Réunis le 15 octobre dernier à Orléans, les six présidents de départements de notre région ont vivement critiqué l’effort exceptionnel qui leur est demandé par l’État dans le cadre du PLF 2025. Ils vont agir ensemble pour informer les habitants.
Par Jean-Luc Vezon.
C’est peu dire que le Projet de Loi de Finance 2025 provoque colère et dépit au sein des départements français. On sait que ce projet de loi prévoit une stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales en euros courants (53,5 Md€) mais aussi un effort budgétaire partagé avec les régions et les communes à hauteur de 5 Md€.
« Cette participation sera mise en œuvre au moyen de plusieurs mesures : mise en place d’un fonds de précaution pour les collectivités alimentées par prélèvement sur les recettes des plus grandes collectivités (1), gel à son niveau 2024 du montant transféré de TVA et réduction du fonds de compensation de la TVA », a précisé Marc Gaudet, président du Conseil départemental du Loiret.
Chaque président de département a égrené les conséquences de cette ponction. Philippe Gouet, président du département du Loir-et-Cher évalue le manque à gagner de 13 à 26 M€, « ce qui rendra impossible le maintien des investissements ». Pour le Cher, Jacques Fleury a lancé un cri d’alarme face aux 23 M€ qui manquent : « Pour trouver des économies, nous allons devoir reporter des travaux routiers comme la fin de la rocade de Bourges, baisser le fonds de roulement des collèges et réduire les soutiens au sport et à la culture ».
En bonne santé jusqu’alors, l’Indre devra aussi se serrer la ceinture. Alors que les dépenses sociales pèsent 70 % de son budget de fonctionnement (comme pour la plupart des départements), son président Marc Fleuret a, lui aussi, annoncé une réduction du fonctionnement doublée de l’absence de création de postes.
« Nous n’avons pas de leçon à recevoir de Bruno Le Maire ou Pierre Moscovici. Nous votons des budgets en équilibre. Il y a un paradoxe, l’État nous demande des économies alors qu’on les fait déjà alors même que nous n’avons plus d’autonomie fiscale et financière. Il faut désormais pousser une réforme de la décentralisation », a déclaré de son côté Christophe Le Dorven, président du département d’Eure-et-Loir où les investissements passeront de 140 M€ à 104 M€ en 2025. Dans ce contexte, Nadège Arnault pour l’Indre-et-Loire, redoute la fin de la libre administration des collectivités : « L’État ne compense plus les dépenses transférées (2) ». Et de lancer un appel avec gravité. « Je ne sais pas comment je vais boucler mon budget, il me faut 60 M€ ».
Autre point abordé par le G6, la convention avec la région Centre-Val de Loire. Celle-ci questionne les présidents. « La région nous demande de financer des projets qui ne sont pas dans nos compétences » (Christophe Le Dorven), « Les aides sont difficiles à mobiliser sauf pour les légumeries » (Philippe Gouet). Ces derniers redoutent « une année blanche » et entendent bien en parler avec François Bonneau. Un président de région vivement interpellé par Christophe Le Dorven sur le financement des travaux routiers. « La région ne fait rien pour l’entretien du réseau, pourtant les bus Rémi circule sur nos routes ! ».
Des départements bientôt en faillite ?
Alors qu’en 2023, 14 départements connaissaient des difficultés financières, ils seront une quarantaine cette année à ne pas pouvoir boucler leur budget et près des 2/3 en 2025. « Nous sommes arrivés au bout d’un système. C’est moins le niveau des dépenses qui pose problème que celui de nos recettes et la non-compensation des dépenses par l’État contrairement aux promesses », a dénoncé Christophe Le Dorven en menaçant de mettre fin à la contractualisation pour de nouvelles politiques.
Cette non-compensation s’ajoute à l’explosion des dépenses d’aide sociale : allocations (RSA, APA, handicap), Aide sociale à l’enfance (3) ou Mineurs non accompagnés. Elle est parallèle à la baisse significative des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO), seule recette propre des départements. Après des bases très dynamiques jusqu’à la Covid-19, ce produit régresse fortement à l’image du Cher où les DMTO sont passés de 41 M€ en 2022 à 28 M€ cette année.
En fin de point presse, Philippe Gouet a cependant levé une lueur d’espoir. Présent samedi à Chambord à l’occasion des Journées parlementaires des 60 sénateurs de l’Union Centriste, l’élu, qui est aussi président de la commission Santé au sein de Départements de France, a pu s’entretenir avec le Premier ministre qui s’est engagé à revoir certaines dispositions. Plutôt favorables au nouveau gouvernement, les élus demandent donc de passer des paroles aux actes.
(1) Cela concerne 450 collectivités. Les plus fragiles ne sont pas concernés.
(2) La compensation de couvrir que 40 % du RSA dont les dépenses ont doublé depuis 2004.
(3) En Loir-et-Cher, 22 % des enfants placés ont des troubles psychiques graves.
Une campagne de communication commune
Les 6 Département ont décidé de mener ensemble une campagne de communication commune « Plutôt 6 fois qu’une ! » afin d’illustrer cette prise de position collective. Affichée sur les réseaux d’abribus des départements d’octobre à novembre, relayée dans les magazines et réseaux sociaux départementaux, cette campagne a pour objectif de montrer les valeurs de cet échelon : fédérateur, engagé et proche des habitants. Parler d’une même voix a également l’objectif d’alerter le gouvernement sur les difficultés budgétaires actuelles des Départements et de peser davantage dans les discussions avec les partenaires extérieurs et l’État.
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