Éric Rohmer du cinéma au plateau de théâtre

La Halle aux grains de Blois, Scène nationale, programmait ces jours-ci dans son hémicycle, « L’arbre, le maire et la médiathèque », adapté du scénario du film éponyme d’Éric Rohmer, sorti en salles il y a une trentaine d’années. Spectacle créé par la Compagnie tourangelle « Les Animaux bizarres et véhéments », et son metteur en scène Guillaume Gras que Magcentre a rencontré.



Par Bernard Thinat.


Emprunté à un poème d’Antonin Artaud, le nom de la Compagnie étonne et intrigue. Créée en 2018, elle se donne l’objectif de « fouiller les rapports humains et proposer un théâtre en prise avec aujourd’hui ». Elle crée en août 2020, le festival « Contes d’été » dans la commune de Ligueil en Indre-et-Loire, et intervient dans des ateliers au centre de détention de Châteaudun. Ce qui intéresse Guillaume Gras au théâtre, ce sont les textes, la parole du comédien, et comme le cinéma d’Éric Rohmer donne la priorité au langage, avec des dialogues d’une grande richesse et surtout d’une actualité très forte, cela tombait à merveille.

Version plein air de la pièce – Photo Vincent Fillon

La pièce

Sur le plateau de théâtre, le texte de Rohmer est gardé, souvent au mot près, avec une ou deux digressions, notamment lors d’une tirade du maire entièrement écrite par la Compagnie. Mais la mise en scène théâtrale est totalement nouvelle et n’emprunte presque rien à Rohmer. Souvent, acteurs et actrices semblent s’adresser directement au public (rupture du 4ᵉ mur comme on dit), voire à le questionner, mais rompus au théâtre de l’impro, ils sont prêts à subir le discours d’un spectateur n’appréciant pas tel discours de Rohmer par exemple. Les dialogues, selon Guillaume Gras, orientent la mise en scène vers « la farce », ce dont les comédiens usent tout au long de la pièce avec un total investissement.

L’architecte présente son projet devant le Maire et son “amie”. – Photo Vincent Fillon


Si certains personnages du film sont absents sur le plateau, telle la fille de l’instituteur – mais Guillaume Gras reconnaît toute la difficulté de faire jouer des enfants sur scène, ceux-ci devant être doublés – on retrouve l’instit (Nicolas Perrochet), sa leçon sur le conditionnel et son épouse, le Maire (Gonzague Van Bervesselès), la journaliste (Marie Guignard), l’architecte (Ivan Cori), tous totalement investis dans leur rôle déclenchant le rire parmi le public. Quant à la bourgeoise, amante du Maire, elle devient une femme aimant se faire dorer sur une plage, sous les traits d’Eurialle Livaudais, laquelle occupe une place centrale, sorte de pivot dans la pièce, et elle s’en sort à merveille !

Lors des saluts – Photo B.T.


La pièce connaît deux versions, l’une en extérieur testée à l’Équinoxe de Châteauroux en mai dernier, l’autre en salle, créée à la Halle aux grains en ce mois d’octobre. Elle ira ensuite au théâtre de Belleville, à Paris, en novembre pour 16 représentations. Quant à Avignon, l’été prochain, la Compagnie s’interroge, mais c’est un souhait. Bon vent en tout cas !

Le projet bénéficie du soutien de la DRAC, de la Région Centre Val de Loire et du département d’Indre et Loire.


Le film d’Éric Rohmer

Sorti sur les écrans en 1993, le film d’Éric Rohmer, « L’arbre, le Maire et la médiathèque », très bien reçu par la critique et le public, questionne sur des problèmes écologiques, proposant des idées novatrices pour l’époque, tel le télétravail qui aujourd’hui se développe dans certains métiers. Ou plus amusant, les espaces verts à la campagne, idée pas aussi saugrenue qu’il n’y paraît, il faut entendre l’argumentation.

Arielle Dombasle et Pascal Greggory – Photo “les films du Losange”

Film plein d’humour, comme cette bourgeoise parisienne (Arielle Dombasle absolument délicieuse) qui découvre la campagne, les fleurs, les vaches et la boue, en compagnie de son ami, le Maire de la commune aspirant à la députation (Pascal Greggory). En face, l’instituteur du village (Fabrice Luchini très pédagogue) aidé par sa fille de dix ans (Galaxie Barbouth extraordinaire avec ses mimiques), c’est elle qui va ébranler le maire dans sa volonté de construire un complexe, avec médiathèque, ludothèque, piscine découverte et théâtre de verdure, sans oublier le parking dont sa bourgeoise ne veut entendre parler !

Et au milieu, une journaliste pigiste (Clémentine Amouroux) réalise un dossier pour un média, interviewant les habitants du village sur leurs souhaits, leur histoire… dossier censuré par le rédacteur en chef.

Au final, chant écolo interprété par l’instit, le Maire, la bourgeoise et un chœur villageois : adorable !

À voir ou revoir absolument, c’est un vrai délice rohmérien, les dialogues s’avérant, comme à l’habitude chez Rohmer, d’une intense richesse (en VOD, pas d’autres solutions actuellement).


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