Deux prix sont traditionnellement décernés au terme du salon du Poinçonnet (36). Le grand Prix de la pantoufle est revenu à Nicolas Caldier. Kak, président de Cartooning for Peace, a reçu celui de la caricature. Rencontre.
Par Pierre Belsoeur.
Tendez le micro à Kak, il est intarissable lorsqu’il s’agit de parler de la liberté de la presse et de celle des dessinateurs en particulier. Salarié du journal l’Opinion où il illustre chaque jour la manchette de Une, il collabore également avec Franc-Tireur et Le Film Français. Cet habitué du salon « Papiers d’actu » (12e du nom) a reçu dimanche le prix de la caricature pour un dessin représentant Jean-Luc Mélenchon en « Joker ». Un dessin que le fondateur de La France Insoumise a modérément apprécié.
À sa descente de scène, Kak nous a parlé de ses combats, à la tête de Cartooning for Peace (dessiner pour la Paix), l’association de défense de la liberté de dessiner et caricaturer initiée par Kofi Annan à la tête de laquelle il a pris la succession de Plantu, son créateur.
Magcentre : Félicitations tout d’abord pour ce trophée. Jean-Luc Mélenchon a-t-il apprécié ce dessin autant que le jury du Poinçonnet ?
Kak : Je pensais qu’il avait le sens de l’humour. Je l’avais caricaturé une première fois en Robespierre, il avait beaucoup apprécié, même si le dessin était vachard, mais les politiques détestent être représentés en clowns. Là, manifestement Mélenchon n’avait pas les codes pour reconnaître le Joker.
Il semble y avoir un raidissement général face à la liberté de dessiner.
« La liberté rétrécit »
Comment le ressentez-vous ?
La France et l’Europe en général restent, avec l’Amérique du Nord, les derniers endroits de la planète où l’on a le droit de caricaturer. Mais l’espace des dessinateurs rétrécit, l’Inde de Modi ou la Turquie d’Erdogan viennent de basculer du côté des ennemis de la liberté. Défendre la liberté de la presse ce n’est pas seulement défendre la liberté des journalistes et des dessinateurs, mais aussi défendre le droit à l’information. Ce qui est en jeu c’est l’accès à une information libre, indispensable à l’exercice de la démocratie. Le droit à la caricature entretient l’esprit critique de nos concitoyens.
Est-ce que, dans ce climat délétère, l’autocensure n’est pas le pire danger qui menace les caricaturistes ?
En France nous n’en sommes pas là. C’est vrai que des gens aimeraient qu’on se taise parce que ça les dérange. Nous sommes des boucs émissaires pour certains politiques et par voie de conséquence pour des citoyens lambda. Pourtant la menace principale c’est que les gens lisent de moins en moins la presse écrite, que ses moyens diminuent et qu’on fasse de moins en moins appel aux dessinateurs… sauf dans la PQR. Nous ne sommes pas plus de cinquante à vivre du dessin de presse et une dizaine, comme moi à être salariés comme journaliste dessinateur d’un titre. Les autres doivent multiplier les collaborations pour avoir les moyens de vivre.
Une association internationale basée à Paris
Que peut faire Cartooning for Peace pour enrayer ce phénomène ?
J’avoue que le combat est inégal. Autrefois il fallait disposer de moyens pour répandre de fausses informations, posséder les moyens d’imprimer et de diffuser. Désormais, avec le numérique vous pouvez lancer une fake news et la faire relayer instantanément. Ce que fait notre association c’est de venir en aide aux collègues en difficulté en leur fournissant des avocats pour les défendre ou du matériel pour travailler. Nous organisons aussi des ateliers pour sensibiliser les jeunes à ce qu’on peut dire à travers un dessin. Nous n’intervenons pas seuls, mais en collaboration avec Reporters sans frontières ou Amnesty International.
Pourquoi ce nom américain pour votre association ?
Nous réunissons 344 dessinateurs issus de 75 pays différents. Il s’agit bien d’une association internationale, initiée à New York par Plantu et Kofi Annan, mais son siège est à Paris et son conseil d’administration francophone (avec des dessinateurs de France, Tunisie, Danemark, Burkina Faso…). C’est plus simple pour fonctionner. L’agence nationale de développement, les ministères de la Culture, de la Justice et de l’Éducation Nationale participent au financement, pour un tiers de nos besoins, les partenaires privés pour un autre tiers et la location de nos expositions ou nos ventes d’albums nous assurent le troisième tiers d’un budget de 800 000€.
Plus d’infos autrement sur Magcentre :
Premières rencontres du dessin de presse à Vierzon