Depuis juin et jusqu’à l’automne, le parcours de Bourges contemporain fédère une dizaine d’acteurs culturels qui invite à la découverte de sites aussi bien emblématiques, inattendus, que patrimoniaux ou naturels. En Pays Fort, et notamment en Sancerrois, on rencontre des œuvres et croise la route d’expressions multiples, véritables échappées belles, et de lignes de convergences des possibles.
Par Fabrice Simoes.
Pas la moindre vague à l’horizon, pas même le plus léger clapotis. Pas très loin, un arbre, seule vigie posée au milieu d’un champ, éclaire une marée verte de colza pas encore arrivé à maturité. Ce n’est pas le point culminant du département du Cher, pourtant, au Faît des Marnes, nous sommes bien à 250 m au-dessus de la mer. À l’arrière-plan, les volutes de vapeur des cheminées de la centrale de Belleville rappellent que la Loire n’est pas qu’un cours d’eau mais aussi un outil industriel hors cadre artistique. Sur le flanc de coteau, de l’autre côté du fleuve, une rangée d’éoliennes tend ses bras vers le ciel, l’un après l’autre. Pollution visuelle face à pollution potentielle, ce coin de territoire n’échappe pas à l’air du temps.
C’est sur ce site que se trouve l’une des étapes du parcours d’art contemporain du Pays Fort « Allons voir ». Intégré depuis plusieurs saisons au circuit artistique estival Bourges Contemporain, c’en est le point culminant. Dans les lavoirs, dans les granges pyramidales, sur les silos à grains, dans le paysage, les artistes invité·es « créent des œuvres in situ en dialogue avec les lieux, qui permettent d’aborder la ruralité sous un nouveau jour. Le commissariat de cette manifestation en milieu rural, qui change d’une année à l’autre, apporte à chaque édition de nouveaux regards ». C’est dit, c’est fait.
Au lieu-dit Les Marnes, en haut de la colline, on pourrait venir pour siffler avec un bouquet d’églantines. Alors, là-haut sur la colline, zaï-zaï-zaï-zaï, on prend le temps de s’installer sur les pas de géant voulus par Bernard Calet. Comme un soulèvement de la terre qu’aucun ministre ne pourra dissoudre. Disposée là, comme un ensemble de pierres, bancs éternels ou presque, l’œuvre est là pour révéler « la zone critique des philosophes ». Le grès de Vailly, rare, chargé d’oxyde de fer, émerge du sol pour rappeler « la verticalité sous nos pieds », l’ancrage au sol et le temps qui passe inexorablement sur ces cœurs de pierre.
Le Pays Fort, cet inconnu
Certes, il faut connaître le chemin ou ne pas prendre à gauche quand le GPS indique d’aller à droite. Le Pays Fort, trop méconnu, chemin de traverse pour se rendre sur le plus emblématique piton de Sancerre, n’est pas au bout du monde. Il se cache seulement un peu et fait son séducteur à la manière d’un beau ténébreux, sans esbroufe, sans excès. Il se dévoile à ceux qui aiment la terre « amoureuse », celle qui colle aux chaussures des bobos et aux godasses des locaux après le moindre agat d’iau. Patrie des granges pyramidales, emblèmes de la région, sa ruralité a été préservée au fil des années. C’est d’ailleurs auprès de l’une de ces particularités architecturales, en bord de Grande Sauldre, au Moulin Riche, à Concressault, que l’on peut faire une autre halte singulière. Dans la grange, on peut découvrir le travail en clair-obscur de Paul Mignard, ou l’installation sonore et textile de Ségolène Thuillart et Louise Arnette. La ruralité jusqu’au bout des battoirs des lavandières du lavoir de Dampierre-en-Crot. Au bord du bassin, depuis des lustres on ne s’y raconte plus les commérages du village, les affaires du gros Léon qui boit trop de canons ou du petit Louis qui s’est encore endormi. Ici, cette année, Martine Royer-Valentin, convoque des textes « de registres différents : scientifiques, historiques, fictionnels » à travers “A fleurs d’eau”. Une autre histoire, une transformation bucolique d’un temps passé en temps de maintenant ou de demain, c’est au choix du visiteur, encore madeleine de Proust pour les plus anciens des visiteurs.
Même si les distances entre chaque site ne sont pas insurmontables, il faut reconnaître que, si on souhaite limiter son empreinte carbone, et ne pas utiliser un véhicule à énergie non renouvelable, l’art en milieu rural se mérite. Du jarret, pour les marcheurs, du mollet pour les cyclopédeurs, il faut… En période de vacances, la mobilité douce, ça ne pose pas de problème.
Les sites d’Allons voir, en Pays Fort, sont situés à : Assigny (Grange pyramidale du Joliveau et Le Faît des Marnes) / Barlieu (Lavoir et Silos de Badineau) / Concressault (Lavoir de la Mère Dieu et Le Moulin Riche) / Dampierre-en-Crot (Lavoir) / Thou (Lavoir) / Vailly-sur-Sauldre (Boutiques et Grange pyramidale). Ils sont en accès libre, gratuitement, tous les jours de 10h à 18h.
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