Pour son roman « Il ne se passe jamais rien ici », Olivier Adam a quitté les bords de mer bretons et les paysages du Japon. Les protagonistes sont chez eux, sur les rives du lac d’Annecy, en un huis clos à ciel ouvert, autour d’un féminicide. Pas de déracinement, mais toujours autant de solitude. L’auteur est en train d’adapter ce roman en une série, destinée à une plateforme.
Depuis 25 ans, Olivier Adam explore les paysages intérieurs de ses personnages, malmenés par la vie – photo Pascal Ito © Flammarion
Encore une fois, les paysages occupent une place phare dans ce roman. Dans quelle mesure influent-ils sur l’intrigue ?
En général, quand j’ai le lieu, j’ai le livre. Un lieu est une manière très singulière d’être traversé par l’époque et la société. Ce n’est pas la même sociologie, pas la même lumière, pas le même décor et pas la même vibration à Montargis, à Clichy-sous-Bois, sur l’île de Groix ou en Ardèche. On ne racontera pas la même histoire. En même temps, dans un lieu où – paraît-il – « il ne se passe jamais rien », la violence, les inégalités, les injustices, les failles, y compris sous le vernis des grandes propriétés : tout est présent de manière universelle et collective. Mon travail se joue sur cet entre-deux, dans la spécificité de chaque lieu.
Dans quelle mesure ces lieux influent-ils sur les tempéraments des personnages ?
La topographie très particulière du lac d’Annecy fait que vous êtes encerclé par les montagnes. Ce lac est d’une beauté cinégénique dingue, avec une eau transparente, mais dont vous ne voyez pas le fond : que peut-il cacher ? Ce village de carte postale, rutilant, rupin, où peut se cacher ce qui peut se cacher partout, notamment derrière les grandes façades des apparences, des clans, des familles. D’emblée, quelque chose vient du lieu. Dans ce livre, beaucoup de personnages se positionnent par rapport à ce lieu et à la malédiction – ou à la bénédiction – de lui appartenir. Certains vivent comme une prison d’y être si attachés : ils sont tellement définis par ce lieu qu’ils se sentiront perdus partout ailleurs. D’autres, au contraire, revendiquent leurs racines. D’autres encore se retrouvent sommés d’y être enracinés, alors qu’on n’est pas toujours attachés au lieu d’où l’on vient.
Olivier Adam, en dédicace à la librairie du Hérisson, à Montargis – photo Izabel Tognarelli
En général, à la fin de vos romans, il reste une part d’espoir ; une porte qui reste ouverte, parfois sur quelque chose que l’on ne sait pas, mais qui laisse la possibilité d’imaginer. À la fin de ce roman, quelle est la part d’espoir ?
Dans ce livre-là, il est question d’un féminicide, mais aussi d’emprise et de violences sexuelles. C’est vrai qu’à la fin de ce livre, je suis au ras du réel : globalement, les mecs s’en sortent, et c’est dégueulasse. Margaux représente l’espoir. Elle est celle qui a le pouvoir de tout faire exploser ; la représentante de la nouvelle génération, une jeune fille de demain. Si quelqu’un doit mener ce combat, ce sera elle. De la même façon, le fils de Benoît sait que ça ne va pas plaire à son père qu’il soit gay, qu’il n’ait pas les mêmes ambitions et qu’il aime bien son oncle, alors que c’est le repoussoir de la famille, y compris en tant que modèle masculin. Delphine, sœur d’Antoine et Benoît, ne va pas non plus en rester là.
Vous êtes en train d’écrire l’adaptation de ce roman en une série destinée à une plateforme. Qu’en est-il ?
J’ai l’habitude d’écrire pour le cinéma d’auteur, dans lequel on est assez libre : on fait une proposition ; elle est prise ou non. Pour la télévision et les plateformes, ça ne fonctionne pas comme ça : ils paient tout et veulent être sûrs de faire une certaine audience. La fin de ce roman est très problématique pour eux. La seule solution que je vois pour ne pas me perdre et pour que ça leur convienne, c’est d’éclairer la grenade – pour reprendre l’expression de Clara Luciani – que Margaux et Delphine ont dans la main, en une alliance du féminisme d’hier et de celui de demain. Il faut arrêter de se foutre sur la gueule entre les générations de féministes.
Propos recueillis par Izabel Tognarelli
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