Nous avions consacré plusieurs articles au licenciement d’Abdelkader Damani par la présidente du FRAC Centre-Val de Loire, Carole Canette. Nous mettions en cause, tant la procédure retenue pour tenter d’habiller juridiquement une décision qui paraissait écrite d’avance, que les motifs invoqués pour justifier ce licenciement sur la base d’un rapport d’enquête établi par un cabinet d’avocats habituellement prestataire de services du Conseil régional dont Carole Canette est vice-présidente. Cette désignation laissait peser beaucoup de doutes sur l’impartialité de l’enquête qui pouvait paraître diligentée depuis la rue Saint-Pierre-Lentin.
Par Patrick Communal.
L’insuffisance professionnelle finalement retenue pour asseoir le licenciement masquait l’incapacité des « enquêteurs » à établir l’existence d’une quelconque faute professionnelle mais elle facilitait la tâche des avocats d’Abdelkader Damani, en fonction depuis huit années et dont le contrat avait été reconduit sans difficultés par le Conseil d’Administration du FRAC. On trouvait à l’origine de la mise en mouvement de la procédure disciplinaire, une altercation verbale entre le directeur du FRAC et un cadre administratif qui avait saisi la présidente Carole Canette, laquelle, refusant d’entendre préalablement les arguments d’Abdelkader Damani avait décidé sa suspension avant de procéder à ce licenciement. Le Tribunal Administratif d’Orléans vient de rendre un jugement en date du 8 octobre 2024 annulant le licenciement.
Les motifs de la décision du juge
Les motifs de la décision du juge rendent justice à Abdelkader Damani en procédant à un examen critique des justifications invoquées par l’employeur. Le juge relève notamment qu’il ressort des auditions que les tensions existant au sein du personnel de l’établissement étaient essentiellement dues aux dissensions opposant Monsieur Damani à Monsieur C. en précisant que ce dernier avait pu, à de nombreuses reprises, faire montre d’un manque de discrétion et de délicatesse susceptible d’entraver la bonne marche de l’établissement. Une réunion de chefs de service du 7 mars 2022 mentionne que « le directeur résume qu’il y a un problème dans la manière d’être de (C.) par rapport à la façon d’être des autres chef.es de service. C’est une mauvaise ambiance qui crée de la négativité ». Dès lors, si le FRAC connaissait un taux de rotation du personnel supérieur aux moyennes nationales, le juge suggère qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance serait exclusivement imputable à la gestion de Monsieur Damani.
Le tribunal note par ailleurs que les attestations d’anciens salariés du FRAC produites par l’employeur sont antérieures à la reconduction du contrat de Monsieur Damani et qu’elles avaient été portées à la connaissance de la présidente du Conseil d’administration sans susciter d’intervention des autorités de tutelle. Si l’employeur soutient que le directeur du FRAC aurait pris des décisions précipitées sans prise en compte des contraintes administratives ou réglementaires, les seuls éléments tangibles à l’appui de cette affirmation concernent le retrait d’une rampe d’accès après la chute d’un visiteur, l’ouverture exceptionnelle de l’établissement en juillet 2022 après les heures définies par le règlement intérieur, et la remise de 50% accordée en juin 2022 à deux visiteurs pour l’achat d’un livre, ainsi que la distribution non autorisée de tracts sur un marché d’Orléans. Le jugement fait encore justice d’autres arguments mineurs, relève que des décisions défavorables aux salariés avaient, de fait, été proposées par Monsieur C.
S’agissant du positionnement insatisfaisant du directeur vis-à-vis du Conseil d’Administration et de la présidente de l’établissement, le juge observe qu’il ressort des pièces du dossier et des procès-verbaux des conseils qu’aucune difficulté n’a été relevée en ce sens. Quant aux publications d’un magazine régional (Magcentre) et sur les réseaux sociaux en avril 2023 d’une déclaration de Monsieur Damani, relative aux conditions de sa suspension, elles relèvent d’un droit réponse aux propos tenus par la présidente du FRAC.
Demande d’annulation du licenciement et réintégration
C’est sur ces motifs que le Tribunal administratif d’Orléans déclare qu’en estimant que le licenciement du requérant était justifié par son insuffisance professionnelle, la présidente du FRAC a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation et que Monsieur Damani est fondé à demander l’annulation de celle-ci. Pour les fonctionnaires et agents publics, l’annulation d’un licenciement par la juridiction administrative ouvre ipso facto droit à la réintégration dans l’emploi, mais au moment où il a déposé sa requête devant le Tribunal administratif d’Orléans, Abdelkader Damani, profondément blessé par la manière dont il avait été traité, n’envisageait pas de demander une réintégration. D’autant qu’il venait d’accepter une mission en Arabie Saoudite aujourd’hui achevée. Les circonstances ayant changé, le Directeur du FRAC a écrit à Carole Canette pour demander sa réintégration. Cette dernière vient de la refuser en exposant que le jugement d’annulation par le tribunal est intervenu à une date où le contrat d’Abdelkader Damani était arrivé à expiration. Elle se fonde à cet égard sur une interprétation qu’on peut estimer quelque peu biaisée d’un arrêt du Conseil d’état en date du 11 décembre 2000 qui avait refusé la réintégration en raison de la date à laquelle intervenait cette demande mais en la circonstance, il s’agissait d’un emploi politique de cabinet d’un Maire et le Maire n’étant plus en fonctions, le cabinet n’avait plus d’existence, le contexte est différent pour le FRAC qui est une institution pérenne. Par ailleurs pendant la mesure de suspension, puis après le licenciement, le contrat de travail a été par définition suspendu et n’a pu, de ce fait, arriver à échéance. L’argumentaire de Carole Canette parait une fois de plus bien fragile au regard du contentieux que ne manquera pas d’engager Abdelkader Damani.
Communiqué de M. Abdelkader Damani.
Orléans, le 8 octobre 2024 – Lors de son audience du 24 septembre 2024, le Tribunal administratif d’Orléans a rendu une décision importante annulant celle de la présidente du FRAC Centre-Val de Loire, rejetant toutes les conclusions qui invoquaient une prétendue insuffisance professionnelle. Le FRAC Centre-Val de Loire est en outre condamné aux dépens.
Cette décision met en lumière le caractère inique et diffamatoire de l’action initiale prise par la présidente à l’encontre de M. Damani. En raison de ce licenciement abusif, M. Damani avait été contraint de s’expatrier pour exercer sa profession à l’étranger, éloigné de sa famille et de ses proches.
Désormais rétabli dans son intégrité professionnelle et personnelle, M. Damani exprime son souhait de revenir en France et de retrouver sa famille. Il demande également à être réintégré dans ses fonctions de Directeur de l’EPCC FRAC Centre-Val de Loire, poste dont il avait été injustement écarté.