Interview de Karine Gloanec Maurin : « Porter les valeurs de la sociale démocratie en Europe »

À la suite de la session marquant le 30ᵉ anniversaire du Comité européen des régions (CdR), les 20 et 21 novembre dernier, Magcentre revient sur le rôle important de cette assemblée en interrogeant Karine Gloanec Maurin, l’une des 24 membres de la délégation française.

Très investie au sein du Comité européen des régions, Karine Gloanec Maurin a présenté un rapport sur les conditions de travail des salariés agricoles. Crédit photo Jean-Luc Vezon.


Propos recueillis par Jean-Luc Vezon.


Quel rôle joue le Comité européen des régions dans la gouvernance européenne ?

Cette instance de consultation, rassemblant 328 élus municipaux, départementaux et régionaux, issus des 27 états de l’UE, a été créé par Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, en 1994. Il croyait fermement à la nécessité d’un lien entre les institutions européennes et les communautés locales. Le CdR concourt via ses rapports à la construction des lois européennes. Nos préconisations alimentent les textes votés par le Parlement. Ce sera le cas, par exemple, du rapport présenté par Marie-Antoinette Maupertuis, sur le futur Cadre financier pluriannuel de l’UE après 2027. Le comité souhaite qu’il garantisse mieux la cohésion de tous les territoires.


Pourquoi vous investir dans cette instance ?


Je suis une Européenne convaincue. Mon expérience en tant que députée européenne et élue locale dans une commune rurale (Couëtron-au-Perche)(1) m’a naturellement portée à m’investir au sein de cette assemblée dans laquelle j’ai été désigné par l’AMF pour le mandat 2020 – 2025. Siégeant dans les commissions NAT (développement rural) et SEDEC(2), je suis l’une des 24 membres de la délégation française qui comprend aussi Anne Besnier, vice-présidente de la région en charge de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, désignée par Région de France. Notre travail participe à la création de liens avec les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux, dont les spécificités doivent être prises en compte. Je précise que mon engagement ne donne pas lieu au versement d’une indemnité mais à un défraiement.


Votre rapport sur les conditions de travail des salariés agricoles est votre seconde contribution de la mandature après celle sur les indications géographiques. Pourquoi ce choix ?

Cet avis, partagé par une très grande majorité (hors groupe de droite nationaliste ECR), est une réponse aux défis cruciaux auxquels est confronté le secteur agricole notamment le déclin des exploitations familiales, la dépendance croissante à l’égard des travailleurs migrants et la pénurie de main d’œuvre agricole. Celle-ci devrait diminuer de 2 % chaque année passant de 17 millions de travailleurs à seulement 7,7 millions en 2030.


Quelles sont vos conclusions ?

Il faut mieux appliquer la conditionnalité sociale dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) afin de garantir des normes de travail équitables dans l’ensemble de l’UE. Des sanctions harmonisées en cas de violation du droit du travail contribueraient à prévenir la concurrence déloyale dans les chaînes de sous-traitance et à prévenir les abus ou les pratiques telles que le « dumping social ».

Le rapport souligne également la nécessité d’améliorer les normes de santé et de sécurité dans l’agriculture, l’un des secteurs les plus dangereux. En particulier la manipulation de substances dangereuses telles que les pesticides. Il est essentiel d’améliorer les normes de santé et de sécurité, de soutenir les communautés rurales et de promouvoir l’inclusion des femmes, des migrants et des travailleurs en situation de handicap.


Un mot sur le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que la France doit refuser de signer. Les pays du Mercosur n’ont pas les mêmes normes, le même coût du travail… L’importation de leurs productions agricoles mettrait en péril une partie de l’agriculture française. C’est une forme de concurrence déloyale que je condamne justement dans mon rapport sur les conditions de travail.


Le mandat du CdR arrive à échéance en fin d’année, allez-vous poursuivre le travail engagé ?

Oui sans hésiter. Je suis fière de porter les idées et valeurs de la sociale démocratie à un moment où l’Europe est en proie à la montée des nationalismes et des extrémismes. L’UE ne peut exister si elle est menée de haut en bas depuis Bruxelles. Nous avons besoin d’un dialogue structuré avec les instances locales et régionales, et de mieux nous adresser aux citoyens. La région Centre est pleinement consciente de ces enjeux. Le budget européen, plus grand programme d’investissement au monde, se doit de contribuer à réduire les inégalités.


(1) KGM est par ailleurs présidente de la communauté de communes des collines du Perche.

(2) Politique sociale, éducation, emploi, recherche et culture.


Le Parlement européen de Bruxelles, lieu emblématique du projet européen. Crédit photo Jean-Luc Vezon.

 

Le Comité européen des régions, la voix des pouvoirs locaux

Institué par le traité de Maastricht et mis en place en 1994, le Comité des Régions représente les collectivités locales et régionales de l’Union européenne. Il est le porte-parole des intérêts de ces entités territoriales auprès de la Commission et du Conseil, auxquels il adresse des avis. Sa mission est exclusivement consultative. La consultation est obligatoire pour les domaines suivants : transports, emploi, politique sociale, Fonds social européen, culture, santé publique, environnement, énergie, cohésion économique, sociale et territoriale, politique d’éducation, formation professionnelle, jeunesse et sport. Il compte actuellement 328 membres (et autant de membres suppléants) issus des 27 pays de l’UE. Le Comité européen des Régions organise en moyenne 150 événements annuels partout en Europe.


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