Le 11 octobre 2024, l’Assemblée des femmes et la Fondation Jean Jaurès ont publié une enquête d’opinion analysant le vote des femmes aux dernières élections européennes et législatives ainsi que leurs préoccupations et leur perception du féminisme. Une étude lue attentivement par Danièle Bouchoule, responsable de l’antenne Elles aussi Loiret et Centre Val de Loire.
Danièle Bouchoule, responsable de l’antenne Elles aussi Loiret et Centre-Val de Loire. Photo SD
Propos recueillis par Sophie Deschamps.
Danièle Bouchoule, quels éléments vous ont frappé en lisant les résultats de cette grande enquête conjointe de l’Assemblée des femmes et de la fondation Jean Jaurès ? (voir encadré)
Ce qui m’a frappée c’est tout d’abord que les questions économiques et sociales sont de très fortes préoccupations chez les femmes. D’autre part, c’est que l’adhésion au féminisme est majoritaire dans l’opinion. En revanche, il y a de très grandes différences entre les sexes et les générations.
Est-ce que ces préoccupations sociales et économiques se retrouvent dans le vote des femmes ?
Alors, dans les urnes c’est assez disparate parce que l’enquête révèle que 31% des femmes ont voté à parts égales à gauche et à l’extrême droite. Cela est selon moi révélateur des difficultés financières des femmes mais dont les solutions ne sont pas perçues comme venant d’un seul parti.
En revanche concernant le féminisme, parmi les 39% de Français qui se disent non féministes, beaucoup votent à l’extrême droite, femmes et hommes confondu.es.
Cela veut-il dire, toujours selon vous, que les femmes ne font pas confiance aux partis politiques ?
Oui. Mais ce qui m’inquiète c’est le tableau du ressenti des femmes vis-à-vis des partis politiques. On y lit en effet que 45% des femmes ne font confiance à aucun parti politique pour avancer vers davantage d’égalité femmes-hommes. Cela devrait interpeller évidemment tous les partis politiques.
Ainsi, seules 28% des femmes interrogées font confiance à la gauche pour régler leurs problèmes. Cela montre qu’en France nous manquons encore, comme le fait l’Espagne, de moyens financiers pour mener une véritable politique égalitaire entre les femmes et les hommes. Et bien sûr, il ne faut absolument pas compter sur l’extrême droite pour défendre les droits des femmes, ni en France ni dans le monde.
Vous parlez aussi de l’inquiétante percée de la radicalité masculiniste chez les jeunes hommes alors que l’on pourrait s’attendre au contraire ?
En effet, 15% des très jeunes se disent féministes. Mais 15% d’entre eux se disent pas du tout féministes alors que la moyenne des hommes n’est que de 13%. C’est donc un retour en arrière. Certains jeunes pensent même que finalement il est parfois nécessaire d’être violent pour se faire respecter en tant qu’homme dans la société.
Enfin, faites-vous confiance au gouvernement Barnier sur cette question des droits des femmes ?
Justement, l’association “Elles aussi” a fait une analyse de l’actuel gouvernement. C’est très décevant parce que depuis 2012, il y avait un ministère de plein exercice dédié à l’égalité femmes-hommes et aux droits des femmes. Or, dans ce nouveau gouvernement il y a seulement une secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes en la personne de Salima Saa. C’est un recul vraiment inquiétant.
Enfin, il faut noter que le nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale a reculé de 1% en 2024 mais aussi en 2022. Ce n’était pas arrivé depuis longtemps et ce n’est pas bon signe.
La Fondation Jean-Jaurès et l’Assemblée des femmes ont mené leur enquête auprès de plus de 11 000 personnes par Ipsos, révélant les attentes des femmes en matière de politique, d’égalité de genre et de féminisme.
Trois enseignements majeurs ressortent de cette étude : des attentes fortes sur les inégalités économiques et la sécurité des femmes, une fracture générationnelle et de genre face au féminisme et un enjeu de clivage politique entre la gauche et l’extrême droite concernant les droits des femmes.
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