Louise Courvoisier, pour son premier long-métrage, nous emmène dans son pays, le Jura, avec des gens du coin qui incarnent ses personnages. Une histoire de comté fabriqué à l’ancienne. Et de relations amoureuses ou conflictuelles des jeunes paysans qui le fabriquent. Un film pur jus authentique, qui nous chante une petite chanson sympathique mais qui reste très léger.
Totone (Clément Faveau) et sa copine Marie-Lise (Maïwenn Barthélémy). Photo Films du Losange.
Par Bernard Cassat.
Premier film d’une jeune réalisatrice, « Vingt Dieux » en porte les marques. Dès la première séquence ! D’abord un plan de vache dans une petite voiture, plan incongru et rigolo. Puis la caméra suit le dos d’un homme dans une fête de village. Après un trajet très long, il arrive à son stand de bières, branche le tonneau et le vrai film commence : le personnage de Totone est attablé au comptoir. Scène complexe, cette séquence, avec plein de figurants, demande un timing parfait. Coup d’éclat réussi pour la réalisatrice. Mais assez agaçant, comme si elle nous disait, je sais faire du cinéma.
Totone et sa sœur. Photo Pyramide Distribution
Totone, le jeune personnage qui devient orphelin avec charge d’âme, est bien sûr attachant. Clément Faveau, casté par la réalisatrice dans le Jura au cours de rencontres agricoles, comme d’ailleurs tous les autres acteurs, est un enfant du pays pur jus. En plus de son accent, son air buté et boudeur traduit bien son personnage. Il semble un peu jeune pour conduire un camion à 4h du matin, mais la véracité des interprètes à l’écran compense les faiblesses de scénario. Et sa lutte contre le sort pour vivre et faire vivre sa petite sœur touche. Il nous fait pénétrer dans cette vie paysanne du Jura. Sa copine, bien jeune elle aussi pour hériter de 100 hectares, élève des vaches, produit du lait. Mais se lève à 5h tous les matins, sans dimanche ni congé. Et se débrouille seule à l’étable. On assiste même à une mise bas émouvante que les magouilles de Totone rendent hautement risquée, d’où suspens et tension.
Jeu avec le tracteur comme avec les stock-cars. Photo Pyramide Distribution.
L’idée de Totone de fabriquer une meule de comté pour concourir et gagner le prix permet à Louise Courvoisier de dresser un documentaire très complet sur la fabrication de ce fromage. Certes bien intégré à l’histoire. Le pauvre Totone découvre les difficultés et les complexités de cette fabrication à l’ancienne, dans de grands chaudrons de cuivre. L’importance de la présure et de la température. Et découvre ensuite les arcanes de ce monde complexe des AOC, des concours si importants pour les producteurs. Le monde agricole est résumé dans la déception de Totone, dans le constat que des gens bien habillés décident si le fromage produit par des gens mal habillés est bon ou pas.
Le monde du stock-car est bien exploité aussi. Ces bagnoles bricolées pour des courses destructrices et les prouesses spectaculaires qu’elles permettent sont une belle échappatoire pour la jeunesse paysanne. Elle canalise aussi la violence de ces jeunes dont les rapports ne sont pas toujours très tranquilles. Les conflits se règlent à coup de poings ou de boules, et les loisirs passés en commun, alcool aidant, deviennent vite trépidants.
Totone et son fromage. Photo Films du Losange.
Louise Courvoisier, réalisatrice qui vient à la fois de ce milieu paysan et d’une famille d’artistes (la musique est composée par sa mère Linda, ancienne musicienne pro, et son frère Charlie). Elle sait de quoi elle parle et réussit un petit film sympa. Qui évidemment va plaire aux urbains, coupés de ce monde, qui recherche les appellations contrôlées et les authentiques produits du terroir. Le film en est un, à sa façon.
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