Barbara Butch répond aux cyberharceleurs par de l’amour

Barbara Butch, DJ emblématique, est notamment connue pour sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, participation suivie de milliers de messages de haine grossophobe, sexiste, lesbophobe et antisémite. Plus forte que la haine, elle est venue mixer à Orléans afin de rassembler le plus de personnes possible autour de sa musique. Entretien.

Barbara Butch. Crédit photo Laetitia Bica.



Propos recueillis par Jeanne Beaudoin.



Tu es déjà venue à deux reprises à Orléans, l’accueil des Orléanais était-il à la hauteur de tes espérances ?

À chaque fois c’était canon avec une super ambiance. Les gens sont trop cools, hyper réceptifs dans cette ville. En plus ce soir c’est complet, donc je suis contente.

Cela fait quinze ans maintenant que tu es DJ, qu’est-ce qui te donne envie de continuer à faire de la musique et monter sur scène ? 

Mon but dans la vie c’est d’être une représentation positive, que les gens puissent se dire “si elle l’a fait, je peux le faire”. Je suis pour faire un dancefloor mixte, pluriculturel, qui n’a pas de barrière de genre ou de race. Je veux qu’on soit tous ensemble, qu’on soit jeune ou vieux, et recréer du lien. C’est vital d’aller à la rencontre de l’autre, parce que moins on va vers l’autre, plus on lui fait peur. Mon but est de réunir les gens sur le dancefloor, c’est pour ça que j’adore ce genre de scène parce que ce n’est pas un espace club, ce qui permet d’avoir un public plus varié. Ce sont des espaces qui me permettent d’arriver avec mon gros corps et mes ciseaux Muy Lesbienne et de casser les codes. C’est intéressant d’arriver, comme une boule de bowling qui défonce toutes les quilles et de dire aux gens “au début vous allez craindre un peu, mais on va finir par danser et crier ensemble”.

Barbara Butch mixe au CCNO. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Quand tu as commencé la musique, est-ce que le militantisme et la revendication politique étaient déjà au cœur de ton art, ou est-ce quelque chose qui s’est construit avec le temps ?

Je pense que quand tu ne supportes pas l’injustice, tout est politique. J’ai toujours eu un truc par rapport à l’injustice. Je voulais être un garçon parce que je voulais avoir leurs privilèges depuis très jeune. Et puis j’ai compris très vite que mon existence est politique. Faire partie d’une minorité implique de se confronter à de la violence sociale et systémique alors j’ai pris la casquette de militante. Mais parfois, j’ai envie de me défaire de cette casquette de militante, par exemple aux JO, j’avais une bio à donner pour la presse internationale, j’ai demandé à ce qu’on enlève le mot “militant” parce que je ne voulais pas que ce soit clivant. Et puis, après ce qu’il s’est passé, j’ai été obligée de remettre ma casquette de militante.

Trois personnes ont d’ailleurs été arrêtées pour cyberharcèlement, est-ce une première victoire ? 

Je l’ai appris dans les médias. Pour moi ce n’est qu’un tout début. Sur ma publication des JO, j’ai 75 000 commentaires, c’est énorme, et c’est 98% de commentaires négatifs. Trois personnes ce n’est pas fou, mais si j’affiche les messages négatifs, c’est vraiment pour montrer la violence des propos. C’est pour mettre en avant le fait qu’il faut absolument protéger les gens du cyberharcèlement et des insultes. Je ne veux plus que la violence soit normalisée en ligne, ça devient un exutoire. Tout ce que je fais, c’est pour faire changer les lois sur le cyberharcèlement.

J’ai été reçu à l’Assemblée nationale récemment pour en parler. Ce que j’attends, c’est un réel soutien de l’État, qu’on fasse bouger les lignes. Quand la mère du petit Lucas, qui s’est suicidé à 13 ans à cause du harcèlement à l’école, m’écrit pour me remercier d’avoir parlé de son fils en interview, je me dis que ce que je traverse, même si c’est horrible, finira par avoir du sens. En tout cas j’ai envie de donner du sens à ce qui m’est arrivé. Donc oui il y a trois personnes, mais peut-être que ça va déboucher sur beaucoup plus de choses. 


Quel est ton objectif en continuant à dénoncer le cyberharcèlement ? 

Lutter, voir ce qu’on peut faire au sein des écoles, des associations, que les choses changent. Ça doit passer par un changement radical des réseaux sociaux. Il faut lever l’anonymat car il y a des gens qui se permettent les pires horreurs sur Internet. Je pensais que ça ne m’atteignait pas, et puis je suis tombée littéralement, je me suis cassée le bras, double fracture. Le chirurgien m’a dit que cette fracture était une fracture de combattant, la symbolique est folle. Parfois j’ai juste envie de faire de la musique, mais les gens ne sont pas prêts. 


Plus d’infos autrement : 

CCNO : Maud Le Pladec sur le départ vers Nancy. 

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