Vous ne l’avez sans doute pas remarqué, depuis lundi 2 décembre, la Loire est en crue dans une simulation de plan ORSEC pour évaluer, par les services préfectoraux, les conséquences d’une crue centennale de la Loire qui demeure un des risques majeurs de catastrophe naturelle pour la France métropolitaine.
Par Gérard Poitou.
Le modèle de crue retenu pour cette simulation est la crue de 1907, donc très en deçà des grandes crues du XIXe siècle avec “seulement” 8 m à Gien et 5,80 m à Orléans. Ce type de crue est très différent des crues dévastatrices méditerranéennes comme celle de Valence en Espagne. Il s’agit d’une crue résultant de la conjonction de pluies massives sur les Cévennes dévalant sur une Loire saturée par d’importantes pluies océaniques, conjonction rare dite centennale mais qui s’est produite par trois fois au XIXe siècle. Compte tenu du relief, ces crues sont par ailleurs lentes à se propager, il faut par exemple une dizaine d’heures pour que la crue avance de Gien à Orléans mais les conséquences n’en seraient pas moins dévastatrices avec une inondation de tout le Val de Loire, du déversoir de Jargeau à Meung-sur-Loire avec plus de 50 000 habitants à évacuer.
Le val inondé
Un sujet anxiogène !
Le maire de Tours, Jean Royer, avait dans les années 80 en tant que président de l’Établissement Public Loire (ex EPALA) proposé la construction de cinq barrages anti-crues sur la Loire et l’Allier. Face à la levée de boucliers des écologistes et pour convaincre la population de la nécessité de ces barrages écrêteurs, il fut décidé de produire un film simulant un faux journal télévisé exceptionnel un soir de crue centennale. On fit appel au présentateur du 20h Roger Gicquel, qui fut tellement convaincant que le film jugé par les élus beaucoup trop anxiogène pour la population, ne fut jamais diffusé…
Lors du bilan présenté à la presse, la préfète Sophie Brocas a donc souligné l’importance de ce premier exercice de simulation qui a mobilisé plus de 600 personnes sur toute la semaine tant au niveau de la préfecture que des différentes collectivités territoriales, des organismes de surveillance de la Loire, et bien sûr les pompiers et la gendarmerie.
La réunion de bilan en Préfecture
Il faut dire que le défi est de taille entre la problématique de la surveillance des digues avec d’importants risques de ruptures et l’aide à apporter à plus de 80 000 habitants impactés. Si la rive nord de la Loire reste peu touchée, la rive sud se voit confrontée à une évacuation massive de la population qui nécessite de définir d’importants lieux d’hébergement équipés pour plusieurs jours, alors que les routes et les ponts seront eux-mêmes coupés comme l’électricité. L’impact sur les entreprises est aussi considérable avec une estimation de 20 000 salariés touchés directement ou indirectement. La sécurisation des résidences est un autre défi comme l’évacuation des personnes âgées, notamment des EHPAD construit en zone inondable (!). Cet exercice de simulation a permis de tester en grandeur réelle la coordination des différents acteurs permettant de pointer les difficultés rencontrées notamment dans la communication entre les 60 communes concernées et les intercommunalités dont il conviendra de tirer les leçons.
Crues de 1846, 56 et 66. cl GP
S’il est courageux et salutaire d’anticiper cette catastrophe annoncée, il est à souhaiter que la prise de conscience de ce risque majeur conduise à renforcer les travaux de sécurisation des sites, de l’entretien des digues au nettoyage du lit de la Loire encombré de végétation, mais aussi de cesser de construire inconsidérément en zone inondable comme ce fut encore le cas avec le CO’Met…
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