Culture en danger : quel avenir pour le spectacle vivant ?

De toutes parts, les nouvelles peu rassurantes émergent, des lieux les plus emblématiques jusqu’aux petites compagnies professionnelles du spectacle vivant.



Par Bernard Thinat.


À Berlin, la Schaubühne, théâtre à la renommée mondiale, annonce une possible faillite fin 2025 alors que le taux de remplissage des différents spectacles frôle les 100 %, à moins d’un démantèlement de la structure, perdant son identité propre. En cause, un désengagement massif de la ville en ce qui concerne la culture (130 millions d’euros en moins).

Ni l’Opéra de Paris, ni la Comédie-Française ne sont épargnés. Le premier a perdu 6 millions de subventions cette année, la seconde 5 millions. Le budget du ministère de la Culture a ainsi été amputé de 200 millions, répartis par moitié entre le patrimoine et la création.

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La Région des Pays de la Loire défraie la chronique depuis quelque temps : festivals, associations diverses, annoncent la suppression de toute subvention régionale, telle la Folle journée de Nantes, plus grand festival de musique classique en Europe. Le budget culture se trouve ainsi amputé de 73 %. On préférera verser dans le divertissement et les fêtes.

On savait que la saison 24/25 allait être difficile, les coûts des spectacles augmentant très vite. L’Association des Professionnels de l’Administration du spectacle a récemment publié une étude d’où il ressort une diminution de 25 % du nombre de diffusions de spectacles pour la saison actuelle.

Mais les vents contraires s’abattent sur les petites compagnies théâtrales professionnelles avec une telle rapidité que certaines mettent déjà la clé sous la porte, ou songent à le faire.

Si l’on se penche sur la métropole orléanaise, des petites compagnies Pro vivent un début de saison dramatique. Deux compagnies très connues du public ont créé chacune un spectacle que MagCentre a vus, soit dans sa phase finale, soit en cours de création. Cela représente entre une à deux années de travail. Tous ceux qui ont pu assister à ces représentations, les ont trouvées magnifiques. Et pourtant, ces spectacles ne trouvent pas acquéreurs auprès des communes.

Quelles en sont les raisons ?

Des raisons financières : on sait que les budgets des communes sont de plus en plus délicats à équilibrer dans leur partie fonctionnement. Et malheureusement, le budget culture est le premier à en faire les frais. Un spectacle proposé par une Compagnie Pro est payant, soit environ 2 000 € avec trois artistes sur scène. Alors, telle commune choisira de programmer une Compagnie amateur, c’est gratuit ou presque ! On prête une salle, on met à disposition un technicien et un gardien et la compagnie se paie avec la billetterie.

Des raisons politiques : on préférera un spectacle où le public est censé rire plutôt qu’un autre où sur le plateau, trois policiers ne brillent pas par leur intelligence. On a peur de la réaction d’un certain public, voire de l’intrusion d’un groupe d’extrême droite, comme cela a pu advenir. 

Un spectacle théâtral dont les thèmes évoquent la sororité, la place des femmes et le matrimoine avec en toile de fond les difficultés de la filière textile, aura 3 représentations dont aucune à l’initiative des municipalités. On voit aussi des communes accueillir en résidence telle compagnie, mais qui n’achèteront pas le spectacle, le thème ne leur convenant pas ! On nous parle aussi de programmateurs payés par les mairies, dont c’est le rôle de programmer, mais qui se font doubler par des élus municipaux, lesquels suppriment ce qui ne leur convient pas et imposent ce qui leur plaît.

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Ou bien des raisons circonstancielles : telle compagnie crée un spectacle après commande auprès d’un auteur connu, ancien de la Comédie-Française. Alors que le spectacle démarre tout juste, une vilaine affaire de mœurs surgit, tout le monde se retire. Le spectacle ne se vendra pas. Comment pourra-t-on payer les artistes ? Nul ne le sait.

Dans une situation moins dramatique, mais tout aussi incertaine, telle compagnie crée tel spectacle, aura une seule représentation publique et attendra une année espérant que des communes veuillent bien faire l’effort de la programmer.

On a même vu dans la métropole orléanaise, une municipalité retirer à une artiste professionnelle, la programmation culturelle annuelle dont elle était chargée depuis des années, afin de placer des compagnies amateures dans sa saison culturelle.

Cela n’est pas propre à l’Orléanais, mais une tendance affleure nationalement. La pièce « Passeport » d’Alexis Michalik, programmée au Cado à Orléans en avril, a vu des annulations de la part de programmateurs, à la demande des municipalités : en cause, le thème de la pièce qui évoque des migrants de manière positive.

Alors, certes, des compagnies s’en sortent bien, mais pour combien de temps ? Les municipalités devraient comprendre que sans compagnies professionnelles, le spectacle vivant ne saurait survivre. Et sans culture, c’est toute la société qui se meurt. Politiquement, certains s’en réjouiront. Pas nous !

Spectacles et Compagnies Orléanaises dont il est fait mention dans l’article :

  • Bleuenn et Rozae / patchwork, par la Cie Serres chaudes
  • Faire l’amour est une maladie mentale qui gaspille du temps et de l’énergie, par la Cie du Grand Souk
  • Des écailles sur les ailes d’une mouette, par la Cie Clin d’œil.


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Commentaires

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  1. Le monde change. Le théâtre aussi. Trop tard pour la politique culturelle. De trop longues années de saupoudrage multiplient les propositions, obligent ces jeunes artistes à bosser pour pas grand chose, et sauf succès ou privilège institutionnel leurs spectacles se jouent comme peau de chagrin. Et à chaque saison ils s’évertuent à créer de nouveau, quel mot! Les collectivités, des écoles aux subventionneurs sont totalement responsables de cette crise. Et j’ajouterais, citoyens, nous le sommes tous. Croyez-vous aujourd’hui encore à la vertu du théâtre? Comme à la vertu de la parole?

  2. Oui à l’article, oui au commentaire de Dunois. Des associations, des chœurs, des orchestres locaux ne peuvent plus bénéficier, simplement, de salles de répétitions parce qu’ils ne conviennent pas aux normes de la Culture !
    Scène Ouverte – Orléans en est un exemple parmi d’autres : jetée du Théâtre d’Orléans, d’une salle au Lycée Voltaire quasi inoccupée les week-ends, privée d’une subvention de la Région, la Troupe (25 auteurs-comédiens-chanteurs-musiciens, accompagnés par des professionnels) en subit les conséquences. Pourtant, avec ses créations originales et ses 5 Comédies Musicales au compteur évoquant avec humour et réalisme, nos santés mentales, avec des spectateurs conquis, un peu de soutien serait nécessaire.
    Hélas. Discours, sourires aux médias et petits fours camouflent souvent la réalité des décideurs.
    Rétribués par nos impôts, faudrait les virer.

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