Les 11 et 12 octobre 2024, les trente-cinq langues en usage dans l’Orléanais seront mises en avant à Orléans-la-Source avec le deuxième Festival des langues. Une richesse culturelle valorisée par l’association Linguafest’45. Entretien exclusif avec sa présidente Marcelle Provost.
Marcelle Provost, vous organisez un deuxième festival les 11 et 12 octobre prochains. Cela veut-il dire que la première édition s’est bien passée ?
Oui, très bien. Le public a répondu présent, ce qui n’était pas assuré pour une première édition préparée en moins de six mois. Nous avons eu le soutien de la mairie d’Orléans avec la mise à disposition de la maison des associations de la Source. Vingt-huit langues en usage chez nous ont été présentées ainsi que huit langues régionales chantées le soir lors du concert de la chorale des Provinces.
Les mêmes langues seront présentes cette année ?
Tout à fait mais en plus des vingt-huit langues usitées dans l’Orléanais, nous aurons le breton en tant que langue régionale et de nouvelles langues. Comme par exemple, le shikomori, langue parlée dans les Comores mais aussi le khmer, langue du Cambodge. L’espagnol également que nous n’avions pas l’an passé et le quechua, une langue des Andes. Donc, nous sommes très heureux de cette plus grande diversité. Et petite précision, nous évoquons des langues présentes et non parlées parce que notamment le latin et le grec ancien sont des langues mortes donc non parlées. Et la langue des signes est, elle, gestuée.
Pourquoi est-ce si important de préserver toutes ces langues ?
Nous estimons dans notre association que la diversité linguistique et culturelle est une richesse mondiale. D’ailleurs, une étude de Jean-Louis Rougé du Laboratoire ligérien de linguistique a montré dans les années 2010 qu’il y avait plus de 80 langues parlées dans les familles fréquentant les écoles orléanaises. Cela veut donc dire qu’il y en a encore plus. Et pour nous, c’est important de montrer que ces langues et ces populations existent et qu’elles ont toute leur place dans notre société.
Ce qui serait bien c’est que l’on arrive à montrer au public que cette richesse s’adresse à tout le monde. En fait, les gens parlent des langues différentes mais les objectifs, eux, sont communs : vivre heureux, sans violence, s’intégrer dans la société, trouver sa place… Et tout cela, ce sont des sentiments et des désirs qui sont communs à toutes les populations du globe. C’est ce que nous souhaiterions qu’il se dégage de ce festival. C’est-à-dire reconnaître ce que nous avons en commun et déguster cette diversité.
Vous ferez une présentation de langues aux scolaires le 11 octobre. C’est justement pour donner envie à des jeunes de s’intéresser à des langues moins connues ?
C’est effectivement pour éveiller leur curiosité et les encourager à respecter les autres locuteurs. Par exemple, nous allons présenter le breton à ces scolaires. Or, une enseignante participant à cette journée nous a expliqué que cela l’intéressait car elle emmènera bientôt ses élèves en classe de découverte en Bretagne, et bien qu’ils ne parlent pas breton, ce serait une manière de les ouvrir à la culture du territoire. Dans le même esprit, nous avons aussi proposé de présenter la langue des signes à une classe qui a déjà bénéficié d’une initiation.
Nous souhaitons aussi que les enfants découvrent que la personne qui parle une autre langue, un dialecte ou un patois a la même valeur qu’eux. C’est surtout cela qui nous importe avec des propositions très variées dans ce sens.
Vous bénéficiez aussi cette année d’un partenariat officiel avec l’Université d’Orléans ?
Oui. Nous avons déjà travaillé un peu ensemble l’an passé. Mais cette année il s’agit d’un vrai partenariat avec la mise à disposition du hall et de salles. Et surtout, nous espérons toucher une diversité d’étudiants beaucoup plus grande. Pas uniquement des étudiants étrangers mais aussi des Français qui seraient intéressés par la découverte d’autres langues. En effet l’Université d’Orléans enseigne le français, l’anglais, l’allemand, l’italien et le japonais. Mais à ma connaissance on n’y apprend ni le chinois, ni l’arabe.
Le samedi il y aura une conférence donnée par Marie-Eve Perrot, qui est-elle ?
C’est une enseignante-chercheuse du Laboratoire ligérien de linguistique. Elle travaille sur le Chiac. Il s’agit d’une langue acadienne créée il y a trois siècles et parlée dans le Nouveau-Brunswick au Canada. Elle a la particularité d’être un mélange de français et d’anglais. Elle a publié plusieurs ouvrages et c’est très intéressant de voir les aller-retour qui se passent entre les langues pour faire évoluer ou pour créer de nouveaux termes. Un métissage qui est aussi celui des populations entre elles.
Enfin, il y aura un concert multilingue comme l’an passé ?
Effectivement. En 2023, c’était la Chorale des Provinces. Cette année, nous invitons un chanteur polyglotte JoMo, de son vrai nom Jean-Marc Leclercq. Il est recordman 2000 du Guinness parce qu’il chantait alors en vingt langues. Plus particulièrement en occitan, en français, en espéranto, en polonais et en russe, cinq langues qu’il pratique. Mais comme il chante aujourd’hui en vingt-deux langues je ne peux pas imaginer qu’il les pratique toutes ! Mais bien entendu, il nous les présentera et nous expliquera comment il les a choisies.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Pour aller plus loin sur Magcentre : Les langues vont se délier à Orléans