« Fario », un premier film bien ficelé

Pour son premier long métrage, Lucie Prost a mélangé dans un lieu bien identifié de terroir français des thèmes à la mode. Elle a secoué et il en ressort un film bien fait, superficiel mais agréable. La jeune équipe devant et derrière la caméra réussit un coup d’essai qui, sans être de maître, tient bien la route.

Le retour à la ferme. Photo Folle Allure – Yukunkun.



Par Bernard Cassat.


L’histoire est assez simple. Un jeune ingénieur vivant à Berlin est obligé de revenir sur sa terre natale à Ornans dans le Doubs pour vendre les terrains de son père décédé. À partir de ce fil ténu, Lucie Prost a rassemblé, pour son premier long métrage, un certain nombre de thèmes très à la mode ces temps-ci. La nature, en premier lieu, qu’elle filme magnifiquement, ces paysages de la vallée de la Loue et de ses sources remarquables. La forêt, les falaises comme sur les tableaux de Courbet, la rivière sauvage et qu’on dirait encore intacte. Mais qui, dans l’histoire, ne l’est pas.

Le thème de l’écologie

Parce que la scénariste réalisatrice introduit les méchants pollueurs masqués. On ne les voit jamais, mais ils creusent très profond, sans doute par la méthode de fragmentation, pour vérifier les possibilités de métaux rares avant achat des terres. Ce qui bien sûr va poser un problème à Léo, biologiste chevronné qui constate assez vite un drôle de comportement des farios, ces truites de rivière qui peuplent depuis des générations la Loue.

Léo et sa mère. Photo Folle Allure – Yukunkun.


Déjà les autres propriétaires refusent de vendre. Les autres, ce sont la famille de Léo et ses anciens copains. Il retrouve tout ce groupe, son cousin homo (évidemment !) qui a repris la ferme du père, ses anciennes amours. Soirées de discussions un peu alcoolisées, quelques fumettes et surtout barbecues autour du feu. Léo retrouve aussi sa petite sœur en pleine pré-adolescence, malicieuse et rigolote. Sa mère, agricultrice veuve qui joue du Shakespeare dans un théâtre amateur, où elle a rencontré un nouveau chéri.

Thèmes croisés

Et puis les truites, les farios, qui font bloc contre les humains. Dans des images assez belles, naturelles et/ou trafiquées, elles forment de grands cercles dans l’eau de la Loue, et pour l’épilogue, entraineront Léo dans leur monde aquatique. Comme Ophélie du même Shakespeare, il glisse nuitamment dans la Loue, mais un bras vigoureux le sort de là.

La confrontation avec les truites. Photo Folle Allure – Yukunkun.


Tous ces thèmes qui se croisent paraissent artificiels. Certains sont vraiment anecdotiques (la petite sœur qui joue à être embêtée par un pédophile). Rien n’est réellement approfondi. Le thème écolo n’ira pas loin non plus. Une remarque en fin de film annonce une prochaine ZAD. Il fallait que le mot soit dit. Le film reste à la surface de la Loue comme des problèmes soulevés. Lucie Prost s’amuse à compliquer les personnages sans donner de clés, mais surtout sans raison apparente. Léo est dans une phase d’échec sexuel, les truites n’attaquent jamais vraiment, madame la maire fait du rentre-dedans, on se demande pourquoi. Mais c’est plutôt amusant. L’évocation rapide du suicide du père paysan est en revanche vraiment en trop.

Une équipe formidable

Et pourtant tout tient sur l’écran, parce que l’équipe est formidable. Finnegan Oldfield en Léo crève l’écran. Son naturel et sa tenue à l’image font merveille. Megan Northam en Camille, l’amour de jeunesse qui deviendra sans doute amour à venir, retient son jeu dans une présence très efficace. Florence Loiret Caille, magnifique mère de Léo, aurait pu faire partie du groupe d’anciens amis. Qu’elle saute de génération – ce qui passe plutôt mal à l’écran – prouve aussi la jeunesse de l’équipe.

Les rendez-vous du soir. Photo Folle Allure-Yukunkun.


Ce film flirte avec trop de thèmes, mais flirte surtout avec le cinéma. On sent une terrible envie d’en faire, de construire des séquences plaisantes et réussies, de nager dans le courant du ciné comme Léo dans celui de la Loue. C’est un travail extrêmement sympathique, bien fait par une équipe au point. On passe sur le manque de profondeur parce que tout s’enchaîne assez vite, comme dans un film réussi. Et on se laisse aller dans le plaisir de ces personnages amusants, vivants, actuels, représentatifs. Travail d’une nouvelle génération de cinéastes, Fario, film de femme qui ne le met pas en avant, s’inscrit dans la veine assez française de films légers et actuels qui montrent le monde sans jugement. C’est très reposant et agréable. Et finalement assez réussi pour un premier film !


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Commentaires

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  1. Que d’ennuis…
    Il faut dire que le pauvre Léo n’a pas de chance, il ne bande plus, il est accro à la coke,son père s’est sucidé, sa mère fait du théatre, sa copine de jeunesse s’est barrée avec son cousin homosexuel, sa soeur est chiante, et surtout il assiste en direct à la mutation de la truite fario en carpe koï, le tout servi par des acteurs(trices) aussi crédibles dans ce film que Kate Winslet en Lee Miller. Léo ressemble beaucoup physiquement à Guy Drut version JO dommage de ne pas lui avoir fait courrir un 110 mètres dans la forêt celà aurait pu donner un intérèt au film…
    Pas d’inquiétudes, Léo retrouve ses fonctions érectiles à la toute fin du film, ouf…

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