Ecouter dialoguer l’eau de la Somme, l’art et les jardins. C’est ce que propose Arts & jardins/ Hauts de France, qui a ponctué les rives du fleuve d’œuvres bucoliques et écologiques.
Par Bénédicte de Valicourt
Le coup d’œil entre deux eaux au Parc de la Bouvaque, par l’atelier Les Jardiniers Nomades
Sur les bords de la Somme, l’art se savoure désormais à l’air libre. On peut suivre le fil de l’eau ponctué de sculptures et jardins sur 150 kilomètres environ à pied, à vélo -ou au pire en voiture- . Elles ont été posés çà et là, du parc de l’Isle à Saint Quentin, à la baie de la Somme par Arts & jardins / Hauts-de France. Gilbert Fillinger qui en est le directeur, paraît infatigable dans cet exercice, qui n’est pas simple. Il lui faut en effet trouver des artistes qui sachent tirer parti des particularités de chaque lieu, avec des créations plastiques et paysagères résolument contemporaines. « Elles pénètrent dans l’espace public, les jardins, les villes, au cœur du patrimoine bâti et naturel, explique-t-il. Il y est toujours question de développement durable, d’intégration sociale et des ressources de base : l’eau, l’agriculture et l’alimentation ».
FLUX – Eclusier Vaux © Yann MONEL8
Ainsi sur l’une des étapes très bucolique à Eclusier-Vaux, Antoine Millian a posé en 2023 « Flux » dans un creux du fleuve. L’œuvre très belle, sorte de rhizome de métal, d’acier et d’aluminium est en rapport poétique avec le fleuve qui abrite une biodiversité foisonnante régie par les cycles naturels de l’eau et des saisons. On est aux abords de la maison éclusière restaurée et transformée en restaurant. Il fait bon s’y arrêter un bon moment pour rêver à l’ombre des feuillages. Puis, direction Corbie et « Les matrices » de Matthieu Pilaud, autre œuvre récente, près de l’ancienne maison éclusière. L’artiste fait ressurgir avec des roues, des rouets, des moulins, le mythe de la roue de la fortune, en harmonie avec la nature capricieuse de l’histoire de la Somme. Le tout est inspiré des rosaces des églises qui bordent le fleuve. A quelques encâblures de là, à Pont-Rémy à côté d’une autre maison éclusière dûment restaurée, un grand Déversoir en bois a été installé par l’atelier Quand-Même. Il conduit à un bras ancien de la Somme un peu oublié, que l’on peut désormais admirer en toute tranquillité. Ensuite direction Abbeville et le parc municipal de La Bouvaque où « Coup d’œil entre deux eaux » de l’atelier « Les jardins Nomades » a pris place sur le rivage. Un nom qui coule de source, avant de rejoindre Long, autre étape de ce périple. Ici, dans ce beau village, une pause s’impose au restaurant « Au fil de l’eau ». Avant d’aller visiter le « jardin Destock » créé par Mathieu Gontier en 2018, près de la maison éclusière. Au passage on admire l’imposant château ses écluses et ses bateaux.
Les Matrices – Corbie © Yann MONEL11
1 – Détour par le mémorial de Thiepval
Au cours de votre périple qui peut s’effectuer en deux à trois jours, pourquoi ne pas faire un détour par Thiepval et son immense mémorial britannique, toujours très visité. L’association Arts et Jardins/Hauts de France y a aménagé un de ces 28 jardins de la paix qui depuis 2018, dessinent un message de paix et célèbrent la mémoire, dans les cinq départements de la région Hauts-de-France, en Belgique et dans le Grand Est. Celui de Thiepval, un village entièrement détruit pendant la première guerre mondiale, a été dessiné par Hélène et James Basson.
Le promeneur chemine sur des platelages aux lignes brisées qui représentent les tranchées devenues végétales. Juste à côté, « A travers la forêt à la légère », le jardin gallois de l’agence Dawn Bowyer et Andrew Fisher Tomlin, rend hommage aux soldats du Pays de Galles disparus durant la bataille de la Somme. Une longue assise de 33 mètres en chêne gallois et en pierre de Portland, chemine parmi les érables et les charmes, comme un ruban reliant passé et avenir.
2- En passant par Amiens
Au passage, il n’est pas question de faire l’impasse sur Amiens, où le centre-ville, remodelé au cordeau par l’architecte Pierre Duffau à la suite de l’incendie qui l’a ravagé pendant trois semaines en 1940, est très animé en cette fin d’après-midi. Nous empruntons la rue Delambre, artère commerçante de la ville pour admirer la vitrine de Jean Trogneux, connu pour ses chocolats mais aussi et surtout aujourd’hui comme la famille de Brigitte Macron, première dame de France. Un peu plus loin, la cathédrale devant laquelle Pierre Duffau qui souhaitait aérer la ville, a aménagé une vaste place.
Cathédrale d’Amiens cl BDV
De là, on peut passer des heures à admirer la façade foisonnante de la cathédrale Notre-Dame, joyau gothique classique classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont les travaux débutés en 1220 et achevés en un temps record de 68 ans, ont été surveillés par Saint Louis en personne. C’est l’époque la plus prospère de la ville, grâce au quasi-monopole du pastel, que lui avait donné Philippe Auguste.
Pour effectuer la visite le mieux est de s’adresser à l’un des brillants guides conférenciers. Il vous aidera à cheminer dans les méandres des décors de la façade, vous expliquera sans doute au passage que la charpente -qui ne se visite pas- est d’époque et abrite un bassin de 15 000 litres d’eau dans les combles (pour lutter contre les incendies) et vous emmènera en haut des tours. De là, beau point de vue sur les faîtages en ardoise et la flèche de Notre Dame à 112 m, la plus haute flèche en bois de France (1528) construite avec du chêne, offerte par François 1er, après que la foudre ait détruit la flèche d’origine à 126 mètres.
On aperçoit au loin, le Zénith rouge, le Stade de la Licorne et la tour Signal coiffée d’une «boite rouge», signée Renzo Piano, qui a aménagé un campus universitaire dans l’ancienne citadelle XVIIe. Mais il est temps de redescendre pour rejoindre le quartier de la gare reconstruit par les frères Perret et dominé par la tour dessinée par Auguste Perret, l’architecte de la reconstruction au Havre, coiffée d’un sablier en verre de Saint Gobain depuis 2005. C’est le premier immeuble français en béton armée de plus de 100m de hauteur qui fut aussi, un certain temps, le plus haut building d’Europe. Bienvenue également : un tour dans l’ancien et charmant quartier Saint Leu, autrefois haut lieu des canailles de tous poils, remplacés aujourd’hui par des étudiants attablés aux terrasses de ses nombreux cafés.
A visiter également :
A Amiens
-La Maison de Jules Verne, un hôtel particulier du XIXe siècle rénové, où l’écrivain a vécu pendant près de 20 ans et écrit la plupart de ses voyages extraordinaires.
-Le marché sur l’eau le troisième dimanche de juin. Les maraîchers qui continuent à cultiver les terres des hortillonnages descendent la Somme sur leurs barques à cornets chargées de produits frais, en costumes traditionnels, afin de rejoindre le quai Bélu où ils les vendent dans les mêmes conditions qu’au XIXe siècle. Et aussi tous les samedis matin marché du quartier Saint Leu.
-A Argoules Les jardins de Valloires au cœur de la Vallée de l’Authie. C’est autour de l’Abbaye, fondée au XIIe siècle par les moines de Cîteaux, qu’ont été créés les jardins dessinés par le célèbre paysagiste Gilles Clément en 1987.
Déjeuner le long de la Somme
-« Au fil de l’eau », 3 gde rue à Long. Cuisine de terroir et terrasse avec vue sur l’eau . Tél./ 09 55 28 99 67.
-« Domaine des petits bouchons », dans la maison éclusière restaurée par le département à Eclusier-Vaux à 20 kilomètres de Corbie. Réservation : 06 86 95 49 08.
-Le Quai, quai Bélu, Amiens. L’une des adresses les plus populaires de la ville. Cuisine et déco contemporaines, sur deux étages avec terrasse au bord de l’eau. www.restaurant-le-quai.com
Se renseigner :
–www.somme-tourisme.com
-Amiens by Whatizis : un parcours à pied, « les incontournables d’Amiens », pour une première découverte de la ville et de ses trésors en 90 minutes.