En Indre-et-Loire, « l’État vous protège », mais en low-cost

Le 6 août dernier, par un discret courrier interne du Secrétariat Général de la Préfecture d’Indre-et-Loire qui leur était adressé, les fonctionnaires ont appris qu’ils devaient sans délai réaliser des économies drastiques. Avec comme effet prévisible, un nouveau cycle de dégradation pour la qualité des services rendus à la population… et pour les conditions de travail des agents. Et ce n’est qu’un début, des efforts conséquents également seront imposés en 2025 selon mes informations.

Préfecture d’Indre-et-Loire.


Par Joséphine.


Économies, économies chéries

Ainsi, depuis août, les frais de déplacement des agents ne sont plus pris en charge, y compris pour leurs formations. Il s’agit de tout faire en visio-conférence, comme au temps béni du confinement. Plus d’argent non plus pour les fournitures de bureau, pour les abonnements à la presse ou pour les achats de documentation spécialisée servant à actualiser les connaissances des fonctionnaires, dans un environnement juridique et un contexte social pourtant changeants. Plus de papier pour les impressions ? « Les services doivent s’organiser pour finir l’année avec les stocks dont ils disposent ». Les échanges avec les usagers et les partenaires ? Tout doit se faire par courriel, sauf obligation réglementaire de passer par l’envoi postal recommandé. Et pour les agents détenteurs de cartes de crédit qui effectuent les achats pour leur structure, il est carrément « demandé de cesser de les utiliser ».

Petite délicatesse managériale tout de même, car on est entre gens de bonne compagnie, le préfet Patrice Latron himself a rajouté une ligne manuscrite sur le courrier. « Je suis conscient de l’effort que je vous demande. Merci d’avance pour votre engagement »… Drôle de terme quand on parle de travail, « l’engagement » renvoyant plutôt au champ militaire, dont est du reste issu M. Latron, ancien officier parachutiste. En tout cas, le ton sacrificiel pour la suite est donné. Rompez.

Résultat ? Stress, accumulation de travail et de charge mentale pour accomplir les tâches les plus simples, débrouille permanente, achats personnels de certaines fournitures et sentiment de mal faire son travail, souvent dans l’urgence et l’improvisation. Phénomènes exacerbés par les sous-effectifs chroniques à la Préfecture, sous-effectifs qui vont empirer encore avec la non-reconduction de certains personnels contractuels qui jusque-là colmataient les brèches, notamment dans les services dédiés aux étrangers. Et cela, dans un contexte anxiogène et incertain, avec des risques psycho-sociaux pour les agents qui multiplient les efforts depuis trop longtemps, par exemple avec les restrictions budgétaires sur le chauffage dans les bureaux l’hiver dernier.

Affichage et réalités

Les agents, délégués du personnel et syndicats ont moyennement apprécié le procédé, un simple courrier au cœur de l’été, sans discussion préalable dans les services, discussion qui ne relève pas de la simple politesse mais bel et bien d’une disposition légale portant sur la « gouvernance transparente et collégiale dans la gestion des crédits ». À croire que le management ultra-pyramidal qui caractérise le macronisme jupitérien a fini par ruisseler dans tous les rouages de l’État.

Car il est évident que cela aura un effet sur la qualité des missions de service public, d’autant plus dans les campagnes enclavées où les agents ne pourront plus se rendre, à défaut de remboursement de leurs frais kilométriques. Idem pour les partenariats avec les associations, les collectivités et les autres services publics qui pourraient être fragilisés par cette panne sèche imprévue, surtout que depuis quelques années, nombre de missions ont été déléguées à des structures extérieures à l’État pour faire des économies.

Pourtant, cette situation financière n’a pas empêché la Préfecture de continuer à communiquer comme si de rien n’était sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, à coups de hashtags « L’État vous protège ». Drones en manifestation, interdictions de rave-parties, kebabs fermés pour manquement à l’hygiène, commémorations historiques et conseils estivaux en hydratation ou en gonflage de pneus sont ainsi affichés crânement… alors que le quotidien des services aux populations s’enraye parfois par manque de ramettes de papier.

https://twitter.com/Prefet37/status/1825528798541935002

Incompréhension et ras-le-bol

Ce qui interroge encore davantage sur cette annonce-surprise, c’est que les huiles du ministère de l’Intérieur se vantaient d’avoir obtenu pour les Préfectures « depuis 2023 et sur cinq années une augmentation inédite de [leurs] moyens, traduisant la volonté exprimée par le président de la République de consolider et de renforcer la capacité d’action de l’État territorial et de ses échelons de proximité, mettant fin ainsi à plus de vingt ans de réduction systématique des moyens des services déconcentrés » (voir ici). Renfort des capacités de l’État qui devaient porter en priorité selon le ministère sur le « pilotage stratégique et opérationnel des crises et des politiques de sécurité, la protection des libertés publiques et la garantie du respect de la loi, la délivrance des titres de séjour, l’accueil du public, le lutte contre le séparatisme et la radicalisation ».

Et c’est là où l’incompréhension est la plus forte : où est donc passée cette fameuse augmentation des moyens ? Assistait-on déjà en août, avant même que Michel Barnier ne soit nommé Premier ministre, à la cure d’austérité sans précédent qui nous est promise maintenant officiellement ?

En fait, toujours selon mes informations, il semble plutôt que la situation ne concerne que l’Indre-et-Loire. La CGT, FO, la CFDT, le FSU et Solidaires qui ont envoyé courriers et mails demandant au plus vite une rencontre avec le Préfet – resté muet jusque-là – pointent d’ailleurs l’opacité de la situation comptable à la Préfecture et l’impression d’absence de véritable pilotage financier. Et ce alors même que le Secrétariat Général fonctionne lui aussi depuis un moment « en mode dégradé », selon l’expression bureaucratique qui désigne un sous-effectif chronique. En tout cas, sans réponse concrète de la part du Préfet, les organisations syndicales promettent une mobilisation rapide « dans l’intérêt du service public et des conditions de travail de ses agents ».

Malheureusement, il se pourrait que ce ne soit que le début d’un feuilleton à la Préfecture, car certains connaisseurs du dossier pointent aussi l’explosion à venir des dépenses pour « garantir la pérennité du patrimoine immobilier dans des conditions respectueuses de l’environnement ». Sur le site Champ-Girault où se trouve la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités, par exemple…

Le blog de Joséphine


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Commentaires

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  1. Surtout que … ouille!
    Josephine avez-vous dicté votre texte, car par écrit vous auriez préféré le « d’autant plus que » !

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