Trois amies s’interrogent sur le sens de l’amour

Emmanuel Mouret réunit dans son dernier film un très beau casting pour s’interroger sur ce qu’est l’amour. Les relations vont et viennent mais n’arrivent pas à construire une danse prenante. Heureusement, les actrices sauvent cette petite musique qui reste en mode très mineur.

Joan (India Hair) et son mari (Vincent Macaigne). Photo Pascal Cjhantier.



Par Bernard Cassat.


Les trois amies du titre, ce sont deux professeurs et demi, la troisième n’étant que remplaçante occasionnelle et aussi gardienne de musée. Trois trentenaires dont deux vivent en couple et la troisième papillonne notamment avec des hommes mariés. Et particulièrement avec le compagnon de sa meilleure copine.

Autour de ce trio, Emmanuel Mouret construit un marivaudage très fréquent dans le cinéma français. Il est question de l’amour et du désir, de l’absence d’amour ou plutôt de sa fin, du mensonge à l’autre et à soi-même. De la violence amoureuse et de celle de la rupture, de la culpabilité et des reproches, des attentions à l’autre et des blocages personnels. Est-ce qu’on aime autant que l’autre nous aime, est-ce qu’on aime différemment, quelle est la part d’admiration, de respect dans l’amour, qu’est-ce qu’il y a en plus ?

Les trois amies au musée (Sara Forestier, Camille Cottin et India Hair). Photo Pascal Chantier.


Ces marivaudages se déroulent dans un monde très poli. Les protagonistes ne cessent de s’excuser, de se dire merci, de s’accuser de torts multiples, de prendre sur eux les moindres anicroches. Pour atténuer la peine de l’autre, pour accepter les différents, pour que la raison domine les sentiments. Le monde dans lequel elles évoluent est lui aussi très policé, les élèves sont gentils et disent bonjour, les autres profs sont très attentifs. Ce qui n’empêchera pas le mari de Joan de ne pas supporter l’éloignement de sa femme, la rupture qui le fera boire et se tuer en voiture.

Et ça arrive assez tôt dans le film. D’ailleurs, c’est lui, c’est le mort qui raconte le film. Car Mouret a mis en place un dispositif narratif très littéraire de commentaire d’un personnage, le mort en l’occurrence, qui intervient à certains moments. Nostalgie de la Nouvelle vague, réminiscences de Rohmer ? C’est un peu artificiel et on s’en serait passé.

Une discrète mise en scène très élaborée

Mais Mouret n’insiste pas, restant dans une discrétion de scénario comme de réalisation qui masque le travail pourtant très présent. La mise en scène assez riche fait évoluer les personnages dans des appartements avec un jeu subtil de recadrages. Les portes dessinent un écran vertical dans l’écran horizontal, les couloirs font disparaître les personnages derrière des pans de mur. Les jeux de révélations entrecoupées de non-dits se voient à l’image. Même au lycée, où il y a plus de monde dans les couloirs, l’œil est sollicité pour suivre les personnages.

Joan et son possible nouvel amoureux (Damien Bonnard). Photo Pascal Chantier.


Mouret montre ce dont il parle, parle de ce qu’il montre, mais surtout remplit son film de choses qui ne sont pas montrables. Sinon sur les visages, dans les yeux, dans les attitudes, par le langage du corps. Réalise donc un film d’acteurs. Et là, le casting est impeccable. Les trois actrices sont formidables, et les hommes qui vont avec aussi. Camille Cottin pétille de malice en devenant amoureuse de son mari, Sara Forestier explose dans ses formes comme dans son énergie. Quant à India Hair, rôle pivot du film, elle est tour à tour dans l’immédiate légèreté puis dans la profonde réflexion. Son regard clair et direct dit autant son insouciance presque enfantine alors que la femme mûre et inquiète se profile en elle. Visage lisse qui maitrise ses questionnements, India domine le film avec brio. Les hommes sont tout aussi brillants pour donner la réplique, notamment Vincent Macaigne en mari amoureux puis mort mais toujours aussi amoureux.

Sara Forestier et Camille Cottin. Photo Pascal Chantier.


Mouret nous chante une petite musique très au point autant visuellement que sentimentalement. Son propos pourtant intéressant reste fade tant il est raboté. Chaque fois que l’un des personnages a une révélation à faire, il y prend de telles précautions, ou se range tellement vite sur la réaction de l’autre, que tout tombe à l’eau… et notre intérêt aussi. Il n’y a pas de suspens, même pas de surprise. Sans que l’on s’attende à ce qui se passe, rien n’étonne. Reste le plaisir d’actrices bien filmées dans des images bien construites. Mouret, à l’instar du visage d’India Hair, reste à la surface lisse des choses et n’arrive pas à transformer son discours en véritable expression, malgré les belles formes qu’il y met.


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