Dans le magnifique écrin de la collégiale Saint-Pierre-le-Puellier d’Orléans, rien n’a été laissé au hasard et l’art fait merveilleusement bien les choses. Jusqu’au 1er septembre, se tient dans l’édifice, une exceptionnelle exposition, rétrospective composée de 230 pièces du peintre, poète et sculpteur orléanais Roger Toulouse (1918-1994). « Présence et questionnements » est le titre de ce magnifique rendez-vous.
Par Jean-Dominique Burtin
Photos Valérie Thévenot
Spatialité impressionnante aux cimaises
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Roger Toulouse période 45-50. Photo Valérie Thévenot
Cette rétrospective commémore ainsi de manière admirable le trentième anniversaire de la mort de l’artiste orléanais (1918-1994). 133 peintures, 56 dessins, 21 sculptures proviennent du musée des Beaux-Arts d’Orléans, de la médiathèque départementale du Loiret, du Cercil et de 37 collections privées. Avec pour sous-titre « Présence et questionnement », il s’agit d’une reconnaissance et d’une somme de pièces essentielles à la compréhension de l’artiste qui est exposée et commentée. Voici une proposition de la ville placée sous le commissariat de l’association des Amis de Roger Toulouse que préside Abel Moittié. Spatiale et défiant le temps, elle permet de découvrir l’œuvre immense, intime, peinte, dessinée et sculptée, celle d’un artiste qui a marqué d’une empreinte poétique et spirituelle la ville d’Orléans.
Chaque évocation est une galerie d’art
Beau parcours. Prenant discours. Captivante rétrospective. Ici, le visiteur, qui connaît entre autres, de l’artiste, le groupe « La volonté humaine » sacralisant le parvis du Théâtre d’Orléans, ou les mascarons parant le fronton du Musée des Beaux-Arts de la cité, est invité à découvrir, de manière chronologique, toutes les facettes de l’œuvre de l’artiste dans un parcours à la passionnante embellie de traits et de formes. Place ainsi au minimalisme pudique, à la langueur amoureuse et parfois pure et crue, à la beauté vertigineuse de regards hypnotiques flamboyants d’audace. Tout cela naît de gestes d’un artiste à la sensibilité, à l’expression émerveillée recevant ce que le siècle lui souffle, avec ses grâces et ses horreurs, à fleur de cœur et d’âme. Place ainsi au doute d’un terrien marin dont le corps est en lambeaux, saisi par les affres des guerres.
Roger Toulouse période 33-43. cl Valérie Thévenot
Au fil de l’exposition, nous ne pouvons que succomber au charme de la découverte d’œuvres simplement coloriées comme ce portrait inachevé sur papier, à des déclarations d’amour à Marguerite Toulouse, son épouse, dont une très jolie gouache, « Peggy » (1937) située à l’entrée de la collégiale. Place encore à une œuvre emplie de plénitude, cette poésie murale sur un texte de Pierre Reverdy, « Étoile filante » (1983).
L’hommage aux élèves et compagnons de route
En hommage, l’exposition célèbre, via leurs œuvres et propos, ceux qui furent les élèves de Roger Toulouse à l’École Normale d’Instituteurs d’Orléans, à savoir Jacky Leloup, Yann Hervis, Claude Bourdin, Gérard Audax. Tout cela se retrouve dans un précieux catalogue, témoin d’une longue histoire de l’art mis précieusement à la disposition du public. Dans ce dernier sont aussi évoquées les œuvres de frères d’âme, celles de Bernard Foucher et de Daniel Leclercq.
Impossible ici de citer tous les auteurs, qui ont escorté au fil du temps l’œuvre de l’artiste. Mais citons simplement l’écrit (1991) de Thierry Guérin, écrivain, journaliste à La République du Centre : « Les toiles de Roger Toulouse sont les œuvres d’un visionnaire, d’un artiste accompli. Elles sont la voie et le recours, le chant et la prière ».
Une allégorie de l’humanité sur un fil
Lors de l’inauguration de cette exposition, sur le parvis de la collégiale, Abel Moittié avait évoqué «
l’homme-passion » et sa lucidité, son œuvre résolument inscrite dans la réalité de son temps, sa quête de sens, et cette recherche de l’équilibre que signifie l’affiche de cet accrochage, « Le funambule ». «
Il s’agit là d’une allégorie de l’humanité sur un fil », conclut
Abel Moittié.
Puis
Serge Grouard, maire de la cité, de saluer, en écho, l’œuvre de l’artiste. «
Cette exposition est un hommage profond et un moment enchanté qui fera date. Il s’agit ici d’un témoignage pour l’histoire d’Orléans. Voici les évocations d’une dimension d’artiste accompli, spirituelle et puissante. Politique jusqu’à ses dernières œuvres témoignant de la guerre du Golfe. L’œuvre de quelqu’un qui n’a jamais cherché les honneurs et qui a toujours manifesté son attachement à la ville. Que serions-nous, que ferions-nous, où irions-nous sans la présence des artistes ? Toute municipalité est éphémère dans cette histoire de l’art multiséculaire, mais elle se doit de rendre hommage à la création artistique. Certes modestement, mais volontairement ».
Pour mémoire heureuse, la Ville d’Orléans, suite à cette exposition et au désir d’Abel Moittié, implantera au Jardin Hélène Cadou, en septembre, la dernière œuvre monumentale de Roger Toulouse, aujourd’hui préservée en l’église Saint-Euverte. Elle est dédiée au poète René Guy Cadou. Ce dernier avait écrit en 1948 : « Roger Toulouse est une longue patience, un long mal qui n’espère une lente amélioration que dans les siècles à venir ».
Une esthétique, une éthique, une unité dans la diversité
Roger Toulouse Période 60-71. cl Valérie Thévenot
Pour révéler une esthétique, une éthique, une unité dans sa diversité, un catalogue revient sur la biographie de l’artiste (1918-1994), sur les succès de jeunesse, le repli à Orléans, la période qualifiée de symboliste, les expositions à succès, les triangles, les sculptures. Parallèlement, le commissariat invite à suivre un parcours permettant de découvrir le peintre en six espaces, en six galeries dénommées : le monde terre à terre ; de la vie d’artiste à la guerre ; vers un au-delà de la réalité, le règne du triangle ; vers l’art’ap l’art en apesanteur ; un art de fractures et de lambeaux. Ici sont évoqués les liens avec Max Jacob, Picasso, le poète René Guy Cadou, Pierre Reverdy, d’autres encore. Au fil de plus de 80 publications, Roger Toulouse aura pratiqué toutes les techniques du genre : gravure au burin, lithographie, aquarelle gouache, collage, empreinte. Ami des poètes de L’École de Rochefort, n’oublions pas qu’il était lui-même l’auteur de trois recueils de poésie.
« À l’écoute du bourdonnement du monde »
« Roger Toulouse est chez lui à Orléans où, depuis son atelier de la rue de L’abreuvoir, il a écouté sa vie durant le bourdonnement du monde », écrit Olivia Voisin, directrice du musée des Beaux-Arts, dont la conservation de nombreuses œuvres, essentielle collection, fait figure de fonds d’atelier. Et Olivia Voisin de saluer, dans la lumière de la collégiale, la présence d’œuvres « emblématiques ».
Déambulant au cœur de cette exposition haute en couleur audacieuse ou de toute clarté, aux traits aigus ou souples, nous tomberons entre autres sous le charme d’un Paysage éthéré de 1934, serons surpris par ce Nu allongé jamais présenté au public, tout comme par ce bouquet de fleurs issu de la collection Colette. Voici encore l’homme à l’oiseau d’une beauté bleutée diaphane, le portrait d’or de Suzy Solidor, le fameux funambule qui constitue l’affiche de l’exposition. Mais voici encore ce dessin préparatoire à l’Homme en fuite de 1968, ce vitrail au plomb des ateliers de Limoges, les délicates figures des plats en porcelaine pour la manufacture de Haviland. À voir, aussi, au fil de seize vitrines, des outils de l’artiste, des plaques de cuivre et de zinc, des collages, des écrits des photos mais également les maquettes du médaillon représentant le profil de Roger Toulouse, médaillon créé par Daniel Leclercq, œuvre qui vient d’être implantée dans la rue Roger Toulouse de la cité. Très réussi est aussi un mur d’affiches créées par Roger Toulouse pour des événements culturels orléanais ou tournées vers le monde de l’entreprise. À noter que tout cela se retrouve dans un diaporama, production des Amis de Roger Toulouse et réalisée par Didier Laurenceau. Il s’agit d’une pièce maîtresse de cette exposition tout comme la grande page de garde de cette exposition écrite par Marc Baconnet. Derniers mots à Roger Toulouse : « La peinture est un long silence coloré qui prend le cœur, le soulève et le tue. Le bonheur n’existe pas. L’art existe : c’est peut-être le seul bonheur ! »
Exposition Roger Toulouse, rétrospective
« Présence et questionnements »
Jusqu’au 1er septembre. Ouverture du mardi au dimanche, de 14 heures à 18 heures. Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier – 13 cloître Saint-Pierre-le-Puellier, Orléans.
Visite commentée : le dimanche 1er septembre à 15 h 30.
Renseignements du mardi au samedi de 14 heures à 18 heures : 02.38.79.24.85.