La gauche unie bien ancrée à Tours

Malgré l’hystérie politique de ces derniers mois de campagne qui s’enchaînent dans le pays et malgré les outrances permanentes de l’union sacrée des médias aux mains des milliardaires, des néolibéraux en déroute et de l’extrême-droite en pleine poussée, la gauche unie reste solidement ancrée à Tours.

Par Joséphine

Ce dimanche, le ticket EELV-LFI de Charles Fournier (titulaire) et de Marie Quinton (suppléante) a totalisé près de 21 500 voix sur la première circonscription d’Indre-et-Loire, suivis de loin par le candidat macroniste Benoist Pierre et ses 11 500 voix. L’extrême-droite et la droite restent au niveau des européennes avec respectivement 9 500 et 3 000 voix.

Mais avec une participation de 65% hier alors qu’elle avait péniblement atteint les 50% il y a trois semaines, les résultats se présentent en trompe l’œil, d’autant plus si on les met en perspective avec les scrutins des 4 dernières années sur la commune de Tours.

Une gauche unie bien ancrée

Charles Fournier a globalement fait le plein de voix hier, dépassant de loin ses 14 000 voix du premier tour des législatives 2022 et même les 19 000 voix des scores cumulés de la gauche aux européennes. Cela est d’autant plus remarquable que la campagne a été réduite à sa plus simple expression avec deux semaines organisées en catastrophe, sans la force de frappe de la majorité présidentielle. La dynamique sur le terrain, les meetings réussis et l’investissement de plusieurs centaines de militants non-encartés qui se sont mobilisés face au péril du RN démontre que, loin des analyses catastrophistes des macronistes sur les « gauches irréconciliables » et sur le rejet d’un Mélenchon « trop clivant, antirépublicain et antisémite » (sic), la gauche unie fait sens et mobilise davantage que la simple addition de ses composantes.

Il est désormais clair que les forces centrifuges du PS et d’EELV, il est vrai isolées quoi qu’encore visibles y compris pendant la campagne à Tours – démontrant un bon goût et un sens de la décence assez limités –, doivent comprendre le caractère incontournable de l’union et la nécessité d’évacuer les ambiguïtés propres à la NUPES par une meilleure organisation et davantage de dialogue, y compris aux échelles locales.

Pour autant, et quitte à faire la fine bouche, Charles Fournier a fait 1500 voix de moins que le cumul des scores de la gauche à la présidentielle de 2022 et 3000 voix de moins que ce qui pouvait être espéré si on rapporte le score des gauches aux européennes à la participation d’hier. Comment interpréter cela ? Il est probable que des électeurs du centre-gauche se soient abstenus hier ou aient voté pour le candidat dissident Alain Dayan, ou dans une moindre mesure pour Benoist Pierre, marqué à droite et très clivant de par sa personnalité. Si on analyse les bureaux de vote où Charles Fournier reste en demi-teinte, on voit se dessiner une couronne périphérique comprenant Tours Nord et les Fontaines, avec un électorat populaire qui, si on en croit les retours de la campagne, marquent une certaine désaffection pour l’écologie en général et pour quelques décisions de la majorité municipale en particulier, décisions d’ailleurs instrumentalisées par la droite locale. Il est également probable que les ces espaces de précarité attendent davantage de politiques sociales sans se sentir déclassés par rapport à un centre-ville perçu comme bobo.

Mais en tout cas, depuis 5 ans, la dynamique unioniste ne se dément pas et a tendance à se renforcer, sans que les attaques incessantes et les querelles partisanes mesquines sur l’écologie dogmatique, le socialisme mollasson ou le caractère trop clivant des insoumis n’aient un effet sur le vote de l’essentiel des électeurs de gauche, preuve de la distorsion entre les discours politico-médiatiques et la réalité.

Un macronisme qui s’effrite

Avec un Benoist Pierre « ayant pris la grosse têt…encore un peu plus si c’est possible », comme le confie une figure politique de la droite, le score des macronistes d’hier sera probablement montré comme triomphal. Sauf que les choses se présentent de manière un peu plus subtile. C’est vrai que les macronistes passent de 6500 voix aux européennes à 11 500 hier, mais à participation égale, ils perdent 1 000 voix par rapport au premier tour des législatives 2022 et plus de 5000 par rapport au premier tour de la présidentielle.

En fait, selon toute vraisemblance, Benoist Pierre a récupéré des voix de macronistes ne s’étant pas déplacé pour Valérie Hayer, un millier de voix d’électeurs LR qui ont voté « utile » pour un candidat de droite ayant des chances d’aller au second tour, et quelques centaines de voix de glucksmanniens issus de la gauche du macronisme qui ont sanctionné le parti du président aux européennes pour sa dérive droitière et qui sont tout de même rentrés au bercail néolibéral hier.

On a d’ailleurs eu l’impression que Benoist Pierre s’est lancé tard dans la bataille et, vu ses affiches et sa communication des derniers jours de campagne, qu’il a voulu se débarrasser de l’encombrante étiquette macronistes pour tout centrer sur ce qui lui semble de loin le plus important : sa photo et son nom, préparant de fait les municipales de 2026. Mais la marche à franchir est encore très haute pour remporter le siège de député dimanche prochain, sauf à aller vraiment draguer outrageusement les électeurs du RN, ce qui d’ailleurs se dessinait déjà dans quelques prises de position sécuritaires la semaine dernière…sous peine cependant de s’aliéner la frange la plus à gauche de son électorat. Et tout ceci, sans véritables soutiens militants : Renaissance Tours et ses rares membres ont ostensiblement fait campagne pour Fabienne Colboc sur une autre circonscription – sans succès –, le Modem est aux abonnés absents à Tours et Horizons a une stratégie peu lisible, certains membres n’ont pas fait campagne et d’autres, comme Mélanie Fortier, ont carrément appelé à voter pour Alain Dayan, ancien de l’équipe de Jean Germain et uniquement intéressé par sa propre candidature aux municipales 2026, faisant le pari de préempter les électeurs de Glucksmann, soi-disant pris en otage par le Nouveau Front Populaire.

Une droite républicaine en plein marasme

Le candidat LR Lucas Janer, débarqué au dernier moment, jeune et mal implanté, n’a pas démérité, lui qui a dû pallier les défections des ténors locaux Olivier Lebreton, Jérôme Tébaldi, Brice Droineau et Cécile Chevillard qui ont préféré rester très discrets ces trois dernières semaines. Seule Marion Nicolay-Cabanne, ancienne première adjointe de Tours, s’est pliée à l’exercice de la campagne. Finalement, le tandem de fortune a limité la casse, totalisant 3 000 voix, autant que François-Xavier Bellamy aux européennes à Tours, même si à participation égale ils auraient pu espérer 4 000 voix, score atteint d’ailleurs par Olivier Lebreton aux législatives de 2022.

Résultat ? Un grand flou pour l’avenir en ce qui concerne le parti, déchiré au national par la question du rapport au RN. Cependant, ce déchirement à déjà commencé localement avec la formation d’un groupe d’opposition municipale composé d’un Olivier Lebreton déjà en campagne pour 2026, d’une Cécile Chevillard aux positions ouvertement catho-tradi et marraine de Zemmour en 2022 et d’un Thibault Coulon qui fait semblant de regarder ailleurs en ce moment, récusant malgré l’évidence de son parcours et des confidences de ses petits camarades sa coloration très droitière. Coloration qu’il sait être un handicap pour ratisser large aux municipales…mais peut-être aussi une force s’il décide de franchir le Rubicon d’une alliance avec l’extrême-droite locale, où sont du reste déjà partis certains anciens camarades de ce trio, Lionel Béjeau et Françoise Amiot.

Une extrême-droite qui pousse…en hors-sol

Dernière force en présence hier, l’extrême-droite a fait un score honorable, avec 9 500 voix, alignant deux illustres inconnus tout à fait novices et apparaissant comme variables d’ajustement sur les affiches de leurs partis qui avaient choisi de mettre en avant les têtes de gondole Le Pen, Bardella et Zemmour.

En réalité, le score est plutôt décevant car il reste le même en valeur absolue qu’aux Européennes, avec une participation pourtant bien plus forte. Ils auraient ainsi pu espérer 3 000 voix de plus, sachant qu’à la présidentielle 2022 Marine Le Pen avait même totalisé 14 000 voix.

Toujours est-il que l’extrême-droite solidifie sa position, même si l’électorat est relativement volatile, Marine Le Pen faisait 10 000 voix à la présidentielle 2017 alors que le candidat RN atteignait péniblement les 1 500 voix aux municipales de 2020.

Et donc ?

A Tours, comme au national, la tripartition des forces politiques est en cours, même si la sociologie spécifique de la ville laisse à la gauche une position dominante, si tant est qu’elle soit unie et qu’elle travaille en amont les aspects programmatiques du projet commun et les désignations des représentants qui porteront ses couleurs par la suite.

Une frange sociale-libérale pourrait être tentée par rejoindre un futur bloc central mais ce dernier est très divisé, souffre de fait de problématiques de personnes ayant du mal à travailler en équipe et n’a pas de véritable identité programmatique à l’échelle municipale.

Enfin, l’extrême-droite pourrait stabiliser une position, notamment en pactisant avec la frange droitière de LR et quelques personnalités en embuscade, mais le manque de cadres au RN rend cette perspective hasardeuse, renvoyant LR à une alliance plus fructueuse avec les macronistes…rendant quasi-impossible la construction d’une bloc central cohérent qui irait des quelques glucksmanniens allergiques à LFI jusqu’aux ciottistes issus de la Manif pour Tous.

 

 

Commentaires

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  1. soit mais analyse qui passe un peu vite sur le problème posé par LFI dont le leader, dès le début de soirée électorale dimanche, parlait comme s’il était le chef du NFP, au côté d’une de ses adjointes en pleine provocation vestimentaire symbolique ; la gêne de certains électeurs de gauche et encore plus celle d’électeurs de droite amenés à faire barrage est compréhensible

  2. @mouche du coche : je ne pense pas qu’il y ait un “problème LFI” en dehors des obsessions de la droite et d’une partie des médias, et les résultats le démontrent à mon sens, aussi bien à Tours qu’à l’échelle nationale. Pensez à la gêne du candidat NFP et des électeurs qui feront barrage en votant Darmanin sur ca circo. Et là on ne parle pas de déclarations tronquées, d’hystérie collective et de bouts de tissu.
    @Thérèse : oui, c’est une analyse précise, des rapports de force, pas juste un avis à l’emporte-pièce 😉

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