En cette semaine de sensibilisation aux violences faites aux femmes, il n’est pas inutile de se pencher sur la conquête de leurs droits en France sur le temps long. L’enseignante-chercheuse Mathilde Larrère en a tiré un livre « On s’est battu.es pour les gagner » présenté le 16 novembre dernier aux Temps Modernes à Orléans.
Par Sophie Deschamps.
La venue de Mathilde Larrère à la librairie Les Temps Modernes était à l’initiative du collectif Féministes en tous genres 45. L’enseignante-chercheuse, spécialiste des mouvements sociaux en France au XIXe, a présenté son livre On s’est battu.es pour les gagner, histoire de la conquête des droits en France devant une assemblée fournie, majoritairement mais pas exclusivement féminine.
L’intersectionnalité comme outil de recherche
Arborant fièrement un tee-shirt noir « Fuck Patriarcat » (vendu notamment au FRAC à Orléans, NDLR), Mathilde Larrère a répondu aux questions d’Hélène, coprésidente de ce collectif. Spécialement sur le côté intersectionnel de l’ouvrage, puisque ces droits englobent de nombreux domaines : travail, santé, sexualité, citoyenneté, politique, économie, immigration…
Un outil de recherche très utile en Histoire pour elle « car il permet de faire attention aux discriminations croisées, cumulatives… Par exemple, le premier article de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dit : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Si j’utilise une approche intersectionnelle, et les femmes alors ? Donc il faut faire très attention lorsque l’on fait l’histoire des droits parce que ces droits ne sont donnés qu’à une catégorie dominante. Il faut en fait regarder à quel moment ces droits deviennent universels, c’est-à-dire valables pour tout le monde. C’est militant, l’intersectionnalité. Mais c’est avant tout un désir d’aller au plus près de la complexité et de la vérité en Histoire ».
Ces droits, les femmes ont dû aller les chercher en faisant souvent preuve d’originalité car absentes de l’espace public. « Les femmes sont présentes dans les luttes ouvrières des travailleuses mais interdites de syndicats, donc moins visibles. Du coup, elles inventent des formes de mobilisation pour exister à côté d’un mouvement social très masculin. », rappelle Mathilde Larrère.
Des actions originales pour se faire remarquer
Concernant le droit de vote, elle cite alors Louise Weiss : « Elle va multiplier dans l’entre-deux-guerres les coups d’éclat pacifiques et drôles. Notamment en distribuant des chaussettes aux sénateurs, hostiles aux suffragettes, en leur assurant que les femmes vont continuer à les repriser même après avoir obtenu le droit de vote. Du coup, les journaux les suivent. Elles se retrouvent même dans les actualités diffusées avant le film dans les cinémas. C’est le même genre d’idée quand, en 1970, une poignée de femmes du MLF dépose une gerbe sous l’arc de triomphe à l’intention de celle qui est encore moins connue que le Soldat inconnu : sa femme ».
Au sujet de la grande diversité des mouvements féministes, Mathilde Larrère estime que c’est une chance et non un handicap car « cette pluralité permet à chacune de trouver sa place ».
Quand enfin, on lui demande quel message elle veut faire passer, elle s’exclame : « Organisez-vous ! Syndiquez-vous ! Ne restez pas toutes seules ! » Puis reprenant ce slogan de 2023 : « À la fin on va gagner ! Donc si on ne gagne pas… c’est que ce n’est pas fini ! » D’où la grande manifestation prévue le 25 novembre à 18h à Orléans et qui partira de la préfecture de Région.
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