Sous vos yeux ébahis mesdames-messieurs, l’union des droites ! Episode 2 : le macronisme franchit le Rubicon

[Billet de Joséphine]

Relire l’épisode 1 : la marche au pouvoir du RN

À droite, macronistes, libéraux et conservateurs en pleine mue

Depuis les tirades de Jacques Chirac sur « le bruit et les odeurs » dans les années 1980, la stratégie Sarkozyste de séduction assumée envers les électeurs du RN en 2007 puis la dérive droitière du macronisme au moins depuis 2018 et en constante accélération depuis, la droite dite « républicaine » est souvent tentée de récupérer une partie de l’électorat lepéniste en allant sur son terrain, utilisant ses mots econcepts (« ensauvagement », « grand remplacement », « immigrationnisme », « islamo-gauchisme »), adoptant de larges pans de son programme (« loi immigration » et « préférence nationale »). De toute évidence, et sauf quelques victoires ponctuelles, cette stratégie a abouti à légitimer le RN, à lui offrir une tribune médiatique et à lui donner la priorité sur l’agenda et les thématiques qui polarisent l’opinion.

Avec le complexe de supériorité assez typique de la droite bourgeoise conservatrice, les figures politiques de ce milieu ont longtemps méprisé l’électorat frontiste, considérant qu’avec deux ou trois promesses et déclarations chocs, cela suffirait à rafler la mise. Mais désormais, LR ne pèse plus que deux millions de voix et les macronistes (Renaissance, Modem et Horizons) ne doivent leurs scores depuis des années qu’aux apports de la gauche au titre du barrage au RN, ne drainant plus que 6 millions de voix sur leur programme en juin dernier.

Et c’est de cela dont il faut prendre conscience : les droites peinent à atteindre les 8 millions de voix, alors que le RN à l’étiage est déjà à 10 millions, et ce alors que les propositions politiques de la droite sont objectivement des copiés-collés du programme de Marine Le Pen de 2022. Dès lors, la stratégie de récupération des électeurs RN n’opère plus et face à cette nouvelle configuration qui, du reste, émerge un peu partout en Europe. Et certains ont choisi de franchir le Rubicon. C’est le sens même de la nomination de Michel Barnier à Matignon : il s’agit de prendre quelqu’un avec une réputation impeccable, rassurant pour l’UE, encarté chez LR, parti qui joue désormais sa survie et qui ne peut plus faire la fine bouche. Il faut s’assurer d’un discret soutien du RN qui s’achète ainsi encore un peu plus de normalisation, rassuré également par les prises de position anti-immigration et anti-droit européen de Barnier. Quelques cadres de Renaissance comme Aurore Bergé sont envoyés sur les plateaux télé pour faire la moue et laisser à penser qu’on se dirige vers une cohabitation où chacun devra faire des compromis et le tour est joué : l’union des droites est lancée, pour l’instant sous sa forme soft, histoire d’habituer l’opinion et de ne pas laisser trop de prise à gauche. Et tout ceci, sous le regard bienveillant, si ce n’est enchanté, d’une bonne partie des médias, soit sous l’emprise directe de Vincent Bolloré, milliardaire explicitement favorable à l’union des droites, soit détenus par d’autres magnats rassurés par l’abandon des mesures sociales du RN et dont le principal ennemi est le Nouveau Front populaire et ses promesses de justice fiscale et de taxation du capital.

La droite la plus hautaine du monde

De toute évidence, Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin et Emmanuel Macron ont intégré la nouvelle donne et la perspective d’union des droites. Toute la question pour eux est de ne pas jouer les figurants dans ce processus et de se poser en leaders de l’alliance en gestation avancée, sans laisser le clan Le Pen faire main basse sur les postes à distribuer. Encore une fois, il est fort probable que ces messieurs issus de la technocratie bon teint se prennent pour plus malins que le RN et qu’ils ne servent que de marchepied de luxe à l’extrême droite, devant bientôt accepter les conditions de Marine Le Pen, comme le premier Éric Ciotti venu.

Mais ce qui reste encore une inconnue dans cette dynamique, c’est le comportement des électeurs du macronisme depuis 2017. Vont-ils suivre le chemin que les cadres et professionnels de la politique d’Ensemble sont en train de tracer ? En tout cas, aux dernières législatives, ils ont été 50% à préférer la gauche au RN au second tour, ce qui laisse à penser qu’au moins 3 millions d’électeurs de centre-droite seront un enjeu important lors des prochains scrutins, ce que Place Publique et la droite du PS, cazeneuviste ou pas, a bien compris, sans que cela ne leur permette d’atteindre une masse critique influente.

Photo de Une : Michel Barnier en meeting à Olivet en 2024

Commentaires

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  1. Pour ce qui est de la dérive droitière entre Sarkozi et Macron … il y a eu Hollande et un de ses ministres un certain Macron, les social-capitalistes participant ainsi à cette droitisation.
    Il ne faut pas oublier cela et du coup la lepénisation, ou dit autrement le passage d’une démocratie où la population était encore plus ou moins bien représentée à un système politique de type dictatorial : une minorité agit sans consulter la population et impose son idéologie, (par exemple en ne tenant pas compte des résultats d’une élection et en créant un gouvernement qui correspond à sa ligne idéologique) ;cette “lepénisation”n’est plus le fruit d’une évolution de la population mais la conséquence d’un besoin des capitalistes de renforcer leur pouvoir sur la politique d’un pays et si possible un continent ( européen, américain, asiatique…).
    Emmanuel Todd , un historien du contemporain, explique cela très bien dès 2020 ( voir sur internet si vous voulez), mais les dirigeants des partis d’opposition ( du PS à LFI) semblent donner la priorité à la survie de leur organisation au détriment de la population , participant ainsi aussi à cette droitisation qui a pour objectif d’assurer au capitalisme et à ses profiteurs la continuité de leurs profits en dirigeant une société obéissante et soumise , y compris par la manière forte ( voir ce qui se passe en Chine).

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