La nausée et les mains sales : la fin sale d’une campagne croupion

[Billet]
Par sa décision incongrue au soir du scrutin européen, à contretemps de tous nos partenaires, le président de la République a prétendu, en un geste gaullien, redonner démocratiquement la décision au peuple.

Par Paul Bluzet

A l’inverse d’une dissolution programmée à l’automne, le caractère éclair de la campagne, pari de Macron pour piéger une gauche divisée et impréparée, n’a pas permis un véritable débat sur les enjeux majeurs pour le pays, derrière slogans, postures et programmes bâtis à la va-vite. Pire, entre l’Euro et les JO, le spectacle donné de défouloir de colère et de passions tristes d’exclusion ternit profondément l’image de la France. Les violences verbales des derniers jours marquent-elles une nouveauté ou s’inscrivent-elles dans une tradition politique ?

On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue. Naufrage dans le Loir-et-Cher

La fin de campagne législative a touché le fond jeudi 27 juin : les électeurs ébahis ont découvert, le même jour, que LFI avait investi, en lieu et place du maire socialiste de Blois, un candidat plaisantant dans de vieux tweets sur Hitler, la Shoah, les homosexuels…Consternation et retrait immédiat de l’investiture du Nouveau Front Populaire, agrémenté de l’appel digne de Marc Gricourt à voter pour le seul candidat démocrate et républicain, Marc Fesneau. Le scandale à peine retombé, le député sortant RN du sud solognot, ancien inspecteur d’allemand, pressenti pour le ministère de l’éducation nationale, se couvrait de honte en remettant en cause la légitimité de binationaux à exercer la fonction, citant de lui-même Najat Vallaud-Belkacem… À quand la remise en cause de Jean Zay, Blum et Mandel ? Le fond semble atteint dans l’ignominie. Ceux qui pensent encore que le RN a changé, a rompu avec le racisme et l’antisémitisme, avec le tri opéré entre les « vrais » Français et les autres, n’ont plus que quelques heures pour enfin se réveiller.

L’urne ou la barricade : un mythe qui laisse place à des campagnes violentes

Si le suffrage « universel » (masculin, mais sans condition de fortune) de 1848 postule le remplacement du fusil et de la barricade (Olivier Ihl), devenus inutiles, par l’urne, complétée par l’isoloir en 1913, le bulletin de vote n’éradique pas la violence. La résistance au coup d’Etat du « Prince-Président » apparaît comme une légitime défense démocratique, en dépit du rétablissement du suffrage universel. La Troisième République, née dans la douleur de la féroce répression des communards, laisse place dans sa première décennie incertaine aux pressions administratives en faveur des candidats officiels de « l’Ordre moral » clérical, contre les candidats républicains de Gambetta. Même après la conquête du régime par les Républicains en 1879, les tensions électorales restent fortes, et la jurisprudence nourrie des tribunaux administratifs (élections locales) et des Assemblées (nationales, avant le Conseil constitutionnel), en particulier en Corse, en Algérie (élection du publiciste antisémite Drumont) et dans l’Empire. La loi libérale sur la presse de 1881 autorise toutes les formes d’attaques et de polémiques, diffamation exceptée, sans réprimer l’appel à la haine raciale et antisémite. Les réunions publiques sont alors contradictoires, et souvent agrémentés, selon les rapports de la police, d’altercations, d’attaques personnelles et d’insultes qui peuvent déboucher sur des rixes. Les campagnes de presse du Journal du Loiret contre Zay sont relayées par les organes antisémites nationaux en 1932 et 1936, et Léon Blum est victime en 1936 de la violence physique des Camelots du Roy, avant que son ministre de l’Intérieur, Roger Salengro, victime d’une ignoble campagne de calomnies sur sa conduite durant la Grande Guerre, ne se suicide.

Quatre-vingts ans de bannissement d’une violence récurrente

Si la Seconde Guerre mondiale a conduit à considérer le racisme et l’antisémitisme comme un délit et non plus une opinion, certaines campagnes électorales demeurent tendues : les débuts de la Guerre froide électrisent la campagne municipale de 1947, avec rixes et mort en plein hôtel de ville de Marseille. La vague poujadiste de 1956 déferle avec des relents d’antisémitisme à l’encontre de Pierre Mendès France à Louviers.
Violence verbale, électricité dans l’air de la campagne, les tensions et le débordement des flots de haine caractérisent cette veille de scrutin. Si la Ve République, en vitesse de croisière, avait su nous épargner partiellement une telle atmosphère – n’oublions pas toutefois les attentats meurtriers de l’OAS, les barbouzeries du SAC de Pasqua, et les violences récurrentes des nervis du GUD, toujours si proches de la présidente du RN – violences verbales et physiques pendant une campagne, et même durant le scrutin, ou à sa suite pour contester les résultats électoraux, ont accompagné l’histoire politique de la France. Mais cette fois, le risque d’un contrôle majoritaire des médias par le groupe Bolloré, à l’affût de la privatisation de l’audiovisuel public, et la caution qu’apporterait à ces violences un pouvoir à la discrimination décomplexée bouleversent l’équilibre. Le passage d’une haine larvée à une législation discriminatoire, ce serait, pour la première fois sans être précédé d’un effondrement militaire, le début de la déstabilisation de l’État de droit.

 

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Mais d’où parle Mr Bluzet? ce serait tout à son honneur de préciser ce qui l’autorise à (sans aucune originalité médiatique) mettre dans le même sac des fascistes-racistes et une tentative de résistance populaire , participerait-il à ce courant stagnant de pensée entre sable mouvant et mare centriste molle ?

  2. Est ce donc gênant de demander d’où écrit Mr Bluzet et d’exprimer son impression que sa pensée politique s’apparente à celle d’un centre mou ?.
    ( la personne qui n’a pas passé le commentaire précédent peut me répondre à mon adresse mail. )

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 13°C
    • après midi 25°C
  • samedi
    • matin 16°C
    • après midi 19°C
Copyright © MagCentre 2012-2024