En cette fin d’année Magcentre vous emmène visiter quelques expositions parisiennes dépaysantes : des fous vus par les artistes de la fin du Moyen Âge, à la bombe atomique, autre folie majeure de l’humanité, aux zombis d’Haïti, en passant par les sculptures de l’artiste Barbara Chase-Riboud disséminés dans huit musées parisiens. Voyage en étrangeté #2.
Par Bénédicte de Valicourt.
« L’âge atomique »
Bruce Conner Bombhead, 2002
Artwork Location : Museum of Modern Art (MoMA), New York, USA
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Alors qu’avec la guerre à nos portes, la peur d’une explosion nucléaire revient, le musée d’Art Moderne de Paris nous rappelle combien l’atome a bouleversé le destin de l’humanité et marqué les artistes. Des pionniers de l’abstraction, comme Kandinsky et Hilma af Klint, inspirés par les premières découvertes sur l’atome et la radioactivité au début du XXe siècle, à la terreur de la fin du monde après l’explosion de Nagasaki et Hiroshima en 1945, à l’invasion de la planète par les industries nucléaires, les plus grands artistes se sont emparés du sujet. Ils en ont cependant proposé des lectures très différentes comme le montre les 250 œuvres exposées (peintures, dessins, photographies, vidéos et installations), ainsi que la documentation souvent inédite et parfois un peu trop foisonnante. Du coup, on s’y perd un peu, mais il faut passer outre et prendre son temps pour admirer les artistes souvent majeurs, serrés les uns contre les autres. Certains semble-t-il tenus à une neutralité esthète et à une fascination pour les mondes inconnus révélés par la physique, d’autres par contre ont préféré représenter l’irruption du tragique, comme Luc Thuymans ou Barnett Newman (1905-1970), pour ne citer qu’eux. C’est riche et il y a là de quoi méditer mais surtout comprendre l’enchaînement des événements scientifiques, politiques, culturels et artistiques et l’invasion de la planète par les industries nucléaires qui ont façonné notre « Âge atomique ».
Le catalogue de l’exposition, comprenant de nombreux essais de spécialistes (philosophes, historiens de l’art et de l’architecture, historiens des sciences, etc.), explore le sujet sous les trois angles de l’art, de la science et de la politique. Il donne aussi la parole à des artistes et écrivains contemporains et rassemble une documentation et une iconographie largement inédites.
www.mam.paris.fr
Photo d’une : Charles Bittinger Late stage of Baker 1946 Huile sur toile Naval History and Heritage Command ©Photo : Navy Art Collection, Naval History and Heritage Command
« Zombis. La mort n’est pas une fin ? »
Qui sont les zombis, ces corps sans âme du vaudou haïtien ? D’où viennent-ils ? Réponse au musée du quai Branly qui avec cette petite exposition passionnante plonge aux racines anthropologiques de la zombification et du vaudou haïtien. On y apprend que tout cela n’est pas de la sorcellerie, mais bien une religion structurée en sociétés secrètes, dont celle des Bizango. Ceux-ci sont chargés des questions de justice, et donc de la zombification d’individus jugés coupables de forfaits et condamnés à errer comme des morts-vivants. Des pratiques toujours en cours.
Bizango musée du quai Branly@Thierry Olivier Michel Virtago
Mieux vaut avoir le cœur bien accroché pour regarder les yeux dans les yeux les fétiches bizango, drapés de tissu noir et rouge, de taille humaine et aux yeux en miroir. Ou pour longer la reconstitution d’un temple vaudou grandeur nature, ainsi que le cimetière. Les fans de Vaudou (1943), de Jacques Tourneur, tourné à Haïti, ou ceux des zombies hollywoodiens et mondialisés, contagieux et gore, qui transmettent leur état par morsure, à partir de La Nuit des Morts-Vivants (1955), de George Romero, apprécieront particulièrement et pourront tout comprendre sur ce phénomène qui a essaimé dans l’imaginaire collectif mondial pour finir par s’épanouir dans la culture populaire, dans des films, des séries (Walking Dead, 2010), des chansons (Thriller de Michael Jackson ; Zombie des Cranberries), des bandes dessinées, des jeux vidéo et des manifestations comme les Zombies Walks, aux côtés des fantômes et autres vampires, pour en faire une figure effrayante, symbole de la mort contagieuse. L’emprise des ténèbres (1988), basé sur les travaux de l’ethnobotaniste canadien Wade Davis et du biochimiste haïtien Max Beauvoir, illustre en fin de parcours ce renouveau du zombi haïtien.
www.quaibranly.fr
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