Et encore, on a de la chance à Tours car dans au moins une autre circonscription d’Indre-et-Loire, pas de débat… et ce sont même carrément les documents de propagande électorale de certains candidats qui n’ont pas pu être transmis à temps, privant les électeurs d’un accès à l’information pour mûrir leurs choix. Car la dissolution surprise pour convenance personnelle d’Emmanuel Macron a aussi eu des effets collatéraux et des victimes. Parmi elles, les candidats du Nouveau Front Populaire qui ont vu leur investiture validée dans la nuit du 14 au 15 juin…avec l’obligation de fournir leur propagande avant le 18 juin.
Et c’est sans même évoquer la question des moyens financiers, certaines candidates salariées non-issues de milieux châtelain-friendly ne pouvaient pas prendre de congés pour préparer la campagne ni avancer de leur poche les frais initiaux, actant de fait une inégalité entre candidatures, avec une prime aux sortants et aux politiciens avec des moyens personnels. Rien de nouveau sous le soleil direz-vous, mais la précipitation de la dissolution a renforcé le phénomène.
Des candidatures de témoignage
Un débat à sept, donc. Sauf que très vite, on s’est rendu compte que pas grand monde n’était là pour parler vraiment de projet, de programme, de détails techniques et d’articulation entre la circonscription et l’action politique d’une future majorité. En fait, on a assisté à un second hold-up sur la campagne, après celui de Macron.
Pour commencer, deux candidatures de témoignage. D’un côté celle traditionnelle, quasi-patrimoniale avec le charme désuet du kitsch, celle de Lutte Ouvrière, parti trotskyste révolutionnaire qui utilise les campagnes comme caisse de résonance pour ses idées. OK. On avait aussi dans ce registre la candidature de Reconquête via un représentant local visiblement peu à l’aise à l’oral, maîtrisant mal un programme qui repose de toutes façons sur les saillies rhétoriques d’Eric Zemmour, amenant d’ailleurs ce dernier à plusieurs reprises devant les tribunaux correctionnels. On a vite deviné que le parti était convaincu d’obtenir un accord avec le RN pour éviter le fiasco des législatives de 2022 et qu’après le départ fracassant de Marion Maréchal-Le Pen et le refus de Bardella de tendre le bras – euh, la main pardon – à Zemmour, il a fallu trouver des candidats-chair à canon au dernier moment dans le plus de circonscriptions possibles pour ne pas perdre la face. Malaise palpable et sourires gênés dans l’assistance.
Un peu de sang neuf ?
Ensuite, on a eu droit à des candidatures-baptême du feu. C’est vrai qu’il faut bien des premières fois à tout et que le renouvellement de la classe politique doit mettre en avant la jeunesse, mais sans préparation ni investissement personnel sincère, cela tombe à plat.
On a ainsi assisté aux grand débuts de la candidate RN Lisa Garbay, nommée en catastrophe après que la cheffe de l’organisation de jeunesse du parti lepéniste à Tours se soit fait prendre la main dans le sac identitaire, participant à des actions du groupuscule néo-fasciste Des Tours et Des Lys. Mme Garbay n’a pas convaincu, mais ne s’est pas non plus effondrée : portable sous les yeux, à côté de la plaque sur les contenus programmatiques mais avec une certaine assurance dans le ton, d’autant plus notable qu’elle était entourée exclusivement d’un parterre de messieurs. « C’était dur, quand même » a-t-elle glissé à ses soutiens à la fin de la soirée. La candidate a cependant échoué à faire passer le message du RN à destination du « peuple », incarnant peut-être un peu trop la frange « sac Longchamp/fac de droit/passionnée d’équitation » de l’extrême-droite.
Non loin d’elle, on a pu écouter le jeune candidat LR parachuté au dernier moment par un parti en pleine interrogation sur sa stratégie envers le RN et Macron. Issu d’un lycée militaire et réserviste de l’Armée de Terre, Lucas Janer a fait ses études à Lyon puis Paris avant une étape en Belgique et des débuts professionnels dans les Hauts-de-Seine. Visiblement à l’aise en exposés à Sciences Po, ayant bien appris la ligne dictée par les ténors anti-ciottistes du parti et par tontons Paumier et Briand, le jeune homme a attaqué symétriquement le candidat Macroniste, sommé d’admettre la situation catastrophique léguée par le chef de l’État, et le candidat du Nouveau Front Populaire, assimilé à l’extrême-gauche, contre l’avis du Conseil d’État et contre ce que notre réserviste a dû apprendre sur les amphis encore tièdes de sa présence à Sciences Po. Résultat ? Un discours sans ancrage local qui ne visait qu’à essayer de justifier et donner à croire qu’il existera à l’avenir un espace politique entre l’alliance macroniste Ensemble et la ligne ciottiste d’alliance avec le RN.
Bref, un petit goût d’apprenti-apparatchik a qui on reconnaît tout de même volontiers l’abnégation de s’y coller après que les cadres locaux du parti – Olivier Lebreton et Jérôme Tébaldi – aient décliné l’offre et soient devenus mutiques, attendant peut-être de voir le résultat de l’élection et le comportement de leurs troupes pour savoir si finalement ils ne deviennent pas ciottistes, mais en se pinçant délicatement le nez. Deux autres figures locales de la droite-catholique-Manif pour Tous – Cécile Chevillard et Thibault Coulon – ont décidé eux aussi de rester très en retrait de cette campagne, sans prendre parti publiquement, et ce alors que certains de leurs camarades ou anciens camarades les suspectent d’être favorables de longue date à une union des droites. Notons qu’il n’y a guère que Marion Nicolay-Cabanne qui mouille la chemise col claudine pour le parti, elle qui est suppléante de Lucas Janer et seule véritable figure LR qui connaisse ce terrain de campagne.
Ceci n’est pas une élection municipale
Hier, on a également eu le droit à deux candidats tout droits sortis de Retour vers le Futur. Perdus dans une faille spatio-temporelle, ils débarquaient selon toute vraisemblance de la campagne municipale de 2026. D’un côté Alain Dayan, déjà candidat pour la mairie et qui se réclame de la sociale-démocratie, entendant récupérer les 20% d’électeurs qui ont choisi
Glucksmann aux Européennes sur la Commune de Tours, mais semblant oublier que Place Publique fait partie du Nouveau Front Populaire. Sans parti, ayant quitté le PS il y a un an, sans réels soutiens, il entend profiter des législatives comme d’un marche-pied pour préparer 2026 tout en pouvant faire valoir son score de dimanche prochain et négocier peut-être une belle place sur une des listes de centre-droit qui se profilent pour les municipales.
Ancien lieutenant de Jean Germain, vieil habitué des aventures solitaires comme par exemple lorsqu’il décide de se maintenir aux élections cantonales de 2011, contre la consigne de son parti, Alain Dayan semble aussi être dans la posture d’une vendetta personnelle. Unioniste aux municipales de 2020 à Tours, il soutient en 2021 une candidature de centre gauche dissidente aux élections départementales à Tours Nord, alors que sa suppléante actuelle à la législative était à l’époque candidate d’union des gauches sur un autre canton. En 2022, Alain Dayan redevient pro-Union et s’investit localement dans la Primaire Populaire qui investit Christiane Taubira avant de se rabattre sur Mélenchon, à l’époque encore visiblement fréquentable. Toujours unioniste quelques semaines plus tard, M. Dayan vante la Nupes et l’alliance PS-LFI publiquement. Mais en cette année 2024, c’est décidé, il faut enfiler de nouveau la veste social-démocrate et pourfendre les alliances négociées à Paris. Quelques déclarations très consensuelles et vagues pour le contexte national et un discours essentiellement axé sur la politique municipale, suscitant des réactions assez hostiles des électeurs de gauche, balayées d’un revers de main par un Alain Dayan qui estime le risque d’une victoire du RN « inexistante à Tours ».