Louise Jallu viendra présenter son dernier album “Jeu” en quintet à la Scène nationale d’Orléans mardi 5 novembre. Magcentre lui a posé quelques questions autour de cet instrument étonnant et assez rare. Entretien.
Louise Jallu au bandonéon. Photo Louise Jallu Prod
Propos recueillis par Bernard Cassat
Magcentre : Comment est venue l’attirance pour le bandonéon ?
Louise Jallu : Ma sœur en jouait au conservatoire de Gennevilliers. Elle m’a mis très tôt l’instrument sur les genoux. Et voilà, suite à cet amour commun, nous avons étudié ensemble au conservatoire, dans la prestigieuse classe de bandonéon, qui existe toujours et ou j’enseigne aujourd’hui.
Vous êtes tombée assez vite sur le tango ?
Bien sûr. Le bandonéon est un des instruments phares du tango. J’ai appris le répertoire dans lequel cet instrument était le plus développé. Donc j’ai étudié de long en large toute la culture argentine, avec beaucoup de plaisir. Elle est très riche d’enseignement. Donc la période du conservatoire a été en partie consacrée au tango, et aussi à la musique classique, aux transcriptions de musique baroque. Parce que, au bandonéon, on peut jouer des thèmes de Bach, Scarlatti ou autres.
C’est le son de cet instrument qui vous a retenue, sa proximité avec le souffle humain ?
Oui. En fait, c’est ce rapport à l’instrument, au soufflet. Il est très intime.C’est une expression infiniment précise et minutieuse à travers le souffle. Et le souffle, c’est aussi la vie, tout simplement. On respire avec cet instrument. Je dis souvent que c’est un peu comme des poumons. Je respire à travers lui.
Il y a un très beau dialogue avec Mederic Colignon au bugle (ici). Vous êtes assez proches ?
Ce sont des timbres qui vont bien ensemble. La chaleur du son du bugle et la noblesse du son du bandonéon se marient très bien. C’était formidable avec Médéric.
Vous composez tous les morceau du groupe ?
Tout est très écrit. Je collabore avec le compositeur Bernard Cavanna pour tous les arrangements, depuis mon premier album. C’est un père musical pour moi, j’ai appris à ses cotés l’analyse et la compo. Une fois que les arrangements sont aboutis, je donne les partitions aux musiciens. C’est très clair déjà dans ma tête. Je leur laisse des ouvertures, mais la plupart de la partition est déjà écrite.
Et vous avez besoin d’un point de départ, un standard, un thème écrit par un autre?
Oui. Ça été le sujet de mon précédent album sur Astor Piazzola. Il était question de prendre un de ses thèmes et d’en faire ce qu’on veut, dans le type de démarche des musiciens de jazz. Dans ce nouvel album, il y a des classiques, Schumann, Brassens même. Pousser encore plus loin le sujet et s’en emparer pour en faire un nouvel objet. Le thème original est recontextualisé, et on joue avec.
Photo Louise Jallu Productions
Mais besoin d’un thème déja existant ?
J’aime bien m’amuser de cette manière, j’aime beaucoup ce procédé. Mais j’ai aussi des compos originales totalement personnelles qui n’empruntent à personne…
Michel Portal qui joue avec vous parle de « musique éternelle ». C’est le sens de votre démarche? Emprunter au passé, mélanger, recréer ?
J’espère qu’elles seront éternelles, ces musiques qui me touchent. Mais oui, c’est la frontière entre le passé et le présent, ce point de chevauchement qui m’intéresse le plus. Lors d’une résidence à la villa Médicis ou je commençais à travailler sur cet album, le mélange des vielles pierres avec l’urbanité d’aujourd’hui m’a beaucoup impressionnée et beaucoup émue. C’est cela que je voulais ressortir.
Vous essayez de rassembler énormément d’influences très diverses ?
Oui. Faire la musique la plus singulière possible et amener cet instrument, le bandonéon, là ou on ne l’attend pas. Avec toute l’histoire qu’il porte en lui.
C’est un instrument récent ?
Oui. Créé autour de 1850. Avec une grande évolution, il a été amené en argentine ou il a brillé…
Très différent de l’accordéon ?
Oui, les différences sont importantes, les claviers n’ont rien à voir. Le bandonéon a un ordonnancement de touches propre. Et un son et un timbre singulier.
Pourquoi le titre Jeu à votre dernier album ?
Pour moi, c’est se jouer,se jouer des dogmes, se mettre en jeu. C’est aussi un lien à l’enfance, prendre des objets et jouer avec dans son propre imaginaire. Ça me parlait beaucoup. S’amuser avec les grands compositeurs, Ravel, Debussy…
Louise Jallu Quintet
Salle Barrault
Scène nationale d’Orléans
mardi 5 novembre, 20h30
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