Président d’ESS France et directeur général de l’ONG Singa Global tournée vers l’accueil des réfugiés et des personnes migrantes, Benoît Hamon était l’invité des Rendez-Vous de l’Histoire ce vendredi 11 octobre pour un grand entretien au château de Blois. Il a plaidé pour une société de la rencontre.
Benoît Hamon a plaidé pour une citoyenneté économique. Photo Jean-Luc Vezon
Par Jean-Luc Vezon.
L’ancien ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire reste une référence à gauche avec une pensée qui donne du sens à l’action de nombreux militants. Interrogé une heure durant, le candidat à la présidentielle 2017 pour le PS est d’abord revenu sur son engagement au sein de Singa Global. Cette ONG, qui accompagne la création d’entreprise par les réfugiés, via des programmes d’incubation et d’accélération, permet de créer « un lien de pair à pair permettant de lever les préjugés ». Avec à la clef, 62 % de femmes créatrices.
Après cette entame, la politique s‘est très vite invitée dans l’entretien, Benoît Hamon annonçant que le budget de l’ESS, secteur qui contribue à 10 % de la richesse économique du pays et constitue « le premier kilomètre de l’intérêt général », serait amputé de 25 % de son budget dans la future loi de finances. « Je vais ferrailler avec le gouvernement. Ce qui se prépare est terrifiant pour l’ESS, c’est un plan social massif qui remet en cause l’égalité des citoyens », a-t-il alerté.
À l’heure du défi climatique, de la nécessité de lutter contre les inégalités ou de créer des activités dans les quartiers ou la ruralité, le promoteur du revenu universel voit dans les 154 000 entreprises et 2,6 millions de salariés de l’ESS un atout. Alors « faudra-t-il une grève des bénévoles, indispensables acteurs du secteur, pour générer une prise de conscience », s’interroge Benoît Hamon.
L’économie du lien
Pourquoi l’ESS est-elle si mal prise en compte par les pouvoirs publics ? Pour Benoît Hamon, « c’est culturel », le secteur est méconnu alors que ses principes de fonctionnement (non-lucrativité et gouvernance démocratique) sont pourtant une source de modernité et une forme de réponse à la crise. Citant Jaurès, pour qui la République politique doit aboutir à la République sociale et entrer dans les entreprises, Hamon croît fermement dans cette économie du lien et la citoyenneté économique pour « faire pivoter nos modes de production ».
Interrogé sur les procès intentés en Italie contre les personnes qui aident les migrants, Benoît Hamon y voit une dangereuse « criminalisation de la solidarité ». « On ne migre pas pour se faire rembourser du Doliprane et bénéficier de la Sécurité sociale ou de l’AME. C’est d’abord pour trouver un emploi et parce qu’il existe une diaspora permettant d’avoir un réseau pour vivre », précise-t-il en redoutant l’externalisation de la demande d’asile. « On déshumanise les migrants alors que lorsqu’on interroge nos concitoyens, ils sont deux tiers à comprendre les raisons de leur départ », regrette-t-il.
L’avenir ? Dérèglement climatique, transition démographique mondiale avec 2,5 milliards d’Africains à l’horizon 2050 et un actif pour un retraité, émergence du sud global (« l’horloge du monde n’est plus réglée par l’Occident ») ou encore révolution digitale… on connait les certitudes du monde. « Mais, ce qui est incertain, c’est la décision politique. Il faut traiter ces questions », a conclu Benoît Hamon avant d’être copieusement applaudi. Le reverra-t-on un jour en politique, cet homme de convictions ? La question était sur bien des lèvres.
La pensée politique humaniste de Benoît Hamon a passionné l’auditoire. Photo Jean-Luc Vezon
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