La Compagnie de la Petite Elfe et son Directeur artistique Frantz Herman, présentaient « Agnès de Dieu » à l’espace George Sand de Chécy, ce jeudi 7 novembre, pièce de l’auteur américain John Pielmeier d’après un fait divers réel. Réussite absolue qui témoigne de la qualité artistique des Cies professionnelles pour peu qu’on veuille bien les programmer dans les théâtres municipaux !
Par Bernard Thinat.
Quand Frantz Herman découvre le texte de la pièce « Agnes of God » en anglais, il recherche en vain la traduction en français. Il s’emploie alors à traduire la pièce avec la ferme intention de la mettre en scène après en avoir obtenu les droits de l’auteur. Ce qui est chose faite et aboutie avec la création théâtrale en ce 7 novembre.
En prologue, référence est faite au film « le Roman de Marguerite Gautier » de George Cukor avec Greta Garbo, adapté de « La Dame aux camélias », l’actrice sur scène espérant une « dernière bobine » qui viendrait clore le film sur une fin heureuse, fin qu’elle sait ne pas advenir. On pense alors qu’il en sera de même une heure trente plus tard.
La psy Vicky Lourenço à gauche et la “mère supérieure” interprétée par Martine Héquet – Photo Thibault Domenici
Comment parler de la pièce sans en dire trop ? Nous sommes dans un couvent. Une jeune nonne a accouché dans sa cellule et le bébé est retrouvé mort étranglé dans une corbeille sous le lit de la nonne, laquelle ne se souvient apparemment de rien. La police est appelée. Un juge délègue une psychiatre au couvent pour démêler l’affaire, car toute une série de questions se pose : qui est le père (les hommes n’étant pas légion dans ce milieu clos) ? La grossesse de la jeune nonne était-elle connue au couvent ? La nonne était-elle consciente de sa grossesse ? A-t-elle accouché seule, ou quelqu’un était-il (elle) présent(e) dans la cellule lors de l’accouchement ? Qui a tué le bébé ? Avec une question subsidiaire : ou la nonne est folle, auquel cas elle serait internée, ou criminelle, et ce serait la prison, ou pire ?
La psychiatre rencontre tour à tour la mère supérieure du couvent, puis Agnès, la jeune nonne. Elle s’emploie à faire jaillir la lumière, non pas celle qui vient du ciel, lumière divine, mais la vérité terrestre, celle des faits. Face à l’opposition de l’une, le dialogue impossible avec l’autre, elle va utiliser divers stratagèmes afin de s’approcher de la vérité. Séances de psychanalyses, qui révèleront les identités des unes… et de la psy prise à son propre jeu.
Dans le rôle d’Agnès, Sarah Bluchet Houari révèle une jeune comédienne pleine de talent, aux côtés de sa « mère supérieure » interprétée par l’Orléanaise Martine Héquet qui en impose de toute son autorité pour cacher la vérité à la psy, rôle dans lequel excelle Vicky Lourenço, actrice aux multiples qualités, bien connue sur la métropole orléanaise.
Avec la jeune nonne, Sarah Bluchet Houari – Photo Thibault Domenici
Vicky Lourenço, repérée par Frantz Herman le metteur en scène lors d’une lecture de contes, et qui, avoue-t-elle, se prépare durant une heure afin d’investir totalement le rôle de la psy, est exceptionnelle sur le plateau, tant elle est pénétrée par son personnage, durant une heure trente sans jamais quitter la scène de théâtre. Sacrée performance dans une « mise en scène minimaliste » voulue par Frantz Herman et reposant sur l’interprétation des trois comédiennes. « Pièce presque philosophique, confie le metteur en scène, où le spectateur est à l’intérieur du procès en tant que juré, qui en dehors de ses propres convictions religieuses, en faisant abstraction de ses propres préjugés par rapport à la religion, peut réagir en tant qu’être humain face à une telle enquête ».
Représentation unique en ce jeudi ! Sans doute, encore que rien n’est acté, la pièce se rejouera au cours de la saison 25/26 en métropole orléanaise, là où la Compagnie a été accueillie en résidence. Ainsi en va-t-il de la vie des artistes professionnels, quand des mois de travail pour un spectacle aussi fort, aussi abouti, se concluent par si peu.
Plus d’infos autrement sur Magcentre :
Que voir au théâtre en Région lors de ces deux derniers mois de 2024 ?