Pendant la trêve estivale, Magcentre prend le temps de revenir sur l’actualité qui a rythmé cette première moitié de l’année 2024. Nous vous proposons quelques articles qui ont marqué ces derniers mois.
Première publication dimanche, 14 janvier 2024
Le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, Directeur du Festival d’Avignon depuis l’été dernier, a exhumé un texte qu’il avait écrit en 2007 sur la vie d’un couple aimant, qui a traversé ce qui aurait pu être une tragédie, dans un duo musical à deux voix, et une seule partition ou presque. Public aux anges !
Par Bernard Thinat.
On attendait l’ouverture de la salle dans le hall du théâtre Olympia, quand les smartphones ont annoncé la nomination de qui vous savez au Ministère de la Culture. J’ai cru à une Fake-news tout d’abord, avant de me résoudre à comprendre que la réalité dépassait encore la fiction. J’ai songé à l’accueil qu’elle pourrait recevoir au prochain Festival d’Avignon, parce qu’il faudra bien qu’elle vienne !
La pièce créée à Lorient en septembre 2021, tourne depuis à travers la France et ses régions, en passant par Tours ces jours-ci pour 5 représentations, et poursuivra sa route encore et encore, tant le succès est assuré pour cet immense bijou d’une petite heure.
Un jeune couple est confronté à une crise aiguë d’asthme de la femme. L’homme l’emmène aussitôt à l’hôpital, aux urgences. Il attend derrière la cloison de la salle de réanimation. Un médecin vient le trouver. La femme a-t-elle survécu ? Tiago Rodrigues laisse ici une incertitude, c’est le moment clé de la pièce, sorte de bascule du temps au-delà duquel on ne sait plus si leur récit tient de la réalité, survol d’une vie aimante, ou d’une fiction, produit de la double imagination du survivant et de la disparue.
La suite, c’est la vie de couple, un bébé qui chante en s’endormant, le film « Scarface » avec Al Pacino en vidéo revenant en boucle, film dont ils ne verront jamais la fin, le bébé qui grandit, devient ado, sensible à l’écologie, qui quitte la maison, eux deux se retrouvant seuls, elle qui voudrait « un putain de jardin », mais c’est trop cher, un safari en Afrique avec toutes leurs économies (c’était leur rêve). Bien plus tard, les promenades en forêt, la vieillesse qui survient avec la mort de l’un d’eux laissant l’autre seul. La vie qui aurait pu être celle-là sans cette crise d’asthme, mais qui fut peut-être celle-là si la femme a été sauvée par les médecins. On ne saura pas, Tiago Rodrigues nous laisse le doute.
Une expression revient souvent, « On a le temps » dit l’homme qui transporte à toute allure sa compagne à l’hôpital, le temps de vivre, de rêver, de changer le monde qui va mal, le temps aussi pour le public de venir au théâtre. Mais le temps s’écoule : auront-ils le temps de s’aimer ?
Un comédien, David Geselson, une comédienne, Alma Palacios, un couple à une seule partition, avec quelques digressions humoristiques concernant la dyslexie de la femme. Deux voix qui se superposent superbement, l’une au timbre un peu supérieur à l’autre, devant un public (salle comble) émerveillé par ce chant choral à la parfaite concordance (des temps ?).