« Vivre, mourir, renaître » : un trio amoureux dans la tourmente du sida

Le François des « Roseaux sauvages » de Téchiné, sorti en 1994, c’était lui. Gaël Morel ensuite est passé derrière la caméra. Il a beaucoup travaillé pour la télévision. Il sort cette semaine « Vivre, mourir, renaître », film remarqué à Cannes.

Cyril (Victor Belmondo), Emma (Lou Lampros), Sami (Théo Christine) et leur petit garçon. Photo ARP.



Par Benard Cassat.


Une relation à trois qui s’inscrit dans l’héritage de Téchiné, justement. Dans les thèmes, les relations intimes, l’homosexualité, le sida. Mais aussi dans l’esthétique, ce réalisme d’une histoire filmée sans artifice. Avec en plus la présence d’éléments autobiographiques du réalisateur dans les personnages.

L’histoire prend place dans les années 90, où l’on fumait encore dans les bistrots et où les métros avaient des conducteurs. Un couple dont le protagoniste, Sami, est aussi attiré par les hommes. Alors qu’ils sont bien établis, qu’ils vivent une relation très amoureuse et qu’ils ont un gamin de quatre ans, Sami rencontre son voisin, un photographe homo. Violemment attirés l’un par l’autre, ils s’arrêtent net pendant leurs premiers ébats. Cyril est positif au sida, sans pour autant développer la maladie. Qui fera pourtant irruption chez Sami, sans doute contaminé auparavant. Et donc chez sa compagne Emma.

Avant la maladie de Théo, au son de David Bowie. Photo ARP


Comme Sami devient très malade, il consulte plusieurs médecins, des personnages positifs, directs et honnêtes, ce qui est aussi le reflet de la réalité de ces années-là, en tout cas à Paris. Gaël Morel nous rappelle ainsi, par ces voix médicales, où l’on en était alors dans cette maladie. Les trithérapies arrivent, des gens séropositifs, malades ou non, échappent aux horreurs d’une fin atroce annoncée dès que dépistée et reprennent le cours de leur vie grâce aux médicaments. C’est le sens du titre.

Un abandon poignant

Et en effet, Cyril et Emma survivront, mais pas Sami. Son agonie « soulagée » par un voyage du trio en Italie donne lieu à une scène poignante dans les rues d’un petit village, ce moment où il craque, où la mort a fait trop de chemin en lui. Il n’a pas, ne peut pas avoir l’apparence des mourants du sida, images que l’on a vues dans ces années-là. Son corps d’acteur ne peut pas se décharner à ce point. Le maquillage et le jeu pourtant donnent de cette agonie des images tout à fait crédibles et percutantes.

Le voyage en Italie. Photo ARP.


Pour ce scénario en trois mouvements, Morel a trouvé trois jeunes acteurs magnifiques. Victor Belmondo pour incarner Cyril, le photographe qui met en route le récit et domine la première partie. Léger, il fait passer des nuances de sentiments dans une sobriété efficace. Sa présence à l’image est indéniable. Il colle parfaitement à ce rôle de séducteur calme et d’artiste discret. La deuxième partie, c’est plutôt Sami qui la mène. Théo Christine y excelle, là aussi sans surjouer. Plus physique, il remplit ce personnage immédiat de son jeu naturel. Et puis le personnage féminin, Lou Lampros, prise dans cet amour difficile à son homme qui meurt et la maladie qui l’infecte elle aussi.

Ce trio d’acteurs rend cette histoire très proche, alors que la réalisation en est extrêmement classique. Trop parfois, sans doute. Les moments annexes à l’histoire, dans les boites de nuit ou dans la galerie de photos, tenues par Amanda Lear en guest star, tranchent sur le réalisme du trio et scandent l’histoire.

Emma choisit les photos de Cyril pour sa dernière expo. Photo ARP.


Le grand passage à vide du photographe sorti de l’angoisse de la maladie est discutable. Le scénario aurait pu trouver autre chose que sa nouvelle expo, cinq ans après la mort de Sami, qui reprend les photos qu’il a faites de lui en train de mourir. Mais il est vrai que le sida a touché beaucoup d’artistes, qui y ont trouvé une source d’inspiration très ambiguë.

Gaël Morel témoigne trente ans après. Il est aussi important de ne pas oublier que cette maladie couve toujours. Aujourd’hui en France, près de 6 000 personnes sont infectées chaque année ! Parler, montrer, faire œuvre autour de cette maladie, raconter son histoire, son évolution, c’est aussi continuer la lutte. Ce film en fait fortement partie.


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