Cette exposition issue du fonds photographique du Service Patrimoine et Inventaire en région Centre-Val de Loire ne vous laissera sûrement pas indifférent. À travers les clichés présentés, il nous est donné de mesurer en partie le travail réalisé par ce service et de mieux comprendre son rôle. Et aussi de mieux intégrer ce que les mots « patrimoine » et « inventaire » englobent comme missions.
Par Valérie Thévenot.
En visitant l’exposition et en échangeant avec les divers intervenants du service Patrimoine et Inventaire en région Centre-Val de Loire, nous comprenons vite que nous sommes loin d’imaginer le travail de fond réalisé par ses divers acteurs. Chercheurs, cartographes, topographes, graphistes et photographes font ensemble un travail remarquable et en totale synergie.
Plutôt discret sur ses missions – ou devrions-nous plutôt dire peu connu du grand public – ce service nous dévoile ici une infime partie de son propre patrimoine photographique, qui à ce jour compte plus de 158 000 images professionnelles.
Collégialité
C’est dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine que cette exposition voit le jour. Elle est le fruit d’un travail collégial entre le Service Patrimoine et Inventaire régional, la ville d’Orléans et la Région Centre-Val de Loire. À croire que la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier où se déroule cette exposition était destinée à recevoir les 33 photographies de cinq photographes sélectionnées en collégialité par les représentants de ces trois entités.
Collégialité est décidément le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des intervenants. Pour William Chancerelle, adjoint à la culture de la ville d’Orléans, « c’est une belle collaboration qui parle de patrimoine régional, qui parle de mémoire. Je crois que dans ces temps troublés, l’union fait plus que jamais la force, et si les collectivités ne montraient pas l’exemple, je ne sais pas qui le fera. C’est important qu’on arrive entre ville et région à essayer de collaborer sur ces sujets culturels, qui sont essentiels mais régulièrement menacés, en tout cas si fragiles. Avec Delphine Benassy (5ᵉ vice-présidente déléguée à la Culture et à la Coopération internationale pour la région) de nombreux sujets nous tiennent à cœur, on essaye souvent de parler de la même voix, je ne sais pas si on est toujours d’accord, mais en tout cas, on essaye de travailler en bonne intelligence, et le résultat de cette exposition le prouve bien ».
Patrimoine des itinéraires, des réseaux et des connexions et patrimoine maritime
Telle est la thématique de ces Journées Européennes du Patrimoine. Une thématique sur laquelle Delphine Benassy rebondit. « C’est l’occasion pour nous d’affirmer la nécessité de travailler sur tout ce qui nous relie et à tous niveaux : habitants d’un territoire, les territoires entre eux, les territoires avec les acteurs sociaux et économiques. Cette coopération avec la ville d’Orléans en est l’image et l’émanation. C’est aussi par les temps qui courent, de difficultés budgétaires, de mettre en commun nos forces, de mutualiser, de coopérer pour donner à voir à une diversité de personnes les richesses du patrimoine. Le patrimoine bâti avec cette collégiale, la plus ancienne église d’Orléans, et aussi sous forme de photographies qui relèvent de cette mission d’inventaire qui a été confiée aux régions. L’occasion aussi de mettre en valeur les missions de ce service de l’inventaire à travers cette exposition afin de faire découvrir ce patrimoine peut-être insoupçonné des réseaux qui maillent notre territoire ».
La photographie au service des chercheurs
Et en effet, l’exposition « Au bout de la ligne » est une réussite, nous offrant des vues très variées réalisées dans le cadre de différentes études de terrain afin d’inventorier bâtis et objets propres à notre région. Pour Pauline Marton, cheffe de ce service rattaché à la Région depuis 2007, « nous ne traitons pas que le patrimoine prestigieux. On s’intéresse à tout le patrimoine avec le même intérêt. Que ce soit un petit lavoir, une ferme beauceronne, ils seront traités avec le même sérieux scientifique que le château de Chenonceau ». Et de préciser que cette exposition a une petite particularité. Habituellement dans le Service Patrimoine et Inventaire, la photographie sert la recherche et la recherche sert la photographie. Les deux forment un duo, « on a toujours un texte avec la photo, et là nous n’avons plus que la photo, ce qui permet aussi de les regarder différemment, de les redécouvrir. L’idée c’était vraiment de montrer toute la diversité de notre travail et toute la richesse de la région, et effectivement avec des clins d’œil, des pas de côté sur ce qu’on entend par réseaux, par connexions ».
Les photographies présentées nous permettent de toucher des yeux ce que le terme « patrimoine » comprend. Ici pas d’élitisme dans le choix des lieux présentés. Tous ont fait l’objet de recherches ciblées. C’est ainsi que sur les murs de la splendide collégiale du XIIe siècle, châteaux et vitraux d’églises avoisinent avec un silo à grains ou une chaufferie de piscine. Mais quid des photographes ?
Nous avons rencontré Vanessa Lamorlette-Pingard et Thierry Cantalupo, tous deux actuels photographes au service inventaire et dont plusieurs clichés sont exposés ici. Pour Thierry « notre métier est un dialogue assez étroit avec les chercheurs. La photographie doit répondre de la façon la plus objective possible à l’étude de l’objet. La personnalité du photographe doit passer un petit peu derrière le discours que la photographie est censée donner. On a des principes assez strictes mais ça n’empêche pas qu’on puisse de temps en temps prendre des points de vue un peu différents. La photographie d’inventaire existe depuis la création des inventaires du patrimoine. L’étude du patrimoine et en particulier sa photographie constitue en elle-même un patrimoine. Le fait de désigner un bâtiment, un objet comme étant dans l’ensemble de notre patrimoine révèle le patrimoine, et le fait de le photographier, de porter un regard dessus révèle un patrimoine qui peut-être disparaîtrait. La photographie d’inventaire est en constante évolution. On recherche toujours des manières d’accompagner l’évolution dans la façon qu’on a de regarder la photographie dans nos sociétés. On essaie aussi de renouveler un peu les regards et même les pratiques puisque les chercheurs eux-mêmes renouvellent leurs pratiques en allant chercher des patrimoines qui n’étaient pas forcément étudiés à l’origine ».
Vous l’aurez compris, la recherche n’est rien sans la photographie d’inventaire, et la photographie d’inventaire n’est rien sans la recherche. Nous sommes bien là en présence d’œuvres répondant à un besoin scientifique et dans ce cadre assez strict, ces photographies arrivent à nous toucher par leur grâce, par leur tempo poétique aux brumes matinales, le noir et blanc dialogue avec la couleur, le passé avec le présent. C’est de notre histoire dont il s’agit, et il est bon de le redécouvrir. Quant au choix de la scénographie, plutôt aérée, elle permet aussi une mise en valeur de la collégiale avec l’idée d’une circulation qui soit en dialogue entre le lieu et les photographies.
Souhaitons que cette belle collaboration entre le Service Patrimoine et Inventaire de la région, la ville d’Orléans et la Région Centre-Val de Loire se poursuive à nouveau pour nous donner, à l’avenir, une autre exposition. De toute évidence la connexion a été bonne, le réseau est maintenant matérialisé, il ne reste plus qu’à poursuivre cet itinéraire !
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Le patrimoine régional exposé au Parc Pasteur à Orléans
Infos pratiques :
« Au bout de la ligne », exposition jusqu’au 22 septembre à la Collégiale St-Pierre-le-Puellier ; 13 Cloître Saint-Pierre-le-Puellier – 45000 Orléans
Horaires : Du mardi au dimanche de 14h à 18h
Renseignements : 02 38 79 24 85 – Entrée libre
Missions du Service Patrimoine et Inventaire région Centre-Val de Loire :
site internet sur ce lien
Le Service Patrimoine et Inventaire région Centre-Val de Loire met à disposition à titre gratuit l’ensemble de ses expositions, afin de faire découvrir dans d’autres lieux de la région et auprès d’un nouveau public le patrimoine régional. Des ouvrages édités issus de recherches sont également disponibles en librairies.