« En fanfare » : une tragédie qui fait pleurer de rire et d’émotion

Après Un triomphe projeté par Justiciné la semaine dernière, voici le dernier film d’Emmanuel Courcol. Une tragi-comédie bien ficelée au pays du Nord et de la musique. Un couple d’acteurs magnifiques emporte ce scénario improbable dans les hautes sphères du divertissement en passant outre tous les obstacles sociaux. Le gène musical les réunit et c’est plus fort que tout le reste. Ravel en est témoin.

Les deux nouveaux frères Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin. Photo Agat Films – France 2 Cinéma



Par Bernard Cassat.


Vous prenez deux personnages totalement opposés, autant socialement que culturellement. Vous trouvez une raison pour les rapprocher. Et vous rajoutez un domaine qui les intéresse tous les deux et qui plait au public, la musique par exemple. Emmanuel Courcol n’a pas choisi la difficulté de scénario. Mais il a bien secoué ses ingrédients pour construire un film rigolo, intéressant et surtout rempli à ras bord d’émotion.

Jimmy Bémol et son amie Sabrina (Sarah Suco). Photo Agat Films – France 2 Cinéma.


Il y a donc un prolo, Jimmy, homme de cuisine dans une cantine scolaire et tromboniste dans l’harmonie municipale. Un type entier, immédiat, qui prend beaucoup de choses au pied de la lettre mais sait exprimer élégamment ce qu’il a à dire. Franc et entier, bon fils d’une mère adoptive elle aussi très touchante, Pierre Lottin s’empare de ce personnage et lui donne toute sa gouaille et sa complexité. Tour à tour généreux, buté, paumé, doux ou rude, émerveillé ou en total retrait, doutant de lui ou au contraire s’affirmant où il ne faudrait pas, ce personnage devient avec Lottin une nouvelle incarnation du prolo du Nord dans toute sa splendeur. Surtout que dans son village, une usine est en train de fermer. L’harmonie les soutient, Jimmy le premier. Un type qui a du caractère dans un milieu difficile mais plein de relations fortes.

Le monde de Thibaut. Photo Agat Films – France 2 Cinéma .


Et en face, il y a Thibaut, un chef d’orchestre international, élevé dans une famille riche de Meudon. Il dirige un orchestre aux US, habite Paris, joue merveilleusement du piano. C’est un homme archi cultivé, qui passe sa vie dans et pour la musique. Benjamin Lavernhe lui prête sa finesse, son énergie, sa douceur. Impeccable dans ce rôle d’intellectuel ouvert au monde, solitaire mais très sociable, de chef bienveillant qui sait mener son orchestre. Quelques mouvements de sourcils expriment énormément. Lavernhe sait faire parler son visage sur l’écran. Pour un problème médical, il découvre que sa sœur n’est pas sa sœur. Ça perturbe évidemment la famille, et sa mère répond aux questions. Il a été adopté, lui aussi.

La musique comme lien social et fraternel

La rencontre entre les deux est sidérante, amusante, crédible alors que la situation est insensée. La musique fait le reste. Les ingrédients choisis par Courcol fonctionnent au petit poil pour construire un film consensuel, dans lequel chaque spectateur peut retrouver un peu de soi, ou quelque chose qui le touche de près. Dans chaque thème, le réalisateur prend ce qu’il y a de meilleur. En musique, il y va fort sur les chefs-d’œuvre émouvants, autant en classique (Mozart, Mendelssohn, Beethoven, Verdi) qu’en jazz (Benny Golson) ou en fanfare. Jusqu’au Boléro de Ravel ! Le mi bémol de Miles Davis qui a éveillé Jimmy à la musique ou le boogie improvisé par les quatre mains dans le garage de Jimmy ne sont pas les pires non plus.

La fanfare de Walincourt. Photo Agat Films – France 2 Cinéma.


Le contraste des briques du Nord contre les salles feutrées parisiennes, tout est en opposition sans didactisme ni condescendance. Les thèmes sous-jacents de l’histoire, la fraternité, l’adoption, la maladie, la crise économique, le déterminisme social, tout cela en fait un film qui va droit au cœur, qui raconte le Nord mais aussi toute la société française. Une tragi-comédie de la veine des comédies anglaises baignées dans l’environnement social. Courcol sait exploiter les points forts, comme cette formidable bagarre de fanfares au festival d’Hazebrouck. Celle de Walincourt, le village fictif de la fanfare de Jimmy, y perd tout. Et c’est ça le plus important, ne pas hésiter à se battre pour garder la tête haute, même et surtout quand c’est perdu d’avance. Pour le film, c’est gagné d’avance ! On pleure de rire mais aussi d’émotion, on ne regarde plus la véracité des situations mais on est pris par ces personnages d’une humanité rêvée. On est en pleine fiction de ciné et c’est un plaisir irrésistible.


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