Clin d’œil au Festival d’Avignon 2024 #4

Nouvelle création du Directeur du CADO à Orléans, avec ce texte de Félicien Marceau, « L’Ami du Président », qui sera programmée en octobre prochain au théâtre d’Orléans. Mise en scène alerte de Christophe Lidon, cette pièce écrite dans les années 80, comporte quelques ressemblances avec ces personnages qui n’hésitent pas aujourd’hui à se frayer un passage vers les sommets de l’État.

Par Bernard Thinat.

Léon Daim, célibataire mais vivant sous le même toit que sa sœur, possède cette étrange particularité, celle d’aimer plus que tout les cérémonies officielles. Alors, il s’y invite surtout lorsqu’il parvient à croiser les plus hauts personnages de l’État, et à se faire prendre en photo au plus près d’eux (ou d’elles, mais à l’époque les femmes se faisaient encore rares dans ce milieu, bien que les choses aient un peu évolué depuis). Et quand un chef et son subordonné découvrent un inconnu sur les photos officielles, on enquête, on cherche qui ça peut être.

Mais qui est donc cet inconnu ? – Photo Barbara Buchmann

Et de fil en aiguille, cet étrange personnage va se faire courtiser par d’autres qui aspirent aussi à grimper dans l’échelle des places à prendre. Car après tout, il n’est peut-être pas grand-chose, mais une amitié peut ne pas être inutile. Il finira par se présenter aux législatives dans l’Hérault, sera évidemment élu, avant de continuer son escalade vers… Allez savoir où cela le mènera ? Et devant les multiples demandes des uns et des autres afin qu’il intervienne en haut lieu pour faire avancer tel ou tel dossier, il répond invariablement : « J’en parlerai ». On pense alors à ces formules que les responsables politiques placent dans leurs discours, et qui ne veulent plus rien dire.

Christophe Lidon a découvert cette pièce il y a presque vingt ans en côtoyant l’auteur, comme quoi dit-il, « les projets de théâtre sont parfois très lents à éclore ». Il lui fallait dénicher le bon acteur pour jouer Léon Daim, qu’il définit comme un « anti-héros moderne, avec la séduction, le charme nécessaires pour le personnage. » Ce sera Davy Sardou, entouré de 6 autres acteurs et actrices qui ensemble interprètent 27 personnages ! Cette pièce en regorge, parfois totalement truculents, tel le dénommé Trumeau à l’accent belge prononcé, qui deviendra le mari de la sœur de Léon. Tous et toutes sont formidables, mais ils ont du métier, cela se voit, et l’humour qui parsème le texte ravit le public.

Lors des saluts, Davy Sardou 3ᵉ à partir de la gauche – Photo B.T.

Le metteur en scène définit Félicien Marceau (1) comme un auteur en lutte contre le système, sa thématique principale, et explique-t-il, « Marceau dit qu’il y a un système dans lequel on est obligé de vivre, et qu’en luttant ou en l’utilisant, on va pouvoir devenir plus fort ». Pour Christophe Lidon, « l’actualité a rattrapé sa création, la pièce a aujourd’hui des résonnances insoupçonnées ».

Ce qui intéresse Christophe Lidon chez Félicien Marceau, c’est « ce côté un peu anarchiste » qui a envie de mettre un coup de pied dans la fourmilière, la raison pour laquelle il voue une véritable « obsession au système ».

Sur une excellente scénographie, dans une direction d’acteurs et d’actrices toujours impeccable, voilà une pièce que le public du CADO appréciera en octobre prochain.

(1) Félicien Marceau (1913-2012), prix Goncourt en 1969, entré à l’Académie française en 1975.