dans American Gigolo, un film de Paul, en 1980. Oh, Canada est l’adaptation de Banks par Schrader, jouée par Gere. Il n’est donc pas étonnant que ce film ait un petit goût de madeleine.

Leonard, documentariste célèbre et très malade, en fin de vie même, a accepté la proposition d’un de ses anciens étudiants d’une grande interview. Il veut que sa femme y assiste, parce qu’il va faire des révélations que, malgré les trente ans passés ensemble, elle ne connait pas.

Leonard en 1970 (Jacob Elordi). Photo Kino Lorber.


Le film de Schrader est donc l’interview filmée de Leonard, avec de grands flash-back de cinéma. Heureusement. Tout le film est là. Schrader sait faire revivre les US des années 70, sa grande période en fait. Les cadres, les décors, la nature, les voitures et leur bruit caractéristique, les intérieurs cossus, tout revient. Avec un gros travail d’image, du noir et blanc très underground, des couleurs retrouvant cette patine qu’ont maintenant les films des années 70, surtout dans les bruns et les rouges. Dans des séquences un peu hachées, qu’il faut presque à chaque fois replacer dans ce qu’on sait déjà de l’histoire. Léonard n’est plus Richard Gere, mais Jacob Elordi, un jeune acteur australien boosté par les séries des plateformes, et qui incarne parfaitement le personnage. Homme à femme, qui a tout fait jeune, le mariage, un enfant, des études, et qui veut devenir écrivain. Ce n’est pas forcément dans l’ordre, donc un peu compliqué, surtout que parfois, c’est Richard Gere qui introduit Léonard jeune. Jeu des représentations, comme si dans le Léonard jeune existait déjà ce qu’il va devenir. Ou pour bien montrer que ce jeune homme séduisant va devenir cet homme âgé en pleine déchéance physique.

Emma (Uma Thurman). Photo LLC-ARP.


La partie interview parait longue et fastidieuse une fois qu’on a découvert tout le dispositif. Comme dans les films de procès, dont les Américains sont passés maitres. Les mots prennent le dessus. Bien sûr, il y a le visage, les gros plans, les très gros plans même, sur les yeux de Gere, sur ses expressions. Mais l’action est vraiment limitée. Et puis il y a la présence nécessaire de sa femme Emma (Uma Thurman), qui indique assez lourdement qu’on va assister à des révélations incroyables. Qui ne concernent pas l’existence d’un fils caché, puisqu’elle savait cela. Leonard le rejette sans qu’on sache bien pourquoi. Toute sa carrière de documentariste défile rapidement au cours d’une séquence dans un festival de documentaires. Un film sur l’agent orange, qui l’a rendu célèbre, d’autres sur les Indiens canadiens christianisés de force, entre autres. C’est dit avec quelques images. La révélation attendue n’est donc pas dans son œuvre. Ni dans son enseignement dont on voit quelques séquences. Le vieux Leonard veut simplement révéler que c’est le pur hasard et un mensonge qui l’a placé là où il fallait être.

Le couple dans la forece de l’age. Photo LLC-ARP.


Un peu ridicule, cette révélation, pétard mouillé qui plombe tout le film. Comme si une grosse machine accouchait d’un détail de l’histoire. La madeleine aurait pu être plus savoureuse !

Reste les moments de cinéma en scope, qui retracent sa vie avec des images formidables comme sait en faire Paul Schrader. Le scénario est assez habile, le réalisateur étant rompu à ce travail aussi. À travers Leonard, Schrader se penche évidemment sur sa propre vie. Et son personnage touche, pas seulement son histoire, mais aussi la décrépitude physique. Et l’importance de raconter, bien sûr très romanesque, de dévoiler enfin tout ce qui pèse sur la conscience. Le message est universel et très simple. Trop ?



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