Du 23 novembre au 8 décembre, Sylvie Desmoulin expose, à la galerie La Tour Saint-Etienne d’Orléans, une centaine d’œuvres mêlant peintures, encres et sculptures. Inspirée par la Corée, l’artiste propose un univers sensible où chaque création explore les émotions humaines.
En de précieuses alcôves. Photo JDB.
Par Jean-Dominique Burtin.
Il émane une belle âme de l’œuvre de
Sylvie Desmoulin, peintre et sculpteure, magnifique ensemble présenté à la galerie orléanaise La Tour Saint-Etienne.
Gil Bastide et
Jean-Bernard Rouilly, commissaires de l’exposition, à propos de cette artiste magdunoise : «
Histoire, mythes et poésie coréenne nourrissent sa création, liant chaque pièce à une aspiration universelle à l’harmonie ». Et les deux commissaires de poursuivre : «
Sa démarche vise à transcender le réel, touchant à l’essence même des émotions humaines ainsi qu’à l’équilibre entre le visible et l’invisible ».
Quant à Sylvie Desmoulin, en exergue du carton d’invitation comme en toute sérénité : « Désormais, je laisse venir à moi… les hasards, les rencontres et le temps qui m’est offert, les lectures et toutes les fenêtres qu’elles ouvrent à l’intérieur de soi. Sans jamais y être allée, la Corée est ainsi venue à moi ».
160 œuvres, intenses et raffinées
Rencontrée à la galerie orléanaise qui accueille quelque cent-soixante œuvres, peintures, terres cuites, bronzes et encres sur papier, fruits d’un admirable travail de quatre années, Sylvie Desmoulin nous explique que tout est né d’un huis clos dans son atelier alors qu’elle réalisait le portrait d’une jeune femme coréenne avec qui le dialogue ne put que s’établir. La jeune femme lui conseilla un livre, un film et lui apporta même un beau jour une soupe aux algues pour accompagner la découverte de son pays à laquelle tenait à se livrer Sylvie Desmoulin. Puis vint le confinement. L’artiste se lança, dès lors, dans la lecture des préceptes de Confucius qui la concernèrent aussitôt.
Sylvie Desmoulin : « Je me suis laissé entraîner par cette Corée où tout est poésie dans le geste ; je commençais à peindre, à dessiner, prenais tout ce que j’avais sous la main, c’était une addiction. Plus je lisais, plus je découvrais et plus j’avais envie de faire ».
Un accrochage sensible et muséal
Dans son travail, cette architecte de profession qui tient toutefois à éviter le sujet architectural rigoureux pour évoquer l’émotion née de la ligne et de la couleur en osmose diffuse, nous dit dessiner régulièrement comme un musicien fait ses gammes. Avec l’art de la sculpture qu’elle pratique depuis seulement six ans, Sylvie Desmoulin modèle les costumes, les traits « l’énigme de l’expression », éprouve la fragilité de la terre cuite qui est aussi fragile que le cristal lorsqu’il s’agit de créer l’épée d’un guerrier. Sylvie Desmoulin : « Chaque fois que je vais à la fonderie (Julien et Arnaud Delmas, fonderie AFB, NDLR), je continue d’apprendre. Aujourd’hui, je suis heureuse de simplement m’inscrire dans le fil de la tradition du bronze et de la terre ».
L’eau, la terre, le feu et le métal, deviennent ainsi pour cette artiste exigeante, des éléments, des partenaires avec lesquels elle œuvre en toute intimité, précaution et peut-être même recueillement. Gil Bastide et Jean-Bernard Rouilly : « Ses œuvres traduisent un dialogue entre ombre et lumière, entre figuration et transfiguration, guidées par une recherche d’émotion et de beauté. Sa démarche artistique est marquée par la spontanéité et l’expression intuitive où chaque œuvre devient une invitation à ressentir et aussi à méditer : spontanéité de l’instant, éternité de la pensée ».
Présence et or du Ginko. Photo JDB.
Une multiplicité de temps suspendus
En vérité, Sylvie Desmoulin nous enchante par l’offrande d’une multiplicité de temps suspendus. Voici de belles encres sur papier et toiles à l’acrylique. Voici ces « émergences immobiles » et ces merveilleux arbres dessinés ou peints soulignés par des titres d’une douce poésie : La tête dans les nuages, L’arbre funambule, L’arbre qui tutoie le ciel, ou bien encore À l’ombre des étoiles, cette encre ou les aiguilles du feuillage, tels des oursins, pointent sur la pâleur du papier. Ici, tout semble couler de source, et le mot, tout comme l’évocation picturale, nous charment de naturel. À voir encore la beauté de portraits, dont celle toute en songe de L’échevelée. Au cœur du bel écrin que constitue la galerie La Tour Saint-Etienne, place encore aux rizières en étages, aux sinueuses plantations de thé vert, à une ravissante cour enneigée, à un jardin entrevu aux branches dénudées, ou à cette Pluie d’or sous le ginko.
Une invitation précise et onirique au voyage
Avec précaution et une remarquable densité de l’expression, Sylvie Desmoulin jongle avec les premiers plans et les perspectives. Chaque vue est une invitation à la fois précise mais surtout onirique au voyage. Ici, l’hiver est une étole que la nature passe sur ses épaules, et les floraisons invitent à découvrir de capiteuses nuances.
À la galerie La Tour Saint-Etienne, voici encore les terres cuites, un enfant à la flûte de bambou, la jolie scène d’une femme nouant la chevelure de la « fillette », la beauté de visages dont ceux de la mère, de l’aïeule ou du patriarche : autant d’œuvres qui témoignent de l’attention portée à l’harmonie des générations.
Et puis voici les bronzes, dont un dragon à la perle, la tortue noire, un somptueux tigre blanc que l’enfant tient en laisse, un duel, un défi, un maître d’armes, une magistrale femme à l’éventail ou ce Souffle mélodieux parcourant la lumière, pièce unique, bronze à la fois contemporain et cependant semblant millénaire.
Sylvie Desmoulin et la sculpture en bronze : « Le bronze permet de se libérer de la pesanteur de la terre. De plus, parmi les diverses patines colorées possibles, un choix peut se faire exprimant selon les œuvres, la masse ou la fluidité, robustesse ou légèreté. Ce sont les patines noires qui exercent sur moi le plus de fascination par la variété de leur éclat. Du plus mat au plus brillant, la lumière s’y accroche de mille façons et varie à l’infini selon l’angle de vue ou l’heure de la journée ». En écho à ces propos, telle est la raison pour laquelle on ne peut se lasser de parcourir, et de parcourir encore, cette magnifique exposition sans jamais se lasser des points de vue qu’elle nous offre.
Assaut de charme altier. Photo JDB.
Une exposition et un livre
Pratique : Instants d’éternité, Desmoulin,
du 23 novembre au 8 décembre, Galerie La Tour Saint-Etienne, 8, rue Saint-Etienne, Orléans. Ouvert tous les jours, de 11 heures à 12 h 30, et de 14 heures à 19 heures, dimanches inclus.
À l’occasion de cette exposition, toute de sagesse et d’élans, les amateurs d’art peuvent se procurer l’ouvrage du photographe Jean Dubrana intitulé Desmoulin Instants d’éternité, encres, peintures, sculptures. Un ouvrage de 112 pages richement illustré. On y retrouve un texte de Sylvie Desmoulin ainsi qu’une préface de Catherine Dumas, Sénatrice de Paris notamment Présidente du groupe d’amitié entre la France et la Corée du Sud du Sénat. Cette publication est écrite en français et en coréen. Son prix : 25 euros.
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