Tiers-lieux et collectivités locales : une coopération indispensable pour la revitalisation territoriale

Ce mardi 17 septembre, Tours accueillait la 4ᵉ Agora des tiers-lieux du Centre-Val de Loire, organisée par la Chambre Régionale de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS). Événement où ces acteurs de l’ESS ont pu échanger avec les représentants politiques locaux sur les défis et les réussites des tiers-lieux, tout en soulevant une question cruciale : celle de leur pérennité.

Le tiers-lieu Le Cercle à Rosières dans le Cher. Photo A. Adam


Par Mael Petit.


139, c’est le nombre de tiers-lieux présents sur l’ensemble de la région Centre-Val de Loire. Un chiffre en constante augmentation ces dernières années, puisque fin 2021 le territoire en comptait environ 70. Les tiers-lieux se multiplient un peu partout en France car ces nouveaux espaces partagés répondent aux nouveaux enjeux sociétaux, économiques et environnementaux de proximité. Hybrides, ces lieux sont dédiés à la rencontre, au travail collaboratif, parfois à la vie culturelle, participant à la revitalisation des territoires, en particulier ruraux. Des modèles atypiques qui permettent de fédérer l’ensemble de la population d’un territoire, en plus de faire tourner une économie plus locale et durable.

Un secteur à structurer

À Tours ce mercredi, ils étaient plusieurs dizaines de représentants de ces structures innovantes réunis dans les locaux du tiers-lieu de l’Atelier des projets, dernier-né de la métropole tourangelle orienté vers l’insertion professionnelle, offrant des espaces de formation et de rencontres. C’est en son sein que le Conseil régional de l’économie sociale et solidaire les avait conviés pour une journée d’échanges et de rencontres. L’occasion pour les participants de renforcer ses connaissances mais aussi d’établir des contacts. « C’est important de construire un réseau entre tiers-lieux, travailler ensemble ne peut être qu’une force. On assiste à une belle émulation dans notre région, à un moment important pour la structuration des tiers-lieux », note Jean-Louis Desnoues, président de la CRESS Centre-Val de Loire. Pour M. Desnoues la fin de l’année marque une nouvelle étape importante sur le chemin de la structuration régionale avec « l’envol » de l’association Ambition Tiers-Lieux, portée jusqu’ici par la Cress mais bientôt autonome, chargée d’animer le réseau en Centre-Val de Loire. L’association a pour vocation de concevoir et de déployer des services à destination des porteurs de projets de tiers-lieux pour les aider dans leurs démarches.

Les collectivités locales, premiers partenaires

Le secteur est aujourd’hui à un moment crucial pour son développement et de nombreux porteurs de projet venus à l’Agora s’interrogent sur l’évolution de leur structure et notamment la question centrale autour de leur pérennité. « Nos espaces de vie sont aujourd’hui essentiels pour les territoires. On apporte de la visibilité sur des problématiques sociétales, un redynamisme sur le plan professionnel ou culturel, en plus d’être un lieu favorisant la mixité », témoigne Clémentine Vanlaer du Projet Pivot, tiers-lieu basé à Veigné en Indre-et-Loire, qui œuvre pour une meilleure alimentation sur son territoire. « Il faut garder cette identité protéiforme façonnée par les gens qui les incarnent », poursuit-elle. La tirade de cette ingénieure agronome est loin d’être anodine alors qu’à ses côtés sont assis, l’oreille attentive, le président de la région Centre-Val de Loire François Bonneau, ainsi que Florence Gouache, secrétaire générale pour les affaires régionales à la préfecture.

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Les différents acteurs des territoires ont pu échanger lors de la quatrième Agora des tiers-lieux de Tours. Photo Magcentre


Dans cette quête de reconnaissance et de développement, les collectivités territoriales sont les premiers partenaires des tiers-lieux. Une coopération essentielle pour assurer leur pérennité. François Bonneau tenait d’ailleurs à rassurer les représentants de tiers-lieux et à réaffirmer le rôle fondamental de « ces espaces qui brisent les frontières entre populations et permettent de recréer un cercle solidaire tout en répondant aux enjeux culturels et économiques de proximité ». Le président de région a également souligné leur contribution à l’évolution des modes de vie. « Notre modèle de consommation est vécu par de plus en plus de gens comme un corset assez étroit dont ils voudraient se défaire ». Les tiers-lieux permettent selon lui de sortir de cette position de simple consommateur, tout en inculquant une responsabilisation écologique en plus de revisiter le modèle associatif.

Risque d’un désengagement de l’État

Les collectivités locales jouent effectivement un rôle crucial dans la pérennité des tiers-lieux à travers des dispositifs de financement et d’accès au foncier. Exemple récent avec le Château du Plessis situé à La Riche. La ville de Tours a récemment conclu un accord pour céder le château à la commune de La Riche pour 500 000 euros, avec la garantie que les activités culturelles du tiers-lieu se poursuivent. « Les collectivités doivent travailler en symbiose avec les tiers-lieux. Ce sont des lieux du faire-ensemble, de la mixité publique, capables de fédérer, ce que les collectivités n’arrivent pas toujours à réaliser, avoue Patrick Sottejeau, adjoint à la culture de La Riche. On doit apprendre des tiers-lieux sur leur façon de réfléchir, leur façon de construire des projets et de les amener aux citoyens ».

Cependant, si les tiers-lieux se multiplient, leur avenir est loin d’être tout tracé. Et même si Florence Gouache rappelle que 3,3 millions d’euros ont été investis dans la région pour soutenir l’émergence de tiers-lieux, ces sujets liés à l’ESS n’ont jamais suscité l’enthousiasme au sommet de l’État dont « le mode d’action principal reste l’appel à projets ou l’appel à manifestation d’intérêt », rappelle l’Observatoire des tiers-lieux. Pire, la situation politique instable actuelle fait craindre un coup de rabot pour le secteur, en plus des annonces du début d’année sur des coupes budgétaires qui devaient concerner l’ESS. Le plan « France Relance », qui avait injecté plus de 130 millions d’euros dans le secteur, visait à créer des dynamiques locales et à générer de l’emploi. Mais depuis, les aides sont « très en deçà de ce qu’elles devraient être », soufflait déjà il y a un an Patrick Levy-Waitz, président de France Tiers-Lieux. Le soutien de l’État devrait encore s’effriter, notamment avec le nouveau gouvernement Barnier sommé de faire des économies. Et sans un soutien financier durable de la part de l’État, l’émergence de cette nouvelle économie de proximité demeurera fragile.


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