« Niki », le premier long métrage de celle que nous connaissons en tant qu’actrice, Céline Sallette, tire le portrait de Niki de Saint Phalle. Ce biopic mené avec brio par Charlotte Le Bon retrace la vie de l’artiste franco-américaine, qui nous a quitté en 2002 et qui reste une artiste emblématique du monde de l’art contemporain, mais également une figure d’un héroïsme au féminin.
Charlotte Le Bon rayonnante dans « Niki ». Copyright Wild Bunch
Par Asmaa Bouamama.
C’est peut-être le rôle qui signe son immense talent d’actrice, Charlotte Le Bon est époustouflante dans la peau de Niki. Tantôt filmée au plus près de ses émotions, de ses démons intérieurs, ou saisie d’une urgence vitale de créer, elle incarne la vie d’une femme mariée, mère de deux enfants, en proie à un mal-être fantôme qui la ronge.
Niki, dans ce film n’est pas encore l’artiste majeure de la fin du 20e siècle, elle est comme en gestation d’elle-même, sur le chemin semé d’embûches d’une renaissance qui l’attend quelque part. L’histoire s’ouvre avec un plan fixe sur Charlotte Le Bon, exceptionnellement maquillée pour cette scène, qui montre l’époque où Niki était mannequin photo. Puis tout le film est un voyage dans la construction de la femme, la mère, l’artiste et l’être humain qui se débat avec ses terreurs entre les murs des hôpitaux psychiatriques où personne ne semble l’écouter. Petit à petit elle deviendra cette femme qui peint à la carabine qu’on voit sur l’affiche du film. L’œuvre est un réel biopic psychologique, presque à suspens parfois tant le personnage est toujours au bord d’un précipice suicidaire, entre la vie et la mort psychique. Elle choisit toujours les couleurs de la vie.
De la folie au fusil
C’est aussi l’histoire d’une femme qui tente de se faire une place dans une société encore très patriarcale. Nombreux sont les hommes qui la soutiennent dans cette histoire, notamment son mari écrivain et d’autres amis artistes, mais les institutions tenues par des hommes participent activement à sa silenciation. Particulièrement le personnage du psychiatre, qui n’est pas un secret révélé par le film mais un élément connu de la vie de Niki de Saint Phalle, et cité régulièrement dans de nombreux cas cliniques de psychiatrie. Cet homme contribuera à faire taire et à démentir le fantôme de l’inceste qui la pourchasse et l’empêche de vivre. Le spectateur est invité à vivre ces moments de grandes détresses, d’angoisses paranoïaques, et de victoires aussi.
Niki au fusil. Copyright 2024 Cinefrance Studios, Wild Bunch
C’est avec une grande virtuosité que Niki se relève à mesure que le film avance, et part au combat, fusil à la main. Elle devient cette artiste célèbre qui peint en tirant à balles réelles sur des poches de peinture pour les faire éclater sur la toile. Car si le terme de folie lui est souvent assigné dans ce film et en général, la seule folie dont elle est assurément atteinte est celle des grandeurs, comme elle le dit dans le documentaire « Niki de Saint Phalle, un rêve d’architecte », réalisé par Louise Faure et Anne Julien. En 1989, elle expliquait la grandeur de ses œuvres, à l’image de celles d’Antoni Gaudí qui l’a beaucoup inspirée par ses rondeurs, ses couleurs et ses opulences. « C’est pour prouver qu’une femme avait la possibilité de rêver en grand et de réaliser en grand, c’était très important de montrer que c’était possible. Et j’ai presque senti que c’était mon destin de montrer cette force-là ». Une force féminine incarnée jusque dans un engagement militant revendiqué chez Niki, laissant un héritage féministe puissant toujours vivant aujourd’hui.
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