Quand des artistes malgaches dansent et racontent leur propre histoire

Soa Ratsifandrihana, danseuse et chorégraphe franco-malgache, a présenté mardi 10 décembre au théâtre d’Orléans son spectacle Fampitaha fampita fampitàna. Un travail d’envergure sur le passé des îles créoles, qui tente de se débarrasser des lourds habits imposés par le colonisateur. Des moments de danse formidables, d’autres théâtraux moins prenants. Et une musique sur scène très réussie.

Soa Ratsifandrihana vue par Lara Gasparetto.



Par Bernard Cassat.


Pour une fois, le monde créole investit la scène. Tahiti, les Antilles et Madagascar, toutes ces îles où la France, au cours de son histoire, s’est installée et qu’elle a exploitées. Changeant évidemment le cours de l’histoire des populations présentes à son arrivée. Ce sont eux, leurs héritiers, qui maintenant investissent la scène.

Dans les habits dont les Blancs les ont affublés, mais qu’ils s’approprient en les customisant, ils entament une formidable danse baroque au son d’une guitare électrique. Deux par deux, en changeant régulièrement de partenaire, ils reproduisent avec grâce et inventivité un ballet grand siècle digne des réceptions de nobles de la grande époque. Sans malice, ces jeunes danseurs d’aujourd’hui retrouvent ainsi le moment où leurs propres danses, leurs propres manières de bouger ont été figées dans des convenances venues d’ailleurs. Ils retournent à ce point de départ pour eux, ce moment de l’évolution de la danse où elle s’est installée dans leurs îles, et à partir duquel ils sont entrés dans la danse mondiale.

Les habits du grand siècle. Photo Harilay Rabenjamina.


Ils retrouvent par ailleurs leur propre culture, leur propre envie de bouger. Ils revêtent pour cela de grandes robes poncho et tournent sur eux-mêmes comme des derviches, faisant voleter ces corolles fleuries qui forment un bouquet offert à leurs aïeux. À côté de l’évolution mondiale, les particularités locales se sont aussi développées.

Plus ironique ensuite, une autre séquence les fera bouger dans une vision plus moderne comme des petits soldats avec leurs bottes argentées. La guitare prend alors des tons guerriers. Et les trois danseurs décomposent le rythme répétitif, se laissent d’abord mener par la rudesse militaire pour compliquer les pas et commencer à introduire des contre-points, à chalouper dans des mouvements très contemporains. Magnifique à regarder, cette danse semble taquiner le besoin d’aller au-delà de l’emprise militaire qui, comme les us et coutumes culturels et sociaux des nantis occupants, les ont dominés pendant des siècles.

Joël Rabesolo, Soa, Audrey et Stanley. Photo Harilay Rabenjamina.


Deuxième partie d’une œuvre radiophonique, Rouge Cratère, Fampitaha, fampita, fampitàna a aussi recours à des paroles, du texte pour compléter le message de la danse. Un curieux moment répétitif sur l’Ignoral, très étrange et assez incompréhensible, est suivi plus tard par un exercice de répétition au micro, qui semble une leçon de diction, puis par un récit assez terne d’un conte de là-bas. Le spectacle est alors beaucoup plus faible. L’énergie, la beauté des images de danse tombe et le message est trop partiel, trop plat pour tenir en haleine. Dommage. La première partie constituait un très beau moment de danse.

Les quatre interprètes, Soa, Audrey Merilus et Stanley Ollivier, tous très à l’aise, dessinent dans l’espace de très beaux parcours. Joël Rabesolo à la guitare mène la danse et rappelle, s’il en était besoin, que la musique sur scène est un plus considérable dans un spectacle.

La salle Vitez, au grand complet, a beaucoup apprécié.

Workshops

Soa Ratsifandrihana, artiste en résidence au Centre Chorégraphique national d’Orléans, animera des ateliers de danse, d’écriture (avec Sékou Séméga, artiste interdisciplinaire) et de musique (avec Alban Murenzi) dans des workshops les vendredi 31 janvier et samedi 1er février, avec une restitution publique le samedi.

Participation gratuite des plus de 16 ans sur réservation.

reservation@ccn-orleans.com


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