La culture du viol : un fléau ancré dans notre société

Pendant des années, droguée par son époux, Gisèle Pélicot a été livrée inconsciente à des dizaines d’hommes pour être violée. Des manifestations de soutien à cette femme et dénonçant une « culture du viol » ancrée dans la société ont eu lieu à Orléans, à Tours et dans de nombreuses villes. Comment un tel fléau peut-il exister et encore prospérer ?

Manifestation contre les violences sexistes (capture d’écran)


Par Jean-Paul Briand.


Depuis des siècles notre société est sous domination patriarcale. Une société où le pouvoir est principalement détenu par les hommes. Ce système est fondé sur l’idée que les hommes sont supérieurs aux femmes et qu’ils ont donc le droit d’exercer une autorité sur elles. Ainsi la violence à l’égard des femmes est souvent justifiée par ces vieilles normes culturelles. C’est dans ce système qu’il faut replacer les considérations sur les violences sexuelles et les mythes sur le viol qui polluent nombre d’esprits.

Les mythes sur le viol 

Les « mythes du viol » désignent un ensemble de stéréotypes et de préjugés concernant le viol, les victimes de viol et les agresseurs sexuels. Ils ont été dénoncés en 1980 par Martha Burt dans son texte « Cultural myths and supports for rape » paru dans le Journal of Personality and Social Psychology. Ces mythes ont pour effet d’excuser les agresseurs, de minimiser la gravité de leurs actes et d’apposer sur les victimes les marques de la honte et de la culpabilité. Ainsi ces croyances délétères suggèrent :

  • que les victimes de viol sont responsables de ce qui leur est arrivé en raison de leur comportement, de leur tenue vestimentaire ou de leur lieu de présence ;
  • que les femmes accusent à tort les hommes de viol, par vengeance ou pour manipuler ;
  • que les femmes désirent secrètement être violées, qu’elles disent un non qui veut dire oui, ou qu’elles exagèrent l’impact de l’agression ;
  • que les violeurs sont des malades victimes de leurs pulsions sexuelles.

Pour la première fois en France, une étude de 2015 de l’institut IPSOS, pour l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, indiquait que de nombreuses personnes, tous sexes confondus, souscrivaient à ces stéréotypes. Un deuxième sondage réalisé en 2019 a montré que l’adhésion à ces représentations erronées sur le viol et les violences sexuelles persistait. Cette tendance commune, qui considère que dans certaines circonstances il existerait des raisons de déresponsabiliser ou d’excuser les violeurs et a contrario de blâmer ou d’incriminer les victimes, a permis de dire qu’il existe dans les sociétés issues du patriarcat une forme collective d’acceptation et de banalisation des violences faites aux femmes : une « culture du viol ».

La culture du viol

Cette notion de culture du viol a longtemps été limitée aux milieux militants féministes anglo-saxons. À partir de 1984, après que l’universitaire Dianne Herman publie un article intitulé « The Rape Culture », le concept que le viol était constitutif des sociétés où les hommes dominent s’est internationalisé. La culture du viol s’inscrit dans un inconscient collectif bâti sur l’ensemble des mythes du viol, auxquels adhère une grande partie de la société. Le viol et le féminicide sont l’aboutissement d’un continuum crescendo de cette culture propice aux violences subies par les femmes. Dès l’enfance, il est inculqué une discrimination entre les sexes et aussi qu’il est normal que les femmes servent à satisfaire les hommes sans se préoccuper des désirs et des attentes de ces dernières. Dans les codes sociaux véhiculés, les victimes ne peuvent pas se plaindre puisqu’elles sont considérées comme soumises, responsables ou coupables.

Le respect du consentement et de l’égalité des sexes est une urgence

Les dizaines de violeurs de Gisèle Pelicot ne sont pas des détraqués mais des gens normaux, ordinaires et persuadés qu’ils ne commettaient aucun crime quand ils abusaient de cette femme inanimée. Tellement immergés dans cette culture du viol, certains doivent même penser que ce sont eux les victimes, piégées par le mari de Gisèle Pelicot.

Image Wikipédia

Malgré le mouvement #MeToo, les fausses représentations qui portent préjudice aux victimes de violences sexuelles, continuent de prospérer. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) s’inquiète de la montée des violences sexistes, de la culture du viol chez les jeunes.

Le procès Pelicot peut être un accélérateur d’une prise de conscience générale de la culture du viol ainsi que des mythes qu’elle véhicule. La déconstruction de la société patriarcale est une nécessité absolue et la promotion d’un changement culturel vers le respect du consentement et de l’égalité des sexes est une urgence.


Image en avant : source pixabay


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Commentaires

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  1. C’est un peu incomplet cet article. Je me souviens d’une émission « Stupéfiant » et de l’interview par L S de l’acteur pornographique R S ( il faut en parler même si cela existe depuis la nuit des temps mais son accessibilité est un phénomène nouveau) il se vantait d’être le créateur de la culture du viol et elle ne l’a aucunement repris mais souriez gentiment… ! Sidérant.,,

  2. Cher docteur, vous écrivez que le système ( la domination masculine-patriarcale) est fondée sur l’idée que l’homme est supérieur à la femme, c’est juste et il parait utile de préciser que le christianisme n’y est pas pour rien. ( même si ce n’est pas la seule religion à mettre en cause).
    Paul écrit dans le premier épitre aux corinthiens verset 11 titré : l’homme et la femme devant le Seigneur /3/ “Je veux pourtant que vous sachiez ceci : le chef de tout homme, c’est le Christ, LE CHEF DE LA FEMME C’EST L’HOMME, le chef du Christ c’est Dieu”. Suit une explication où il est précisé que/9/ ” l’homme n’a pas été créé pour la femme mais la femme pour l’homme”.
    Ou bien dans l’ancien testament -Siracide verset 42/14/ : “Mieux vaut la méchanceté d’un homme que la bonté d’une femme, une femme couvre de honte et expose à l’insulte”.
    D’autre part écrire que ” les dizaines de violeurs de Gisèle Pélicot ne sont pas des détraqués mais des gens normaux” c’est tomber dans le piège d’une justification -j’irai vite- du genre: elle était consentante contre son plein gré alors …
    Non, un être humain qui gère ses désirs sexuels ne répond pas sur internet à une proposition d’abus sexuel et ces “clients” de l’homme Pélicot souffre de déséquilibre mental, sans aller jusqu’à dire qu’ils sont détraqués (terme bien éloigné de la psychiatrie) on peut sans risque estimer qu’ils vivent mal leur sexualité, jusqu’à être obsédés .

  3. Cher ami
    Je viens de lire ton article sur la culture du viol et je me suis souvenu du film d’Yves Boisset “Dupont Lajoie” avec Jean Carmet et Isabelle Huppert qui dénonçait déjà en 1974 les agressions commises par les proches. 50 ans plus tard on en est encore là. C’est à désespérer du mâle.

  4. C’est tout à fait la réalité, c’est une analyse tout à fait juste.
    On continue à culpabiliser les victimes de violences sexuelles. Et si la parole s’est libérée, ces dernières années, augmentant ainsi le nombre de plaintes, la police et la justice réagissent dans la plupart des cas, en les classant sans suite, car ils suivent toujours ces stéréotypes dictés par la culture du viol, de la domination masculine et de ses conséquences bien indiquées dans cet article.
    Ils ne tiennent toujours pas assez compte du phénomène de sidération de la victime ni de celui de l’emprise, car on persiste à croire que si la victime ne dit rien, c’est qu’elle est d’accord.
    Or, quand pourra-t-on enfin admettre que ne rien dire, ne veut pas dire consentir….

  5. Mon commentaire ci dessus est bien en accord avec l’article de Jean Paul Briand, et non avec ce commentaire de F. Tarche, bien entendu.

  6. Pour répondre à F Tarche, les religions sont coupables en effet d’affirmer l’infériorité des femmes par rapport aux hommes et de faire admettre cette idée qu’elles doivent leur être soumises. L’industrie de la pornographie qui envahit internet, et qui est vue par des enfants de plus en plus jeunes, de moins de dix ans, va dans le même sens en multipliant des scènes de violences contre les femmes. C’est banal pour les hommes du commun, normaux et de tous milieux, et les jeunes adhèrent de plus en plus.
    La circulaire de l’éducation nationale du 13 septembre 2018 (actualisant celle de 2002), indique que l’éducation à la sexualité est obligatoire dans les établissements scolaires. Les notions de respect, consentement, égalité filles garçons peuvent donc être abordées à l’école puisqu’elles ne sont pas faites suffisamment chez leurs parents. Mais ce n’est pas appliqué !
    Qui peut affirmer le contraire ?
    On continuera donc à voir des hommes dits normaux, respectables, même bons pères de familles, agir comme le mari et les violeurs de Madame Pelicot !!!!
    Heureusement, il y a bien des hommes aux côtés des femmes qui agissent pour changer ceci. Mais ils ne sont pas assez nombreux ni assez actifs.
    Bon courage à nous toutes…

  7. J’ai apprécié le texte de Jean-Paul Briand, il n’y a qu’une chose (non dite mais qui transparaît) qui me gêne, c’est de laisser penser que TOUS les hommes sont comme ces abrutis sauvages et sans respect pour qui que ce soit, même pas pour eux-mêmes….

  8. Pour répondre à G Delacour, il n’est pas indiqué ni insinué dans l’article que tous les hommes sont comme les accusés du procès Pelicot. On mentionne plutôt l’idée de la domination masculine culturellement existante, la discrimination entre les sexes, et la persistance des mythes du viol qui normalise ce dernier. Il n’y a pas d’attaques personnelles contre les hommes, mais des attaques de systèmes contre les femmes.

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